Même frappé de nullité, le contrat engage l’administration, qui doit régulariser la situation de l’agent non titulaire, voire lui verser des indemnités.
Cet arrêt de la section du Conseil d’Etat du 31 décembre 2008, « M. Carvallo » (n° 283256) constitue une décision essentielle pour la gestion des non titulaires dans les collectivités territoriales car elle met à la charge des employeurs publics des obligations précises dont la méconnaissance n’est pas sans conséquences tant en termes de régularisation d’un contrat irrégulier qu’en termes d’indemnisation de la rupture du contrat.
Le cadre du litige
Le requérant avait été recruté à compter du 1er juin 1995 par un contrat à durée déterminée de trois ans pour occuper un emploi administratif permanent à la tête du cabinet du directeur général d’un OPHLM et a démissionné de ce poste le 31 mars 1996 ; il a ensuite exercé d’autres fonctions au sein de l’office dans le cadre de deux contrats successifs avant de démissionner à compter du 6 août 1998. Par un jugement du 11 juin 2001, le tribunal administratif de Nice, après avoir relevé que la démission de l’intéressé de son emploi à la tête du cabinet du directeur général et la signature de son nouveau contrat étaient intervenues sous la contrainte et que, par suite, ces mesures étaient constitutives de fautes engageant la responsabilité de l’office, a condamné ce dernier à verser, d’une part, une somme au titre du préjudice matériel lié à la rupture du premier contrat et, d’autre part, une autre somme en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d’existence. Par un arrêt du 24 mai 2005, la CAA de Marseille a réformé le jugement en jugeant notamment, compte tenu de la nullité du contrat initial, que l’intéressé ne pouvait prétendre à l’indemnisation d’aucun préjudice lié à la rupture de ce contrat.
La nécessité de la régularisation
Sauf s’il présente un caractère fictif ou frauduleux, le contrat de recrutement d’un agent contractuel de droit public crée des droits au profit de celui-ci ; lorsque le contrat est entaché d’une irrégularité, notamment parce qu’il méconnaît une disposition législative ou réglementaire applicable à la catégorie d’agents dont relève l’agent contractuel en cause, l’administration est tenue de proposer à celui-ci une régularisation de son contrat afin que son exécution puisse se poursuive régulièrement et, si le contrat ne peut être régularisé, il appartient à l’administration, dans la limite des droits résultant du contrat initial, de proposer à l’agent un emploi de niveau équivalent, ou, à défaut d’un tel emploi et si l’intéressé le demande, tout autre emploi, afin de régulariser sa situation. Si l’intéressé refuse la régularisation de son contrat ou si la régularisation de sa situation, dans ces conditions, est impossible, l’administration est tenue de le licencier.
La détermination d’un préjudice
Si un agent estime avoir subi un préjudice du fait d’une décision de l’administration de mettre fin à son contrat, il appartient d’apprécier le préjudice effectivement subi par celui-ci ; dans le cas où l’administration fait valoir, à bon droit, que le contrat de l’agent méconnaissait des dispositions qui lui étaient applicables et était, par suite, entaché d’irrégularité, une telle circonstance ne saurait, dès lors que l’administration était tenue de proposer la régularisation du contrat de l’agent, priver celui-ci de la possibilité de se prévaloir, pour établir son préjudice, des dispositions qui ont été méconnues et des clauses de son contrat qui ne sont affectées d’aucune irrégularité. Dans le cas où l’administration fait valoir à bon droit que l’agent occupait un emploi auquel un fonctionnaire pouvait seul être affecté et se trouvait ainsi dans une situation irrégulière, et que, à la date à laquelle il a été mis fin à son contrat, aucun autre emploi ne pouvait lui être proposé dans les conditions définies ci-dessus, aux fins de régularisation de sa situation, l’agent ne peut prétendre avoir subi aucun préjudice du fait de la décision de mettre fin à son contrat, mais seulement demander le bénéfice des modalités de licenciement qui lui sont applicables.
Commentaire
Le Conseil d’Etat vient de rendre une décision qui contribue à améliorer le statut des contractuels de droit public. Elle s’inspire d’une certaine manière de la jurisprudence relative à la reprise des salariés de droit privé d’une association assurant un service public. Désormais, un agent recruté illégalement sur un emploi permanent dans la fonction publique territoriale et qui se trouve dans une situation irrégulière doit se voir proposer un emploi de niveau équivalent, ou, à défaut d’un tel emploi et si l’intéressé le demande, tout autre emploi afin de régulariser sa situation. Si l’intéressé refuse la régularisation de son contrat ou si la régularisation de sa situation, dans ces conditions, est impossible, l’administration est tenue de le licencier. Cette décision protectrice des agents vise sans doute à réduire le recours abusif aux contractuels. Il restera à apprécier ses conséquences en termes de gestion des collectivités, qui ne sont pas négligeables.