Maire et crise sanitaire
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Alors que la crise sanitaire a affecté la fin du mandat 2014-2020, renforçant la défiance des élus locaux envers l’Etat, voilà qu’elle fait craindre aux maires (ré)élus au printemps de devoir revoir à la baisse leur programme électoral. Ce qu'il faut retenir de notre étude Le Courrier des maires - Maif.
C’est un marqueur de cette fin de mandat, autant pour les élus qui ont dû attendre le 28 juin, second tour des municipales, pour passer la main, que pour ceux qui ont joué les prolongations jusqu’à fin mai : la crise du Covid-19 et ce qu’elle a révélé selon eux des défaillances de l’Etat. Certes, 54 % des élus ayant exercé durant le mandat écoulé ont jugé avoir été correctement informés par les services de l’Etat durant la crise sanitaire. Mais outre le fait qu’ils sont 45 % à penser le contraire, une administration territoriale de l’Etat concentre les critiques : les agences régionales de santé, avec lesquelles la coopération est jugée insuffisante pour 62 % des répondants, et même 72 % des maires. Au regard, les préfets de département jouissent d’une excellente image, dans la lignée de la mise en avant ces derniers mois du couple maire-préfet comme gestionnaires en chefs locaux de la crise : 58 % jugent positivement le travail mené en commun avec le préfet de département.
Incidences sur le projet de mandat
Alors que la crise sanitaire perdure, trois quarts des élus et même 90 % des maires jugent qu’ils ne disposent pas de suffisamment de moyens dans le champ sanitaire. Ou, pour reprendre l’expression du président de l’Association des maires de France, François Baroin, auditionné par le Sénat : « En matière de santé publique, nous les communes, n’avons aucune compétence. Nous sommes l’horloge au-dessus de la cheminée qui prend la poussière. » Résultat : ils sont aujourd’hui 54 % à réclamer une plus grande place dans la gouvernance des hôpitaux, une majorité claire puisque seul un tiers repousse cette hypothèse.
C’est à la lumière de ce vécu des derniers mois de mandat que les élus se montrent pessimistes quant à la mise en œuvre de leur programme pour le le mandat qui s’ouvre : 57 % jugent qu’il sera inévitablement affecté par les crises sanitaire et économique, seuls les néo-maires affichent plus d’optimisme (42 %). Les élus apparaissent par ailleurs très partagés sur l’adéquation des moyens avec leur programme : une majorité (49 %) jauge qu’ils seront insuffisants contre 42 % se disant confiants. Deux tiers des élus craignent par ailleurs de ne pas être suffisamment entendus par l’Etat dans les six ans à venir. Seul un quart se montre confiant dans l’écoute des ministères et de la haute administration, et même 31 % pour ceux qui entament leur premier mandat, optimise des néo-élus oblige…
L’interco attendue
Davantage que sur l’Etat, les élus locaux comptent sur l’accompagnement de leurs pairs pour mener à bien les projets, en la personne des exécutifs intercommunaux. La communauté de communes, urbaine ou d’agglo, voire la métropole, sera un partenaire privilégié pour 61 % des élus municipaux. Elle le sera d’autant plus probablement au chapitre des projets liés à la transition écologique (mobilités, rénovation énergétique, etc.) au regard du rôle primordial des intercos dans ce secteur mais aussi de la volonté majoritairement partagée par les élus de pousser les feux sur ces politiques publiques locales : 83 % en font un projet prioritaire. La transition écologique ne fait (presque) plus débat et ce, plus encore dans les grandes villes (94%).
A l’inverse, thème récurrent de la campagne des municipales, la gratuité de certains services publics locaux est un sujet qui divise toujours. Près d’un tiers (29 %) des élus s’y oppose par principe, quel que soit le service public, mais 13 % y sont favorables s’agissant des licences sportives, 17 % pour la restauration scolaire et 29 % pour l’accès aux équipements culturels. Et c’est bien la gratuité des transports, totale ou partielle, qui convainc le plus d’élus locaux : 44 % y sont favorables, poussés probablement par le contexte environnemental et climatique.
Un mandat 2014-2020 vécu intensément malgré un contexte financier et réglementaire frustrant
Les maires et élus locaux ont eu beau faire état des difficultés à mener à bien leur mandat ces six dernières années, ils n’en sont pas moins une écrasante majorité à en tirer un bilan positif, à 84 %. Le signe d’une appétence toujours présente pour cette fonction malgré des travers de nouveau dénoncés : 73 % jugent les ressources allouées aux communes insuffisantes pour mener à bien leurs missions de service public. « Un mandat dynamique mais impacté financièrement par la diminution des dotations de l’Etat », témoigne ainsi ce maire (3e mandat) d’une commune de moins de 5 000 âmes. Lorsque les élus sont invités à détailler de manière ouverte leur ressenti après cette mandature, un quart cite de nouveau spontanément le caractère positif… avant d’égrener les points noirs auxquels ils se sont heurtés : manque de moyens financiers (16 %), développement intercommunal contre-productif (11 %), lourdeurs administratives ou manque d’accompagnement (12 % en tout), voire une charge trop prenante pour 5 %. « Trop de contraintes ne sont plus supportables pour les communes », déplore cet élu municipal (Var, plus de 50 000 hab.), visant pêle-mêle « les contraintes administratives et juridiques, notamment en matière environnementale qui bloquent de nombreux projets importants, les contraintes de la loi SRU, la loi « Alur », la loi Littoral...»
Une fracture qui dure. Au global, ces élus continuent de penser que leur action apporte une valeur ajoutée certaine à la cohésion sociale malgré des marges de manœuvre qu’ils souhaiteraient plus importantes. A l’image de cet élu d’une localité du Haut-Rhin qui juge son bilan personnel « indéniablement positif » mais se dit « triste » devant « l’attitude du pouvoir central vis-à-vis des maires » ou de cet autre édile d’une ville moyenne du Nord qui fait état de « sa frustration de ne pas être allé plus loin » malgré « une fonction qui reste passionnante ». Leur jugement se fait d’ailleurs bien plus noir sur l’état de la cohésion des territoires à l’échelle du pays : les deux tiers estiment que la fracture territoriale s’est aggravée durant le mandat écoulé, 28 % consentant qu’elle n’a, au mieux, pas évolué. Les différentes initiatives gouvernementales prises ces deux dernières années (Agenda rural, mesures post-crise des Gilets jaunes, programme Action cœur de ville) dédiées aux territoires non métropolitains tardent manifestement à convaincre les élus de terrain.