André Rossinot
© Wikimedia Commons
Alors que l’AMF doit lancer officiellement aujourd’hui, jeudi 21 novembre, la commémoration par les communes de la Première guerre mondiale, le maire de Nancy, André Rossinot, co-président du comité des maires pour le centenaire, revient sur l’implication de l’association d’élus et des communes dans ces commémorations qui s’étaleront sur quatre ans.
Courrier des maires.fr. Quel est le rôle de l’AMF dans la préparation des commémorations du centenaire ?
André Rossinot. C’est sous l’égide de l’AMF, l’un des membres fondateurs du GIP de la mission centenaire, que s’est constitué le comité des maires pour le centenaire. Il a pour but d’évoquer le rôle des maires qui, après avoir dû apposer dans leurs communes les affiches de mobilisation dès 1914, sont devenus après 1918 les garants de la mémoire de la Grande Guerre, qu’il s’agisse de la mémoire combattante comme de toutes les autres mémoires. Partout en France on trouve des monuments aux morts dédiés à cette guerre : il y a donc un travail général de mémoire et de souvenir, tant de familles ayant été décimées, et pas uniquement celles qui vivaient dans les régions où le front s’était installé.
Quels sont les objectifs de ces commémorations ?
A. R. Il y a un devoir de transmission, d’échanges intergénérationnels, comme le montre l’instauration d’une trentaine de comités académiques sur le centenaire, et la nécessité aussi de poser un regard sur la paix, sur l’histoire européenne.
A quel degré les collectivités sont-elles déjà impliquées ?
A. R. Le comité a pour mission de mobiliser les maires, comme il le fait au congrès de l’AMF. La réunion du 16 octobre a acté la mobilisation des assemblées départementales : un comité présidé par le préfet dans chaque département a pour mission de partager les bonnes pratiques. Déjà, près de 900 projets sont remontés des 103 comités départementaux. 611 projets, portant quelque 800 manifestations, ont déjà été labellisés. Le centenaire, c’est une grande affaire d’Etat ! Une première salve de projets sont ainsi validés, d’autres sont en préparation.
Quels sont les grands-rendez-vous jalonnant ces commémorations ?
A. R. Quatre grands projets devraient marquer le calendrier.
- D’abord, la mise en œuvre d’une base nationale des monuments aux morts à l’initiative de la mission et en partenariat avec l’Université de Lille. Il faudra pour ce projet mettre en synergie les informations des associations partenaires, des associations patriotiques, des sociétés d’histoire locale, etc.
- La seconde, intitulée Europeana 14-18, a inclus une grande collecte européenne qui propose à tout à chacun d’apporter des souvenirs familiaux datant de cette guerre. 60 points de collectes en France et 9 pays européens y ont participé du 9 au 16 novembre dernier.
- La troisième consiste en une gigantesque photo participative : chaque maire sera sollicité par Raymond Depardon pour lui envoyer une photo de « son » monument aux morts, celui de sa commune. Raymond Depardon en fera ensuite une œuvre photographique commémorative globale, partagée et participative, qui sera présentée aux rencontres photographiques d’Arles 2014.
- Enfin, le 2 août 2014, aura lieu une grande campagne nationale reprenant les affiches annonçant, commune par commune, la mobilisation du 2 août 1914.
Y aura-t-il une dimension internationale de l’action des communes commémorant 14-18 ?
A. R. Le rôle et la place des villes dans ces commémorations se verra notamment à travers les jumelages, comme Nancy avec Karlsruhe. Nous travaillons avec un comité de jumelage et en Allemagne, le gouvernement fédéral comme les länder sont mobilisés. Récemment a eu lieu le premier séminaire international sur la commémoration pour coordonner les initiatives internationales et parvenir à un agenda pluriannuel partagé. La France est identifiée comme le coordinateur et la prochaine conférence aura lieu en avril 2014.
Votre ville, Nancy, s’est-elle déjà lancée dans un programme de commémorations en lien avec l’histoire locale ?
A. R. A Nancy sera commémorée la bataille qui eut lieu en août et début septembre 2014, qui permit de tenir front face aux allemands, leur barrant la route à l’ouest, au sud et vers les Vosges. Ce fut la bataille du Grand Couronné. Un épisode qui ne concerne pas uniquement le territoire lorrain, puisque c’est là que fut décimé un régiment de Hautes-Pyrénées, en provenance de Tarbes, à une époque où les soldats étaient encore équipés de pantalons rouge garance…
Déjà, la ville a organisé une lecture par le comédien Jacques Weber de Eclats de vie - hommage aux Poilus au fort de Frouard, en Meurthe-et-Moselle. A la mi-février 2014, s’ouvrira une exposition dont le comité scientifique sera présidé par un historien allemand : la guerre, bien sûr, mais aussi l’Europe et la paix y tiendront une grande place.
Au-delà de la transmission de la mémoire, quels sont les autres enjeux de cette commémoration ?
A. R. Un autre enjeu concerne le tourisme de mémoire, avec notamment la signature de contrats de destination « centenaire » avec Atout France. Même le Tour de France sera une vitrine de ces commémorations dès 2014.
Non seulement le Tour partira d’Angleterre, mais son tracé suivra surtout, depuis le Nord, la ligne de front, passant par Epernay, Reims, Verdun, Nancy, les Vosges, Mulhouse, donnant lieu à des images exceptionnelles dans une optique très didactique. Un hommage sera aussi rendu à trois coureurs, entre Epernay et Nancy, vainqueurs du Tour, morts ensuite au combat.
Le centenaire est aussi l’occasion pour la France de demander le classement de sites majeurs de la Grande Guerre au patrimoine mondial de l’Unesco.