Estelle Grelier
© Parlement europ.
Adversaire farouche de la réforme territoriale et héraut du département, le nouveau ministre de l’Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités, Jean-Michel Baylet, devra travailler avec une secrétaire d’Etat, Estelle Grelier, qui aurait bien vu les conseils départementaux disparaître ou transformés en fédérations d’intercommunalités… et ne porte pas le Sénat dans son cœur. Au-delà de la différence de génération et de parcours politique, le nouveau duo chargé de l’avenir des collectivités s’avère assez hétéroclite.
Vingt-trois ans après sa dernière participation à un gouvernement comme ministre délégué au tourisme, le patron du Parti radical de gauche, Jean-Michel Baylet, devient ministre de l’Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales à l'occasion du remaniement annoncé le 11 février. Soit un portefeuille similaire à celui qu’il détenait de 1988 à 1990, sous le gouvernement… Rocard où il était déjà secrétaire d’Etat chargé des collectivités locales.
Après avoir perdu successivement ses mandats de sénateur du Tarn-et-Garonne (1995-2014) et, en 2015, de président de l’exécutif départemental qu’il détint durant trois décennies, le patron de la communauté de communes des Deux Rives parvient donc à intégrer le gouvernement, lui qui avait un temps rêvé, en début de mandat, d’obtenir un maroquin dans un ministère régalien.
La bataille perdue du sénateur en faveur du cumul
Si la défense, qu’il visait, lui échappe in fine, son portefeuille est toutefois conséquent puisque s’il hérite de la mission hier dévolue sous un autre titre à Marylise Lebranchu (décentralisation), et « récupère » également une partie non négligeable des missions hier dévolues à Sylvia Pinel dont il avait soufflé le nom à l’exécutif en 2012 : égalité des territoires (redevenu à l’occasion de ce remaniement « aménagement du territoire ») et ruralité.
André Vallini étant déchargé de la réforme territoriale au bénéfice du développement et de la francophonie, c’est une nouvelle secrétaire d’Etat, officiellement chargée des collectivités territoriales, que Jean-Michel Baylet aura sous sa tutelle : Estelle Grelier.
Passation de pouvoir entre Marylise Lebranchu, @estellegrelier et Jean-Michel Baylet. pic.twitter.com/yHR76oHbfE
— Anthony Pitalier (@apitalier) 12 Février 2016
Plus jeune (42 ans contre 70), l’élue PS normande va ainsi former avec le ministre PRG un tandem quelque peu improbable, entre celle qui soutenait la suppression des départements à l’occasion de la réforme territoriale et celui qui avait obtenu leur sauvetage en bataillant, allant jusqu'à mettre dans la balance la participation du PRG à l’exécutif.
La bataille s’était soldée par une demi-victoire pour Jean-Michel Baylet, les départements étant certes maintenus mais amputés d’une bonne partie de leurs prérogatives.
En revanche, ses prises de position répétées en faveur du cumul parlementaire-exécutif local ne réussirent pas à infléchir la volonté du gouvernement d’y mettre fin à partir de 2017.
Un sénateur départementaliste et une élue régionale anti-Sénat
Ex-députée européenne (2009-2012), secrétaire nationale chargée du pôle « Justice sociale et cohésion territoriale » au PS, Estelle Grelier est aussi une farouche partisane du fait intercommunal, elle qui est devenue après sa défaite aux municipales de 2014 et la perte dans la foulée de la présidence de la communauté de communes de Fécamp, parlementaire associée à l’AdCF.
Au point donc de prôner, comme le fit un temps son prédécesseur André Vallini, une certaine dévitalisation du département qui serait transformé en simple fédération d’intercommunalités.
Celle qui verrait bien les EPCI transformés en collectivités de plein exercice est aussi favorable au suffrage universel direct sans fléchage pour les intercos.
Une disposition qu’elle avait tenté de soutenir lors des discussions de la loi Notre au Parlement. Mais l’idée avait rapidement été rejetée par le Sénat, qu’Estelle Grelier ne porte pas dans son cœur. Et ce à l’opposé de Jean-Michel Baylet qui en est l’un des plus ardents défenseurs, lui qui y siégea près de 20 ans jusqu’à sa défaire de 1994.
Ainsi, à la veille de la seconde lecture du projet de loi Notre à l’Assemblée, la députée n’avait pas hésité à tacler la Haute chambre : « Repenser le bloc communal : c’est très compliqué avec le Sénat… », avait-elle glissé.
La réforme de la DGF, dossier brûlant à venir
Reste que les réformes institutionnelles sont désormais derrière les deux ministres, qui devront essentiellement se consacrer à un dossier financier : la réforme de la dotation globale de fonctionnement, votée dans ses principes au sein du budget pour 2016 mais dont la mise en œuvre reste à écrire dans le budget pour 2017.
Le sujet est brûlant et enflamme d’ailleurs les associations d’élus, au premier rang desquelles l’AMF qui craint une territorialisation de la dotation au niveau de l’intercommunalité.
Estelle Grelier, fine connaisseuse du dossier, pourrait d’ailleurs s’en saisir en priorité, en sus de celui de la nouvelle carte intercommunale, tandis que son ministre de tutelle pourrait se concentrer sur les liens à retendre entre l’exécutif et les élus départementaux et ruraux.
Jean-Michel Baylet pourrait aussi prendre en charge le nécessaire dialogue Etat-régions, d’autant que sa secrétaire d’Etat sort d’une défaite en Normandie où elle était numéro 4 sur la liste du président PS sortant Nicolas Mayer-Rossignol. Cette répartition des tâches serait aussi un moyen d’assurer une certaine cohabitation au sein d’un ministère où l’on a rarement vu deux profils d’élus aussi divergents.