Face à l'éolienne soufflée par la tempête

Aurélien Hélias
Face à l'éolienne soufflée par la tempête

Eolienne soufflée le 1 er janvier 2018 par la tempête Carmen (Vendée)

Le lundi 1 er janvier 2018, la tempête Carmen balaie l'Ouest de la France. Au petit matin, alors que des vents à 160 km/h sont annoncés, une éolienne de 62 mètres de haut s'effondre à Bouin, sur le littoral vendéen. Déchiquetée. Une crise qu'avait dû affronter Alain Leboeuf, alors vice-président du conseil départemental de Vendée et tout juste élu ce 1er juillet 2021 à la tête de la collectivité au lendemain des élections départementales.

[Article initialement publié dans le numéro d'avril 2018]

Une éolienne déchirée, brisée en trois morceaux Ce 1er janvier 2018, la stupéfiante image tourne en boucle sur les chaînes de télé et les réseaux sociaux. Sur place, les yeux encore embués par le réveillon, Jean-Yves Gagneux est prévenu par « un conseiller municipal qui cherchait ses deux chiens. C'était surréaliste », rapporte le maire de Bouin. Alain Lebœuf, président du Sydev, le syndicat qui exploite l'éolienne, déboule aussitôt sur ces terres argileuses jonchées de débris. « Sur le moment, nous avons émis l'hypothèse d'une mini-tornade. Mais en fait, pas du tout ! » Depuis, les données enregistrées par le centre de télémaintenance en Allemagne chez le fabricant Nordex et les « boîtes noires » de la machine ont parlé.

Onze secondes. Le maire évoque aujourd'hui « une succession d'événements malheureux ». Il déroule : « Le samedi 30 décembre à 16 h 30, en raison des vents forts annoncés, l'éolienne est mise en drapeau [à l'arrêt]. On constate alors qu'une des trois pales ne s'oriente plus. Le dimanche matin, c'est au tour de la deuxième, puis de la troisième. Le lundi, un technicien prend la main à distance pour tenter de réenclencher le moteur. » Cette manœuvre nécessite que l'éolienne ne tourne pas, ce qu'indiquent les capteurs. « Sauf que l'éolienne tournait à l'envers et que les vents étaient forts », se désole l'élu. En onze secondes, le monstre d'acier s'emballe. Une pale heurte le mât. La machine se déchire, puis s'écrase. Depuis, le parc est à l'arrêt. Sur un trimestre, la perte d'exploitation est estimée à 1 million d'euros. L'heure est désormais aux négociations avec Nordex, alors que le contrat d'exploitation et de maintenance arrive à échéance le 30 juin. Problèmes : ce type d'éolienne n'est plus fabriqué et, depuis la tempête Xynthia de 2008, le terrain a basculé en surface non constructible. « Nous avions aussi des projets en lien avec un plan hydrogène. Bref, tout cela tombe très mal », conclut Alain Lebœuf.

Les acteurs

Le Sydev / département de Vendée. Le Sydev est le syndicat départemental d'énergie et d'équipement de la Vendée. A travers sa SEM Vendée Energie, il exploitait trois des huit éoliennes du parc de Bouin. Et ce, depuis sa mise en service en 2003. D'une durée de quinze ans, le contrat garantissant les prix prend fin le 30 juin prochain. Par la suite, « nous avions prévu d'utiliser ces trois éoliennes pour transformer l'énergie produite en hydrogène. C'était la base d'un nouveau projet énergétique pour le département. Tout cela se négocie et ne va pas être simple ».

La commune de Bouin. Le parc éolien est situé sur les polders du Dain, en arrière des parcs ostréicoles de Bouin. Trois des huit éoliennes étaient érigées sur des terres appartenant à des agriculteurs, dont celle qui est tombée. « Notre rôle dans cette histoire a été limité », glisse le maire Jean-Yves Gagneux. Lui a « juste pris, sur demande du préfet, un arrêté pour limiter la circulation des très nombreux curieux. Ce qui a été difficile, car l'accès au site dessert 130 établissements ostréicoles ».

La société Nordex. Cette entreprise dont le siège social est situé à Rostock (Allemagne) est le fabricant des huit éoliennes du champ de Bouin. Elle est également en charge de la maintenance de ces machines d'environ 260 tonnes, hautes de 62 mètres, mues par trois pales de 40 mètres de long. Nordex France n'a pas répondu à nos multiples demandes concernant notamment la rédaction du rapport qu'elle a réalisé sur cet accident. Et qui doit être transmis aux services de l'Etat.

La préfecture de Vendée. Elle a pris un arrêté stipulant le remplacement de la partie motorisée, qui sert à orienter les turbines, des sept éoliennes restantes. Une condition sine qua none pour leur remise en marche. Le feu vert sera donné par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), après réception et assimilation du rapport d'expertise apporté par Nordex.

Ce que dit la loi

Afin d'assurer la rentabilité de tout projet éolien, une obligation d'achat à un tarif garanti est valable durant quinze ans. Ensuite, en cas d'arrêt définitif de l'installation de production, et comme le précise le décret n° 2011-985 du 23 août 2011, le démantèlement puis la remise en état du site sont placées sous la responsabilité de l'exploitant. Lequel doit également « notifier au préfet la date de cet arrêt un mois au moins avant celui-ci ». L'arrêté du 26 août 2011 sur « la remise en état et la constitution des garanties financières » des éoliennes dispose que les exploitants de parcs éoliens doivent constituer une garantie financière afin d'assurer les frais de démantèlement et de remise en état. Elle peut prendre la forme d'une consignation auprès de la Caisse des dépôts.

« Nous comptons sur notre propre unité de surveillance »

Alain Lebœuf, vice-président du conseil départemental de Vendée

Revoir la maintenance

[caption id="attachment_96815" align="alignleft" width="300"] Alain Leboeuf, vice-président du conseil départemental de Vendée[/caption]

« Les contrats sont une force le jour où il arrive un pépin. En l'occurrence, nous avons la chance que le fabricant de l'éolienne soit également celui qui fut chargé de sa maintenance ces quinze dernières années. Pas de prestataires multiples, donc, qui risquent toujours de se renvoyer la balle. Mais il n'est pas normal que trois moteurs tombent en panne quasiment en même temps.Des leçons vont être tirées sur le plan technique, avec notamment le remplacement à venir - puis tous les cinq ans - de la motorisation qui assure l'orientation de la pale. Il s'agit d'un organe à la fois de sécurité et d'optimisation du fonctionnement de l'éolienne. Concernant la rédaction du rapport par Nordex, à la fois fabricant et chargé de la maintenance, nous ne trouvons pas cela illogique dans la mesure où cet accident est exceptionnel et qu'ils ont tous les experts. Ils nous ont toujours tenus informés de leurs avancées.

Pérenniser la surveillance rapprochée

Même si ce parc est suivi en télémaintenance par Nordex, nous bénéficions de notre propre unité de surveillance avec des techniciens qui ont une visibilité sur le fonctionnement du parc. Ce qui nous a permis d'être alertés rapidement des dysfonctionnements en cours et de suivre ces épisodes quasiment heure par heure. Y compris en pleine période de réveillon du Nouvel an.

Gérer la tempête médiatique

Sur le plan de la communication, je me suis senti très seul pour gérer cette crise. C'était très lourd. J'en ai d'ailleurs fait part, avec fermeté, à la présidente de Nordex France. Faire la Une de tous les journaux un 1 er janvier, pour un événement pareil, n'a rien d'agréable. Cet accident est rarissime. Il est donc compliqué de préparer quelque chose. D'emblée, cette chute nous a paru invraisemblable même en cas de vents forts. C'est la raison pour laquelle, nous avons initialement évoqué une mini-tornade. Il nous a aussi fallu gérer les anti-éoliens... Cela reste un accident matériel et il est totalement exceptionnel. »

Recevez vos newsletters gratuitement

FORMATIONS