Ecole, sortie de cours
La question des taux d'encadrement des activités périscolaires ne relevant pas du temps de l'éducation nationale fait l'objet de divergences entre la Caisse nationale des allocations familiales, qui maintient ses normes, et les élus locaux, qui estiment qu'ils ne devraient pas assumer seuls le surcoût.
L’Association des maires de France (AMF) demande un allègement des normes d’encadrement pour l’ensemble du périscolaire relevant d’un accueil de loisirs sans hébergement (ALSH), sans que cela ne remette en cause le financement de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Jean-Louis Deroussen, président de la Cnaf, et Yves Fournel président du Réseau français des villes éducatrices, réagissent à cette proposition.
Jean-Louis Deroussen, président de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF)
« On peut équilibrer n’importe quel budget au détriment de la qualité »
« Nous étions, et nous sommes toujours opposés à la généralisation du taux d’encadrement allégé((Le décret n° 2013-707 du 2 août 2013 relatif au projet éducatif territorial et portant expérimentation relative à l'encadrement des enfants scolarisés bénéficiant d'activités périscolaires dans ce cadre, porte le taux d’encadrement à un animateur pour 14 enfants (au lieu de 10) de moins de 6 ans, et un animateur pour 18 enfants (au lieu de 14) de plus de 6 ans. Cette dérogation est accordée pour trois ans.)) à l’ensemble des activités périscolaires relevant d’un ALSH.
Nous avons déjà fait de gros efforts en acceptant de financer les trois heures d’activités périscolaires dans ces conditions, à titre dérogatoire. Nous avons également apporté en 2014, une contribution au fonds d'amorçage à hauteur de 62 millions d'euros, alors que cela n’était pas notre rôle, mais celui de l’Etat.
Nous ne souhaitons pas aller au-delà et entrer dans un dispositif qui remette en cause la qualité de l’accueil. Je comprends les difficultés financières des élus. Le fait que le Premier ministre ait accepté de reconduire le fonds d’amorçage en 2014, est pour eux une chance importante, mais il ne faudrait pas pour autant que les questions d’argent occultent tout le reste.
En mettant trop de jeunes enfants sous la responsabilité de personnes dont la formation est parfois légère, on ne respecte pas le sens initial de la réforme”
On peut équilibrer n’importe quel budget au détriment de la qualité. En mettant trop de jeunes enfants sous la responsabilité de personnes dont la formation est parfois légère, on ne respecte pas le sens initial de la réforme. Qu’adviendra-t-il en effet si en 2015 le fonds d’amorçage n’est pas pérennisé ? Les communes nous demanderont-elles cette fois d’accepter un taux d’encadrement d’un adulte pour 36 enfants ?
Je comprends que les maires soient courroucés par cette réforme qu’on leur a imposée dans des conditions difficiles d’équilibre des finances locales. Mais il n’est pas normal de tout remettre sur le dos des CAF en disant qu’elles n’ont qu’à payer plus. Bien sûr, si le contexte réglementaire évolue, nous nous y conformerons, mais en nous retournant vers l’Etat pour la question du financement.
En ce qui concerne le gel des contrats enfance jeunesse (CEJ) jusqu’en 2015, il s’agit pour la Cnaf d’être prudente. Il a déjà fallu inscrire dans le budget de la convention d’objectifs et de gestion (COG) les 250 millions d’euros pour la réforme des rythmes. Nous ne pouvions pas nous engager à guichet ouvert. Nous allons procéder à une première évaluation de ce qui n’a pas marché d’ici à la fin de l’année, ainsi que du coût réel de la réforme. Nous restons bien sûr ouverts à la concertation pour faire avancer le débat en fonction de ce bilan. »
Yves Fournel, président du Réseau français des villes éducatrices (RFVE)
« Alléger les normes de taux d’encadrement améliorerait l’existant »
« Depuis le début, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) est entrée à reculons dans la réforme des rythmes scolaires. Cette réticence reste une affaire financière : moins les communes respectent le taux d'encadrement réglementaire, moins les CAF auront à payer. Or, tout ce débat est quelque peu hypocrite et théorique. Car sur le terrain, les taux d’encadrement sont inférieurs au taux intermédiaire dérogatoire autorisé pour la réforme des rythmes. En réalité, le taux moyen se situe plutôt aux alentours d’un adulte pour 24 enfants. C’est ce que nous avions mesuré il y a deux ans au RFVE, et cela concorde avec les évaluations faites par d’autres associations.
Alléger les normes de taux d’encadrement de l’ensemble des activités de loisirs apporterait donc une amélioration par rapport à l’existant. Pour nombre d’animateurs, passer d’un taux de un adulte pour 24 enfants, à un pour 18, contribue à améliorer la qualité de l’accueil, mais aussi de leurs conditions de travail.
Des garanties sur le dégel des CEJ en 2015 permettraient de faire diminuer la pression chez les maires qui ont besoin de visibilité”
A court terme, il faut aider les communes à passer le cap. C’est pourquoi le taux intermédiaire devrait être appliqué à tous les accueils périscolaires. Pour la Cnaf, ce n’est tout de même pas un gouffre financier face à l’enjeu de la réforme. Elle finance bien des crèches commerciales qui ne respectent pas les critères de la prestation de service unique (PSU) !
Lorsque l’on examine la répartition des lignes budgétaires du Fonds national d’action sociale (Fnas), entre petite enfance et jeunesse, il y véritablement deux poids deux mesures ! Cela ne serait que justice si quelques dizaines de millions d’euros supplémentaires pouvaient abonder le financement « Enfance et jeunesse » !
L’annonce par le Premier ministre de la reconduction du fonds d’amorçage en 2014 est une bonne nouvelle, et vient compenser le gel des contrats enfance jeunesse (CEJ) jusqu’en 2015. Je peux comprendre que face à l’incertitude du financement de la réforme des rythmes, la Cnaf prenne quelques précautions pendant deux ans, mais il faudrait que nous ayons dès maintenant des garanties quant au dégel des CEJ en 2015. Cela permettrait de faire diminuer la pression chez les maires qui ont besoin de visibilité.
De toute façon, il est clair que ce gel des crédits freine le processus. Les collectivités qui ont le plus de difficultés financières vont juste assurer les trois heures d’activités périscolaires issues de la réforme et reporter à plus tard une action plus globale sur les temps périscolaires. Mais je reste confiant. Le mouvement est de toute façon inexorable. »