Face aux demandes de participation des citoyens, les initiatives des élus et candidats restent isolées

Marion Esquerré
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Face aux demandes de participation des citoyens, les initiatives des élus et candidats restent isolées - Rouen 2014 Citoyenne et Ecolo - 11/02/2014 16h:19

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Alors que « la démocratie participative » avait connu un fort regain d'intérêt dans les années 2000, le souffle semble retombé. Des pratiques et des rendez-vous de concertation avec les populations locales se sont installés, mais ils restent isolés. Pourtant, cette « co-élaboration » répond à une véritable demande des citoyens, dans un contexte de défiance vis-à-vis de l'action politique.

Les candidats aux municipales ont encore un mois pour déposer leur liste en préfecture mais d'ores et déjà, leurs programmes se dévoilent dans les tracts et réunions publiques. Au milieu des thèmes habituels – le logement, la propreté, la sécurité, la petite enfance… – apparaissent des notions telles que démocratie participative, budget participatif, co-construction, conseils de quartiers, instances de concertation, etc.

C'est le cas à Strasbourg (Bas-Rhin). L'équipe sortante du socialiste Roland Ries place au premier rang de ses engagements tenus celui d'une « restauration de la démocratie locale ». Les conseils de quartiers ont été relancés. Les projets ont fait l'objet de concertations avec les habitants et la commune a réalisé un travail tout particulier pour intégrer les jeunes dans ses processus de réflexion et de décision.

Même malmenée, la démocratie participative est revendiquée
Si l'opposante UMP, Fabienne Keller, ne reconnaît pas ce travail, elle semble toutefois elle aussi donner de l'importance à la participation des habitants dans le cadre de sa campagne. Celle-ci s'appuie sur un site internet et des réunions publiques intitulées « dites-moi tout », complétés d'ateliers thématiques ouverts à tous ceux qui souhaitent contribuer à la construction de son programme.

A Rouen (Seine-Maritime), le sujet est au centre du programme du Vert Jean-Michel Bérégovoy, principal opposant de gauche au maire sortant (PS) Yvon Robert. Les citoyens auront voix au chapitre dans tous les domaines, à travers des organes préexistants au rôle renforcé ou de nouvelles instances, promet le candidat écologiste. Bien qu'il fut un temps son adjoint à la démocratie participative, Jean-Michel Bérégovoy évoque sa volonté de « changement de gouvernance » en mettant en place une démarche de co-construction. Reste qu'en face, la liste socialiste du maire sortant n'est pas en reste : et le programme porté par Yvon Robert ne semble pas si éloigné des conceptions de son ancien adjoint dans ce domaine précis. Preuve qu'à Rouen, le sujet de la « démocratie participative » n'est pas accessoire.

Les partis nationaux, entre scepticisme et opportunisme
Retrouve-t-on cet intérêt pour la « participation des habitants » dans toutes les communes ? Difficile de l'affirmer en l'absence d'une étude exhaustive. La concertation comme un mode de gouvernance des collectivités locales n'est pas inscrite dans la loi et ne relève que de la volonté politique. Or, au niveau national, le sujet n'est pas prédominant. La gouvernance des institutions locales est peu interrogée par les grands partis politiques, en dehors des questions mises à l'ordre du jour par le gouvernement (cumul des mandats, parité, etc.).

Ce manque d'intérêt transparait dans bien des endroits. Militant associatif à Béziers (Hérault) et ancien agent territorial, Serge Guillemin le regrette, mais il en est ainsi de sa ville d'adoption. « Dans des communes comme Béziers, sauf à avoir un élu très éveillé sur le sujet, on a à faire à des élus qui ne lisent pas ce qui se passe ailleurs, ne s'informent pas sur l'évolution des pratiques. Ils sont étrangers à ce sujet-là », constate le militant. Son association Béziers dialogue citoyens a organisé à l'automne un « café citoyen » sur le sujet. « Des candidats ont participé. Ils ont apporté une réponse politique - la presse était là - mais on sent que ce sera très vite oublié... », regrette-t-il.

L'apport des listes « citoyennes »
Pourtant, si l'idée de la participation est loin d'avoir infusé dans tout le monde politique, le terrain municipal reste un terrain fertile. Armel Le Coz, co-fondateur de l'association « Smartgov » et du collectif « Démocratie ouverte » le confirme. Depuis le mois d'octobre, il effectue un Tour de France des maires et des candidats aux municipales. « J'ai rencontré une soixantaine de maires ou candidats sensibles au sujet. Les internautes m'ont en plus conseillé de rencontrer quelque 200 personnalités politiques locales qui portent un discours et des pratiques en faveur de nouvelles pratiques démocratiques », souligne le voyageur. « Les Verts, et dans une moindre mesure les centristes, semblent plus sensibles au sujet, mais la revendication d'un système plus participatif est souvent portée par des listes citoyennes, hors parti politique ».

C'est le cas à Bayeux (Calvados). Ici, le collectif « Bayeux, c'est vous » s'est lancé dans la bataille municipale en lançant, il y a dix mois, le jeu « Si j'étais maire de Bayeux ». Il s'agit de prendre le pouls des habitants et de construire avec eux son programme. L'initiative n'a pas provoqué une grande affluence, mais suffisamment pour que le PS local et les Verts adhèrent à la démarche.

Cependant, pas de « récup' » possible. Le candidat qui mènera la liste « Bayeux, c’est vous » est un « désencarté » du PS depuis 15 ans et les personnalités politiques locales présentes sur la liste seront peu nombreuses. De son côté, le maire centriste sortant de Bayeux et candidat à un troisième mandat, Patrick Gomont, a réagi de manière plutôt tranchée à l'initiative qu'il juge « complètement loufoque et farfelue ».

La co-élaboration comme remède au « rejet de la politique »
Le projet a pourtant fait des émules à Auch (Gers), où les Verts, qui feront liste commune avec le maire sortant PS, se sont lancés dans la campagne avant leurs colistiers pour expérimenter cette démarche de co-élaboration. « Pour nous, la participation des habitants est une évidence dans le cadre de la transition écologique, insiste Philippe Le Goanvic, porte-parole d'EE-LV dans le département. C'est une nécessité à l'heure où l'on assiste à un rejet de plus en plus important du politique au sein de la population ». La commune a connu les balbutiements d'une démarche participative avec l'élaboration de l'Agenda 21. Et les écologistes gersois souhaitent que la démarche qu'ils testent dans le cadre de la campagne permette d'aller plus loin dans en ce sens.

A l'autre extrémité de la France, en Alsace, le maire de Kingersheim est un convaincu de longue date. Joe Spiegel est même le coauteur d'un manifeste, publié en 2013, qui appelle à « faire (re)naître la démocratie ». Depuis plus de dix ans, l'élu encarté au PS mais critique vis-à-vis des partis – « ces machines à conquérir le pouvoir » – a instauré une pratique permanente de la « démocratie d'élaboration ». « Non seulement, en tant qu'élu, nous sommes garants de l'intérêt général mais aujourd’hui, face à la crise démocratique, nous avons la responsabilité de faire en sorte que tous ceux qui le souhaitent deviennent copropriétaire de cet intérêt général », affirme-t-il.

Quand la « démocratie d'élaboration » fédère... jusqu'à l'opposition
Dans la continuité de ses mandats, lui et ses colistiers se sont imposés la même exigence pour construire leur programme. « De ce fait, à part peut-être la première fois, en 1989, je n'ai jamais réellement fait campagne, reconnait-il. Je suis dans une commune qui vote à droite aux élections nationales, mais notre démarche a inversé ce rapport lors des élections municipales ». Cette année, une grande partie de l'opposition UMP a même décidé de s'engager à ses côtés.

Jo Spiegel estime toutefois que sa démarche, sa posture, est loin d'être la norme ou même le reflet d'une tendance. Car si l'élu alsacien dit donner régulièrement des conférences sur le sujet « un peu partout en France », la demande provient plus de collectifs de citoyens, de conseils de développement ou de personnalités politiques isolées, convaincues sur leur territoire, que des partis politiques.

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