Etat-départements : l’exécutif a deux semaines pour convaincre l'ADF de son virage girondin

Aurélien Hélias
Etat-départements : l’exécutif a deux semaines pour convaincre l'ADF de son virage girondin

Jean-Luc Chenut (Ille-et-Vilaine) et le président de l'ADF Dominique Bussereau (Charente-Maritime) le 24 octobre à Paris.

© ADF

Financement des allocations de solidarité dont le RSA, des mineurs non accompagnés, révision des contrats financiers Etat-collectivité, réforme de la fiscalité locale... l'exécutif, avec lequel l'Assemblée des départements de France vient de renouer, est attendu de pied ferme par l’association, à deux semaines de son congrès à Rennes du 7 au 9 novembre. Et si aucune avancée tangible n'est actée d'ici là, les ministres y seront persona non grata...

Dans 15 jours, l’Assemblée de départements de France tiendra son congrès annuel à Rennes, Ille-et-Vilaine, au Couvent des… Jacobins. Un hasard ironique que n’a pas manqué de souligner le président de l’ADF, Dominique Bussereau, alors que son association comme celle des maires (AMF) et des régions (ARF), dont les président interviendront au congrès, n’ont eu de cesse de pointer du doigt la recentralisation en cours à leurs yeux.

Mais ces piques ont connue accalmie depuis le remaniement ministériel d’il y a huit jours. Car, au-delà de la nomination d’une ministre pleinement responsable de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités, une demande récurrente de la part de associations d’élus, les discussions entre les associations d’élus et l’exécutif ont peu à peu repris. Des régions vendredi dernier aux maires ruraux reçus pour un dîner à l’Elysée le 24 octobre en passant par les petites villes en délégation à Matignon le 23, les fils semblent renoués.

Allocations de solidarité et mineurs étrangers isolés, deux urgences financières

Quant à l’ADF, c’est le chef de l’Etat lui-même et le Premier ministre, en présence du nouveau trio ministériel dédié aux territoires, qui a reçu une délégation de l’association le 16 octobre dernier, en présence de leur héraut, le président… du sénat, Gérard Larcher. De leur rencontre à l’Elysée, l’ADF aurait obtenu « des engagements » d’Emmanuel Macron pour que l’Etat se rapproche des demandes de l’ADF sur plusieurs dossiers, au premier rang desquels le financement allocations individuelles de solidarité (AIS).

Autre dossier financier sensible : la gestion des mineurs étrangers isolés. Malgré l’accord qui semblait avoir été trouvé sur le sujet en mai dernier et les propos confiants de Jacqueline Gourault le matin même sur ce dossier sur les ondes d’Europe 1, le problème a refait surface, à la hauteur de l’explosion des budgets départementaux qui y sont consacrés : deux millions pour la seule Charente-Maritime en 2017, six millions cette année et neuf millions inscrits au budget 2019, a ainsi illustré Dominique Bussereau pour son département. En Ille-et-Vilaine, le budget total des jeunes placés, dont 550 MNA, est passé lui de cinq millions à 21 avec un million d’euro seulement d’aide de l’Etat, déplore le président du département breton, Jean-Luc Chenut. Conséquence : c'est au-dessus du milliard que le besoin se chiffre pour l'ensemble des départements.

Front uni des associations d'élus sur la réforme de la fiscalité locale

Quant à la réforme de la fiscalité locale qui doit être dévoilée via un projet de loi dédié au premier semestre 2019, l’ADF se veut ferme : les départements participeront aux discussions,  mais « dans un esprit d’unité, pas pour que l’on prenne à l’autre », reprenant en miroir le propos du patron de l’AMF, François Baroin, lors de « l’appel de Marseille ». Soucieux de « conserver un pouvoir de taux », rappelle Jean-Luc Chenut, les départements ne font pas leur le transfert du foncier bâti au bloc communal pour compenser la perte par les communes de la taxe d'habitation. car dans un tel scénario, le levier fiscal départemental pourrait passer de 23 % à ... 2 % seulement, selon une récente analyse de S&P Rating.

Enfin, l’ADF a demandé que soient rediscutées « les modalités de la contractualisation financière » que la plupart des départements avaient refusée, point de départ de la brouille persistante avec l’exécutif. Pour Dominique Bussereau, il faut tenir compte « de l’inflation et des dépenses sociales » élevées et constantes des départements, mais aussi revoir la circulaire d’application, particulièrement stricte à ses yeux, écrite par la Direction générale des collectivités locales.

Même si « il ne s’agit pas de faire monter les enchères » sur tous ces dossiers d’ici le Congrès de Rennes selon l'ex-ministre, Dominique Bussereau prévient : « si les négociations n’aboutissaient pas d’ici, nous ne lancerions pas d’invitation » au « pool » territoires du Gouvernement et au Premier ministre. Ce n’est donc pas un ultimatum mais cela y ressemble beaucoup…

La CNT va changer de format

Finies « les grands-messes », les conférences en forme de « colloque » tels que le déploraient les associations d’élus… Le Premier ministre et la ministre de la Cohésion des territoires auraient acté la fin de la Conférence nationale des territoires telle qu’on la connaissait jusqu’à maintenant. Place désormais à des réunions bilatérales, association par association d’élus tous les deux mois, avec le « trio » ministériel Gourault-Lecornu-Denormandie dédié aux territoires et collectivités. Et en parallèle une réunion avec le Premier ministre tous les trois mois, sous un format proche de ce qui était jusqu’à maintenant « l’instance de dialogue » intermédiaire de la CNT. Intermédiaire mais bien plus productive, jugeaient de concert les associations d’élus.

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