Emploi et territoires : le CGET souhaite casser les idées reçues

Hugo Soutra
Emploi et territoires : le CGET souhaite casser les idées reçues

La zone d'activité de Moulins

© Flickr-CC-JL.Zimmermann

En à peine quarante ans, la France est massivement devenue un pays tertiaire. Cette homogénéisation n’a pas empêché le maintien de fortes disparités spatiales. Alors que les chances de retour à l’emploi des chômeurs diffèrent d'un lieu à l'autre, le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) appelle les élus locaux à repenser de façon plus fine et plus équilibrée leurs politiques d’aménagement et de développement économique.

Le chômage est aujourd’hui à un niveau tel que ce fléau s’est imposé comme l’un des enjeux de la campagne pour l’élection présidentielle. Préoccupation nationale, donc, il forme aussi de plus en plus un véritable enjeu local, puisque le développement économique comme l’emploi (ou son absence) ont des répercussions tant en matière d’aménagement que de cohésion sociale.

Aux côtés de l’Etat, de plus en plus de collectivités territoriales tentent d’y remédier. Fonctionnaires comme élus mobilisés contre le chômage pourront désormais s’appuyer sur un riche travail d’analyse, produit par le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) – ancienne DATAR mariée à l’administration de la politique de la ville – et qui sera remis prochainement au Premier ministre.

1975 - 2012 : d’une France rurale à une France tertiaire

« S’ils ne sont pas propres à la France, les profonds bousculements économiques des quarante dernières années n’ont pas été sans conséquence pour notre pays. La perte de 4,3 millions d’emplois industriels et agricoles entre 1975 et 2012 a inégalement touché les territoires, tout comme la création de 9,7 millions d’emplois tertiaires, répertoriée sur la même période et eux-mêmes inégalement répartis dans l’espace » constate Louise Haran, l’une des contributrices de ce « Rapport 2016 de l’Observatoire des territoires », consacré cette fois-ci à l’emploi.

Entres autres effets constatés : cette tertiarisation de l’économie française a entraîné une moindre spécialisation des territoires. Autrement dit, les campagnes ne sont plus spécifiquement assignées à l’agriculture et peuvent aussi compter sur l’emploi public ou le tertiaire productif. Pour autant, le contraste entre activités intellectuelles qui prospèrent avant tout dans les grandes villes et les activités de production matérielle, plus diffuses dans les territoires ruraux, demeure, lui, très vivace.

Créations d’emplois, chômage : de fortes disparités spatiales

La photographie a donc quelque peu changé depuis 1975, mais pas la carte de la croissance de l’emploi ! En effet, les créations d’emploi continuent, pour leur part, à se faire majoritairement dans les grands pôles urbains ainsi que dans leurs couronnes périurbaines. Les grandes villes concentrent 81,5% de l’emploi contre 78% voici quarante ans, mais ce phénomène est en ralentissement depuis 1990 (80,2%). Idem pour la carte du chômage, qui semble elle aussi s’être « figée » puisque, d’un recensement à l’autre, l’on retrouve les mêmes espaces les plus durement affectés.

« Un même taux de chômage n’a pas partout la même signification » relativise toutefois Louise Haran prenant soin de ne pas accabler tous les élus et acteurs concernés. « Ces chiffres masquent des dynamiques différentes. C’est le cas du littoral méditerranéen et languedocien, où l’on constate une certaine efficacité économique avec une forte croissance de l’emploi mais qui ne suffisent malheureusement pas étant donné l’attractivité démographique. »

Les centres-villes en voie de désertification ?

Enfin, comme déjà évoqué dans une note de huit pages récemment diffusée où il s’était penché sur le fonctionnement des marchés locaux du travail, le CGET alerte sur le décalage entre lieux d’emploi et d’habitation. Alors que les bureaux ont tendance à se concentrer au cœur des pôles urbains, les actifs vont, eux, se loger de plus en plus loin, lorsqu’ils ne font pas carrément construire un pavillon dans le périurbain, là où le foncier est réputé moins cher. Une désertification des centres-villes problématique à l’heure où leur réhabilitation et leur requalification fait office de mot d’ordre…

« Outre les enjeux de durabilité que cela soulève, cela pose des questions fondamentales en termes de mobilité et d’accès à l’emploi, notamment pour les classes moyennes et les ménages les plus fragiles » analyse Louise Haran. Et le commissaire général à l’égalité des territoires, Jean-Michel Thornary, d’ajouter : « attention de ne pas seulement y répondre par l’extension de son réseau de transports en commun. Il ne faudrait pas que cela ait un effet contre-productif et pousse paradoxalement à l’étalement urbain. »

Les métropoles, oui, mais ce n’est pas la panacée !

Ces différentes données poussent également le CGET à nuancer le discours tenu y compris en certains hauts lieux, au sein même de l’Etat parfois, consistant à affirmer : « en dehors des métropoles, point de salut ! » « Le rôle des métropoles est important, mais il y a une infinité d’autres aires urbaines de plus petites tailles qui se montrent tout aussi si ce n’est plus performantes grâce à des spécialisations économiques ou une attractivité naturelle. Je pense au littoral Atlantique notamment » reconnaît le commissaire général à l’égalité des territoires, Jean-Michel Thornary.

« Le rôle du CGET est justement de conforter les premières à travers les pactes Etat-métropoles, et d’accompagner les secondes pour organiser le maillage territorial entre les différents territoires et ainsi tirer l’ensemble vers le haut. C’est d’autant plus important que les villes moyennes situées en dehors des zones d’influence métropolitaine jouent un rôle non négligeable : cette « armature urbaine » permet de maintenir un certain nombre de services publics dont profitent les villages et campagnes alentours » complète Jean-Christophe Beaudoin, directeur des stratégies territoriales.

Pas d’effet de taille mais une multiplicité de facteurs

En matière de développement économique, les réalités sont plus complexes que l’opposition schématique entre métropoles et France périphérique. L’effet-taille ne serait pas si déterminant, en tout cas pas moins que les spécificités géographiques pour les territoires transfrontaliers, les infrastructures d’aménagements du territoire et autres équipements structurants. « Le Très haut débit est nécessaire pour remédier à la désertification de certains territoires, mais insuffisant pour générer à lui seul de l’activité économique » tempère toutefois Jean-Michel Thornary.

Le patron du CGET enchaîne : « les centres-bourgs où il y a aujourd’hui de la création d’emplois, ce n’est ni plus ni moins que les villes dont le projet de territoire a été suffisamment bien pensé, probablement grâce à un diagnostic fin. Les acteurs locaux peuvent, pour cela, s’emparer librement des données transversales de l’Observatoire des territoires. Les services de l’Etat et le CGET sont également à leur disposition pour les aider à déterminer quel ferment est susceptible de stimuler l’attractivité d’un territoire » détaille-t-il. Une précision qui a tout l’air d’une véritable offre de services.

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