Etat civil : le tilde de Fañch fait des vagues en cassation

Stéphanie Stoll
Etat civil : le tilde de Fañch fait des vagues en cassation

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L’utilisation d’un tilde sur le prénom du petit Fañch a poussé le parquet de Rennes à se pourvoir en cassation. Le français étant la langue de la République et les langues régionales faisant partie du patrimoine de la France, dixit la Constitution, le juge suprême y perdra-t-il son latin ou posera-t-il un principe d’équilibre entre deux dispositions aux apparences contradictoires ?

Leur bébé portera un prénom breton. Pas Erwan, ni Tugdual, ni Patern. C’est Fañch, le diminutif de François qu’a choisi ce couple finistérien ; avec un tilde, on le prononce « fanch’ » en nasalisant le son [an]. Ce tilde conduit le procureur de la République de Quimper à saisir le tribunal de grande instance qui l’interdit en septembre 2017. En novembre 2018, la décision de la cour d’appel de Rennes, l’autorisant, fait jurisprudence.

L’histoire se serait arrêtée là, si le parquet ne s’était pas pourvu en cassation. « Il apparaît donc nécessaire, compte tenu des éventuelles répercussions nationales de l’arrêt précité, de soumettre à la Cour de cassation la question de l’usage du tilde dans un prénom », expose le ministère de la Justice dans un communiqué. Mallozh Doue ((Maudit soit Dieu.)) ! Une tempête juridique s’est-elle déclenchée dans une bolée de cidre ? Les parents pensaient que s’appliquait le principe de liberté de choix du prénom consacré par l’article 57 du Code civil. Et que les mésaventures de la famille Manrot-Le Goarnig étaient de l’histoire ancienne. Membres d’une fratrie de douze enfants aux prénoms bretons, Adraboran, Maïwenn, Gwendal, Diwezha, Sklerijenn et Brann, nés entre 1956 et 1963, avaient été privés d’état civil et d’existence légale jusqu’au septennat giscardien.

Aucune restriction du code civil

Quarante ans plus tard, le juge d’instance a estimé que « le principe selon lequel les prénoms de l’enfant sont choisis par ses père et mère doit connaître des limites lorsqu’il s’agit d’utiliser une orthographe qui comprend un signe diacritique non reconnu dans la langue française. Admettre l’inverse reviendrait en effet à rompre la volonté de notre Etat de droit de maintenir l’unité du pays et l’égalité sans distinction d’origine ».

Pourtant le Code civil ne pose aucune restriction linguistique à la liberté de choix du prénom. La mention des signes diacritiques fait référence à une circulaire de 2014, qui dresse la liste des accents et autres cédilles autorisés dans l’état civil. Or, le tilde y est absent. Le français étant la langue de la République selon la Constitution (art. 2), Fañch perd son tilde en première instance, au mépris de l’article 75-1 de la même loi fondamentale qui affirme que « les langues régionales font partie du patrimoine de la France ». Le juge quimpérois renforce son argumentaire par des textes de 1793 et 1804, le second imposant l’usage du français dans les régions conquises en Suisse ou en Italie par Bonaparte. L’édit de Villers-Cotterêts n’est pas appelé à la rescousse : est-ce parce que ses rédacteurs recoururent au tilde ?

Un appui politique local jusqu'au président de région

Parlementaires et élus locaux ont déjà affiché leur soutien à Fañch depuis que la cour d’appel de Rennes a cassé le jugement quimpérois, jugeant qu’une circulaire n’a pas de valeur normative. Elle reconnaît que « l’usage du tilde n’est pas inconnu de la langue française » tant pour des noms propres que des noms communs. « C’est sans porter atteinte au principe de rédaction des actes publics en langue française ni à l’article 2 de la Constitution française que le prénom Fañch peut être orthographié avec un tilde sur le n », conclut le juge en évitant de se prononcer sur la portée de l’article 75-1 de la Constitution. Alors quand trois jours plus tard, le parquet fait appel, le président du conseil régional de Bretagne tweete : « Iñcomprehension totale. La reconnaissance des langues régionales est la seule réponse. »

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