Emploi et formation des agents handicapés : un bilan "en demi-teinte" dressé par le Sénat

Le rapport du Sénat sur la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005, rendu public en juillet 2012, dresse un bilan "en demi-teinte" de la formation et de l'emploi des personnes handicapées. Une "demi-teinte" que l'on situerait plutôt dans la gamme des gris.

Le taux d'emploi dans le secteur public connaît, depuis 2006, "une progression lente, mais réelle". Mais de 4,2 % en 2011, il reste loin des 6 % fixés par la loi "Handicap" de 2005.  En outre, ce rapport de la commission des lois du Sénat constate l'échec des politiques régionales concertées en matière de formation professionnelle et un désengagement financier de l'Etat jugé des plus préoccupant.

Les deux auteures du rapport, Claire-Lise Campion et Isabelle Debré, rappellent également qu'en février 2012, la Cour des comptes signalait dans une communication au gouvernement de "graves inégalités de traitement" entre les employeurs publics et privés concernant l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés.  Au mépris de  l'esprit de  la loi de 2005, soulignent les sénatrices.

Un progrès "réel" du taux d'emploi

De 4,2 % début 2011, le taux d'emploi des agents publics handicapés connaît une "réelle" progression depuis 2006. Deux données sont à cet égard significatives, selon le rapport :

  1. la forte croissance du nombre annuel de recrutements, passé de 6 000 à 14 000,
  2. et le nombre annuel de personnes handicapées maintenues dans l'emploi a doublé (de 7 500 à 15 000).

Avec un taux d'emploi de salariés handicapés de 2,7%, le secteur privé semble beaucoup plus en retard que le secteur public. Mais le rapport du Sénat montre qu'il serait risqué d'en déduire que les employeurs publics sont plus respectueux de la loi de 2005.

Tout d'abord, il existe une "difficulté à effectuer une comparaison stricte des taux d'emploi dans le secteur privé et le secteur public", les modes de décompte des effectifs  et de calcul de la contribution n'étant "pas similaires", souligne le rapport, citant la Cour des comptes.

Obligation d'emploi : une "grave" inégalité de traitement entre employeurs

Ensuite, le taux d'emploi dans le public se trouve majoré par l'application de règles de dénombrement des bénéficiaires de l'OETH plus favorables. Ainsi, "sont ajoutés à la liste des bénéficiaires de l'OETH les titulaires d'un emploi réservé, les agents bénéficiant d'une allocation temporaire d'invalidité et les agents reclassés", indique le rapport, citant toujours la communication de la Cour.  "Or, ces trois catégories réunies représentent plus de la moitié des bénéficiaires de l'OETH recensés dans le secteur public."

Enfin, certains employeurs publics sont exclus de l'OETH. "[...] le périmètre de l'OETH dans le secteur public fait l'objet d'une interprétation restrictive" de la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP). "C'est le statut de l'employeur, et non le statut des personnels, qui constitue le critère d'assujettissement des employeurs au FIPHFP. Sont ainsi considérées comme exclues de toute contribution au fonds un certain nombre de structures publiques. Il s'agi,t entre autres :

  • des institutions constitutives des pouvoirs publics ;
  • des juridictions (judiciaires, administratives et financières) ;
  • des autorités administratives indépendantes) ;
  • de la totalité des groupements d'intérêt public (Gip)...

L'échec des politiques régionales concertées

 "Aspect innovant de la loi de 2005, la mise en place de politiques régionales concertées est trop souvent restée lettre morte", constate le rapport du Sénat.

  •  fin 2010, seules 10 régions avaient formalisé ou construit, sous des formes différentes, un cadre de politique régionale concertée de formation ;
  • au premier trimestre 2011, seuls 6 plans régionaux pour l'insertion des travailleurs handicapés (Prith) étaient recensés.

La forte dispersion des compétences institutionnelles dans le domaine de la formation professionnelle des personnes handicapées (Etat, conseils régionaux, Pôle emploi, Agefiph, FIPHFP, Cap emploi...) et l'absence de partenariat entre les acteurs demeurent un obstacle majeur à l'accès à la formation, constate le rapport du Sénat.

Le désengagement financier de l'Etat 

La loi de finances pour 2011 a transféré à l'Agefiph la gestion de dispositifs relevant de la compétence de l'Etat, notamment le financement de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi handicapés.

"Ce transfert de compétence a eu pour finalité première de décharger l'Etat de tâches de gestion [...], indique rapport. Mais, dans un contexte de raréfaction des moyens budgétaires, le gain pour l'Etat est aussi financier puisque le transfert à l'Agefiph du marché de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi handicapés, qui s'élevait à 30,5 millions d'euros en 2011, atteint plus de 60 millions d'euros en 2012."

Cette politique de transfert de charges, qui ne s'est accompagnée d'aucune compensation financière, va nécessairement contraindre l'Agefiph à diminuer les aides directes qu'elle accorde aux travailleurs handicapés et aux entreprises pour leur permettre d'embaucher et de maintenir dans leur emploi les personnes handicapées."

Ce que préconise le rapport du Sénat

Voici 4 des 35 propositions contenues dans la partie 3 , C, du rapport  sur l'application de la loi de 2005  remis en juillet.

  1.  Inciter les acteurs de la politique d'insertion professionnelle des personnes handicapées (MDPH, Pôle emploi, mission locale, Cap emploi, Direccte...) à mettre en place des outils communs de suivi des parcours professionnels.
  2. Rendre accessible l'ensemble de la chaîne de formation (du transport pour accéder au centre de formation au contenu des formations dispensées).
  3. Accélérer la mise en oeuvre d'une politique de formation concertée au niveau régional.
  4. Publier, dans les plus brefs délais, l'arrêté relatif aux modalités techniques assurant l'accessibilité des lieux de travail neufs.
  5. Améliorer le pilotage de la politique en faveur de l'insertion professionnelle des personnes handicapées, comme le prévoit la loi du 28 juillet 2011, tendant à améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et portant diverses dispositions relatives à la politique du handicap. Il appartient aux acteurs concernés de "la faire vivre", indique le rapport du Sénat.

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