Urne avec enveloppes de vote
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Le choix de maintenir le premier tour de scrutin au début de la crise sanitaire fait encore débat, près de deux mois après sa tenue. Alors qu'Edouard Philippe souhaite installer les conseils municipaux élus dans leur totalité au plus vite, de nombreux recours locaux sont portés devant les tribunaux administratifs pour obtenir l’annulation des résultats du 15 mars. Une hypothèse qui divise les maires...
« La démographie même du corps électoral a été modifiée, les gens, dont les personnes âgées, ont choisi de rester chez eux pour se préserver. »
Renaud George, maire de Saint-Germain-au-Mont-d'Or (Rhône), défait le 15 mars dernier.
" Dans notre commune de 3 200 habitants, nous avons pu constater que la crise sanitaire a eu des conséquences sur la participation du 15 mars. Seuls 39,5 % des habitants se sont déplacés aux urnes, contre 65 % lors des dernières élections municipales de 2014. Deux catégories se sont particulièrement abstenues : les personnes âgées et les parents de jeunes enfants. Il est clair ici que c’est la démographie même du corps électoral qui a été modifiée et que des gens ont choisi de rester chez eux pour se préserver. Et c’est d’ailleurs ce qu’ils nous ont dit lorsque nous leur avons posé la question.
Sincérité altérée. Pour moi, les messages sanitaires délivrés par le gouvernement dans les jours qui ont précédé le scrutin, et relayés par les médias, ont conduit à cette abstention massive. Ce n’est pas une abstention libre, c’est une abstention contrainte et elle a altéré la sincérité du scrutin. Et c’est pour cette raison-là que j’ai décidé de déposer un recours devant le tribunal administratif. Avec un collectif de maires, nous sommes par ailleurs en train de travailler au dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel pour obtenir l’annulation du premier tour du 15 mars. »
« Nous avons des députés européens, en fonction actuellement, qui ont été élus avec des scores de participation bien moins élevés ! »
Dominique Dhumeaux, maire de la Fercé-sur-Sarthe président des Maires ruraux de la Sarthe, élu le 15 mars dernier.
«L’argument du taux de participation est difficile à entendre : nous avons des députés européens en fonction actuellement qui ont été élus avec des scores de participation bien moins élevés. Et personne ne remet en cause leur mandat ! Si le taux de participation a effectivement chuté au niveau national de 20 %, il faut voir que, dans les petites communes rurales, les gens se sont quand même bien déplacés. Les taux de participation sont certes en baisse comparés à ceux de 2014, mais pas de manière spectaculaire ! C’est d’autant plus vrai dans les villages où il y avait un enjeu avec plusieurs listes en compétition.
Respect des votants. Par ailleurs, je trouverais cela compliqué d’annuler le premier tour notamment par égard pour tous ceux qui ont décidé d’aller voter et d’honorer leur devoir civique, mais aussi par respect pour les assesseurs qui ont, malgré des conditions difficiles, tenu les bureaux de vote. Néanmoins, si des conditions particulières étaient réunies - taux d’abstention très fort, candidat empêché de faire campagne, cas de Covid-19 dans la commune, etc.- je trouverais légitime de déposer un recours administratif mais ce sera alors au tribunal administratif de trancher, au cas par cas. »
Une QPC à suivre
Un collectif de maires va déposer une question prioritaire de constitutionnalité afin d’obtenir l’annulation du premier tour. Mais de nombreux juristes estiment que la démarche a peu de chance d’aboutir car la loi organique du 23 mars est claire sur ce point : « L’élection régulière des conseillers municipaux et communautaires [...] reste acquise, conformément à l’article 3 de la Constitution. »
Louis - 06/05/2020 15h:08
Je suis entièrement d'accord avec les propos de Dominique Dhumeaux qui a tout résumé ! J'ajoute donc qu'en conséquence, annuler le premier tour ne serait rien de moins qu'un coup d'état !
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