Pierre Jouvet, président de la commission électorale du PS, président de la CC Porte de DrômArdèche
© CC Porte de DrômArdèche
Alors que le PS gère près de 220 villes de plus de 10 000 habitants dont 12 de plus de 100 000 âmes, les élections municipales s’annoncent cruciales pour un parti meurtri par ses échecs à la présidentielle et aux européennes. Président de la commission électorale du PS et l’un des quatre porte-parole du parti, Pierre Jouvet détaille les ambitions socialistes pour le scrutin des 15 et 22 mars. L'élu local de la Drôme affiche l'espoir de reconquérir une partie des villes remportées en 2014 par la droite aux dépens du PS et a déjà un œil sur les élections départementales, régionales… et présidentielle qui suivront.
Cet entretien avec le socialiste Pierre Jouvet, également président de la communauté de communes Porte de DrômArdèche et conseiller départemental de la Drôme, est le cinquième d'une série sur les stratégies des principaux partis politiques français engagés dans la bataille des élections municipales 2020. Ce sont l’écologiste Bruno Bernard, le « marcheur » Pierre Person, Sébastien Chenu (Rassemblement national) et Eric Ciotti (LR) qui l’ont précédé dans cette série d’entretiens.
Courrier des maires : Quelles sont les ambitions du PS aux municipales ? Avez-vous espoir de regagner une parte des quelque 150 villes de plus de 9 000 habitants perdues face à la droite en 2014 ?
Pierre Jouvet : Notre premier objectif est de conserver les villes détenues depuis 2014, voire depuis plus longtemps,. Et ce, que ce soit dans les grandes agglos ou dans les plus petites villes parce que le PS a cette spécificité contrairement à d’autres partis, d’être à la fois un parti des villes et un parti des campagnes, d’être implanté aussi bien en zone rurales qu’en agglomérations, alors qu’on nous décrivait ces dernières années que comme un parti des grandes villes. On estime aussi avoir une marge de progression : nous avons subi une vague bleue importante en 2014 : l’UMP avait largement remporté scrutin. Il devrait y avoir un rééquilibrage en notre faveur dans communes de 10 000 à 20 000 habitants.
Au niveau national, le parti semble peu investi dans la campagne… est-ce une mise en retrait volontaire de l’appareil du parti ? L’étiquette PS rebute-t-elle ?
Nous sommes très en lien avec nos candidats locaux, et même dans lien l’hyper proximité. C’est pareil pour tous les partis, il n’y a pas plus d’organisation ailleurs. On effectue au PS un travail plus souterrain, avec une cellule Elections au parti à Evry, composée de quatre personnes à temps à plein pour aiguiller nos candidats, notamment ceux des plus petites communes, sans staff, hors radar, sur les questions financières, stratégiques, programmatiques.
Quelles thématiques de campagne rassemblent les différents candidats PS municipales ?
La question des « communs » est beaucoup apparue, et fait partie de notre argumentaire. Plus largement, nous avons la volonté d’afficher une ambition programmatique autour d’une triple urgence : sociale, écologique et démocratique. Sociale sur le pouvoir d’achat, l’accompagnement des plus défavorisés dans les communes, et avec des politiques de santé innovantes comme le montrent nos projets de centres de santé municipaux visant à salarier des médecins généralistes. Ecologique car nous voulons amener plus de transition : des repas bio dans cantines et CCAS, des circuits courts privilégiés, la piétonisation des centres urbains, en prenant exemple sur Paris et Nantes, etc. Et enfin l’urgence de répondre au défi démocratique : les citoyens doivent être associés plus fortement aux décisions qui sont prises, surtout à l’échelle minimale via des conseils citoyens, des référendums locaux sur les projets, des budgets spécifique par quartier.
Les candidats PS sont-ils toujours ceux d’un parti « productiviste » vantant les vertus de l’attractivité des territoires ?
On a eu un virage chez les élus socialistes : pendant de très nombreux années, nous avions effectivement une vision très productiviste, avec ce terme d’attractivité qui résonnait beaucoup. L’attractivité n’est plus un objectif en soi du moins si elle signifie la concurrence entre territoires : nous militons plutôt pour des logiques de coopération, et des schémas moins productivistes.
Craignez-vous d’entre supplantés par les écologistes là où vous dirigiez pourtant la ville avec leur appui ? Comment vous différenciez-vous d’EELV en matière écologique ?
La question écologique traverse l’ensemble des partis dans ces municipales : c’est réponse globale que nous proposons. On considère d’abord qu’on peut répondre à l’urgence sociale en partie en répondant à l’urgence écologique. Un bon programme local habitat doit ainsi intégrer une isolation des maisons va d’abord devoir profiter aux moins fortunés des citoyens. Et les bilans environnementaux de nos maires sont très bons. Nous avons aussi pour nous l’expérience de la gestion, des exécutifs locaux, des bilans et des résultats. Or dans cette élection, il y a un élément majeur : on ne vote pas pour un maire pour se faire plaisir comme on le fait pour un député européen qui va siéger à 600 ou 700 km de chez soi : le maire est l’élu de la proximité par excellence. Il ne peut être ni un élu hors sol, ni un amateur ni un farfelu.
Espérez-vous tout de même des accords entre les deux tours ?
Nous souhaitons évidemment nous mettre d’accord entre les deux tours avec EELV qui reste un partenaire privilégié. Nous ne lâcherons jamais la main tendue. Mais c’est aussi aux verts de régler leurs problèmes entre eux : quelle ligne est la leur entre celle de Julien Bayou et de Yannick Jadot ? Certains se gargarisent avec 13 % de voix aux européennes ; mais on peut aussi remarquer que si la gauche avait été rassemblée, ce n’est ni Marine Le Pen ni Emmanuel Macron qui auraient été en tête…
La tentation hégémoniste du PS sur la gauche serait donc aussi du passé au niveau local ?...
Il y a clairement un besoin d’oxygénation politique de la gauche française : on ne peut rester sclérosé dans des petits appareils qui n’auraient vocation à faire que 10 à 15 % des voix. Nous devons dépasser nos querelles d’égos et les approches partisans pour privilégier un projet de transformation sociale, comme cela se fait à Marseille avec la liste du printemps marseillais.
On trouve pourtant à la tête de cette liste d’union de la gauche une candidate écologiste, Michèle Rubirola… qui doit faire face à une liste menée par son propre parti, EELV !
Les Verts font de mon point de vue la même erreur que Jean-Luc Mélenchon après la présidentielle… Or, aujourd’hui personne ne peut revendiquer seul le leadership de la gauche. Cette stratégie d’autonomie pour se compter ne peut qu’affaiblir la gauche.
Comment gérez-vous le fait de voir certains candidats PS soutenus par En marche ?
Nous faisons de ces municipales l’élément premier de la renaissance des socialistes et de la gauche après le chaos de 2017. D’où un choix de fort renouvellement des candidats et de forte féminisation : nous sommes le seul parti politique à présenter une femme en tête de liste à Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Rennes, Nantes. 40 % de nos têtes de liste sont des femmes. Notre stratégie est de redonner espoir à l’électeur de gauche déboussolé par cet éparpillement façon puzzle de la gauche et qui tend à faire de l’opposition Macron Le Pen un duel exclusif dont nous ne voulons pas. Nous avons montré, notamment avec les communistes, que les gauches ne sont pas forcément irréconciliables, bien au contraire, alors que les relations étaient fraiches au sortir du quinquennat Hollande. A partir de là, les choses sont claires : nous n’investirons ni ne supporterons aucun candidat qui soutienne ou défende la politique du Gouvernement à laquelle nous nous opposons. Si En marche, pas son incapacité à s’implanter, s’essaye à la politique du coucou, nous ne pouvons pas pour autant blâmer nos candidats qui ont reçu le soutien de LREM sans avoir rien demandé et tout en s’opposant à politique du Gouvernement. On en est arrivé au point où des candidats PS soutenus par En marche ont dû produire des communiqués pour rappeler qu’ils ne partageaient pas la politique d’En Marche !
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Votre ambition pour les municipales est-elle la même pour les futures sénatoriales et les autres élections locales qui suivront en 2021, départementales et régionales ?
Les municipales sont effectivement la matrice des élections à venir et nous voulons prouver à chaque élection que la gauche rassemblée peut gagner. Or des municipales réussies nous donneraient une assise très forte pour les élections départements et régionales ensuite : quand un parti gagne que ville, généralement, on gagne ensuite le canton qui y est attaché. Cela donne aussi un base pour les régionales.
Vous qui êtes président d’une communauté de communes ((Porte de DrômArdèche, à cheval sur deux départements)), jugez-vous les candidats PS suffisamment concernés par la conquête de leur interco et l’importance de l’outil intercommunal ?
Etant président de la commission électorale du PS et président d’une intercommunalité, je veille particulièrement à discuter du sujet avec les candidats afin qu’ils veillent à porter un projet intercommunal. Les intercommunalités sont l’avenir des communes : même si elles manquent de légitimité démocratique avec ce fléchage en forme de troisième tour, même si je souhaiterais un suffrage direct pour le président et l’ensemble de l’exécutif intercommunal, je conseille à nos candidats dans les villes centres de ne pas écraser ceux des autres villes et les incite à porter des politiques innovantes à cette échelle.