Faut-il interdire le voile intégral ? Ce qu'en pensent Mohammedi Moussaoui et Michel Destot

Telle est la question posée par "le Courrier des maires", avant l'adoption de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, à Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman (CFCM) et à Michel Destot, président de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), député-maire de Grenoble.

"La médiation peut aider des femmes à s'affranchir du port du voile intégral, pas la contrainte"

Mohammed Moussaoui,
président du Conseil français du culte musulman (CFCM)

"Le port du voile intégral n'est pas une prescription religieuse. Il participe d'une manière ou d'une autre à la stigmatisation de l'islam de France. Le CFCM n'est toutefois pas convaincu qu'une loi d'interdiction générale et absolue soit appropriée pour régler cette question. Interdire à ces femmes d'être visibles sur la voie publique, c'est simplement les renvoyer chez elles.

La contrainte ne peut pas changer les mentalités. Nous encourageons le dialogue et l'éducation, pour faire comprendre aux femmes que cette pratique ne sert pas leur intérêt.

La version première du projet de loi faisait de celles-ci des délinquantes et prévoyait des sanctions disproportionnées à l'infraction.
Le texte actuel ne présente plus ces femmes comme des hors-la-loi mais comme des personnes qu'il faut accompagner dans la pratique de leur spiritualité.
C'est le sens de la période de six mois de dialogue et de médiation prévue avant l'application effective des sanctions.

Chacun doit s'impliquer dans cette médiation : la famille, l'école, les pouvoirs publics, le CFCM. Dans les antennes régionales du CFCM, les imams et les associations travailleront auprès des femmes qui ont besoin d'un accompagnement pour les aider à s'affranchir du port du voile. Certaines pratiques peuvent heurter et il est naturel, pour vivre ensemble, que chacun fasse un effort pour rassurer l'autre. Il s'agit de trouver un équilibre entre la liberté individuelle et la conception de sa pratique religieuse ou culturelle par la société."

"Le projet de loi est porteur d'amalgames et d'un risque de stigmatisation de la communauté musulmane"

Michel Destot,
président de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF), député-maire de Grenoble (38)

"Je suis totalement opposé au port du voile intégral. C'est une prison pour les femmes et il n'a pas sa place dans la République, mais je doute qu'une loi d'interdiction générale produise les effets escomptés. Le port du voile intégral est une pratique minoritaire en France et légiférer sur la question risque de conférer au phénomène plus d'importance qu'il n'en a.

Le projet de loi est également porteur d'amalgames et d'un risque de stigmatisation de la communauté musulmane.

La solution du problème devrait émerger de la concertation et de la médiation avec les populations. Cette médiation doit opérer dans plusieurs directions.
Les élus locaux doivent prendre part, le plus dignement possible, à ce travail à l'intention des jeunes femmes, dans les écoles ou dans les associations. Il s'agit de véhiculer l'image d'un autre islam, de dispenser des cours de civisme et de citoyenneté dans les lycées, d'éduquer les jeunes avec des cours sur l'histoire, la culture, l'intégration de la population musulmane en France depuis plusieurs siècles.

Une association, à Grenoble, dénommée L'Ecole de la paix, utilise l'éducation, parmi d'autres activités, pour promouvoir les valeurs d'une société multiculturelle. C'est un exemple d'action qui peut être mise en place dans une commune. Aujourd'hui, l'emploi est aussi un élément de la citoyenneté. Il peut être un vecteur de dialogue et d'intégration. Ces différentes dimensions de la citoyenneté ne doivent pas être cloisonnées mais reliées."

Article mis en ligne le 16 février 2011

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