Les élections municipales se dérouleront en mars 2014, avec celle des délégués communautaires par fléchage. Les cantonales, rebaptisées "départementales", et les régionales sont reportées à 2015. Décryptage des projets de loi (organique et ordinaire) de la réforme qui modifiera le code électoral.
Sommaire
1. Elections municipales et intercommunales
3. Etude d'impact financier de la réforme
Le gouvernement confirme la tenue des élections municipales en mars 2014, avec celle des délégués communautaires par fléchage, et le report à 2015 des cantonales, rebaptisées "départementales", avec un nouveau mode de scrutin et un renouvellement intégral. Les régionales sont également reportées en 2015. Le report de ces deux dernières élections, prévues initialement en 2014, a pour but de favoriser la participation électorale.
Le ministre de l'Intérieur a présenté, le 28 novembre 2012, en conseil des ministres, un projet de loi organique relatif à l'élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux et un projet de loi ordinaire relatif à l'élection des conseillers départementaux, municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral.
I. Elections municipales et intercommunales
- Fléchage intercommunal en 2014
Le projet de loi ordinaire introduit dans le code électoral les modalités de l'élection au suffrage universel, dans le cadre de l'élection municipale, des conseillers siégeant au sein des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre (article 8 de la loi n°2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales).
Les candidats au mandat de délégué communautaire et de conseiller municipal "figureront sur une seule et même liste. Les premiers de la liste ont vocation à siéger au conseil municipal de leur commune et au conseil communautaire, tandis que les suivants de liste ne siègent qu'au conseil municipal de leur commune", explique l'exposé des motifs.
Les nouvelles dispositions s'appliquent aux délégués des conseils des communautés de communes, des communautés d'agglomération, des communautés urbaines et des métropoles. Elles "confèrent une véritable légitimité démocratique aux intercommunalités, en prévoyant que, lorsque les électeurs choisiront les conseillers municipaux, ce sont les premiers des listes élues qui auront vocation à siéger également au sein des intercommunalités", indique le ministère de l'Intérieur, qui souligne aussi le "respect de l'identité communale".
- Scrutin de liste abaissé à 1 000 habitants
Afin d'étendre ces dispositions au plus grand nombre de communes et d'établissements publics de coopération intercommunale, le seuil de population au-delà duquel les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste à deux tours "est fixé à 1 000 habitants au lieu de 3 500 aujourd'hui".
Environ 6 550 communes seront concernées par l'abaissement du seuil qui devrait, selon le gouvernement, permettre d'améliorer la parité au sein des conseils municipaux des petites communes en permettant l'élection "de près de 16 000 conseillères supplémentaires. Il y aura donc dans les conseils municipaux environ 87 000 élues".
L'élection au suffrage universel des délégués des communes de 1 000 habitants et plus a lieu simultanément avec celle des conseillers municipaux, "avec application de la représentation proportionnelle et selon la règle de la plus forte moyenne après attribution préalable de la moitié des sièges à la liste arrivée en tête".
- Dispositions applicables aux communes de moins de 1.000 habitants
Dans les communes de moins de 1 000 habitants, "les délégués communautaires seront le maire et, le cas échéant, d'autres conseillers municipaux désignés dans l'ordre du tableau", c'est-à-dire les adjoints dans l'ordre de leur élection, puis les conseillers municipaux, par ordre décroissant de suffrages obtenus.
« Le maintien du régime actuel pour ces communes (élection par le conseil municipal) aurait abouti à priver les électeurs de leur choix, en renvoyant le choix des délégués à une élection au suffrage indirect, au sein du conseil municipal », estime le gouvernement dans l'exposé des motifs du projet de loi ordinaire.
Les règles applicables en cas de vacance du siège d'un délégué d'une commune sont précisées : le remplaçant est soit le suivant de liste si la commune compte 1 000 habitants et plus, soit le suivant dans l'ordre du tableau (un adjoint ou un conseiller municipal), si la commune compte moins de 1 000 habitants.
- Impact de l'abaissement du seuil
Seront en conséquence applicables aux communes de 1.000 habitants et plus les dispositions relatives aux déclarations de candidatures, aux opérations de vote, au remboursement des frais de propagande et au remplacement des conseillers municipaux.
Le gouvernement maintient des spécificités pour les communes de moins de 3 500 habitants : l'absence de commissions de propagande pour les communes de moins de 2 500 habitants demeure (l'abaissement à 1.000 habitants du seuil d'envoi de la propagande électorale aux électeurs aurait généré une hausse des dépenses estimée à 5,1 millions d'euros).
La possibilité pour une commune d'être divisée en section électorale demeure.
Les conseillers municipaux des sections de moins de 1 000 habitants restent élus au scrutin majoritaire.
Les candidatures isolées, les listes incomplètes ainsi que le panachage seront autorisés pour les communes de moins de 1 000 habitants, comme c'est actuellement le cas pour les communes de moins de 2 500 habitants.
- Conseillers de Paris : nombre modifié
Le projet de loi ordinaire modifie le nombre de membres du conseil de Paris dans les arrondissements pour tenir compte de l'évolution démographique intervenue depuis leur répartition en 1982. Les données de population prises en compte par le gouvernement sont les populations légales en vigueur à compter du 1er janvier 2012.
Cette actualisation à partir des populations légales en vigueur "conduit à modifier la répartition des conseillers entre les arrondissements. Ainsi, les 7e, 16e et 17e arrondissements qui ont respectivement perdu 14,9 %, 5,6 % et 0,6 % de leur population entre 1982 et 2012 perdent un siège. A l'inverse, les 10e, 19e et 20e arrondissements qui ont connu une augmentation de leur poids démographique de 10,3 %, 13,6 % et 14,6 %, respectivement, se voient attribuer un siège en plus".
Selon l'étude d'impact du projet de loi ordinaire, la répartition figurant dans le projet du gouvernement prend ainsi mieux en compte le principe d'égalité du suffrage et conduit à homogénéiser dans les arrondissements les plus peuplés le nombre d'élus par habitants, tout en garantissant un nombre d'élus minimum aux arrondissements les moins peuplés (du 1er au 4e arrondissements).
II. Elections départementales
- Scrutin binominal majoritaire mixte en 2015
Le gouvernement abroge la création du conseiller territorial et fixe à 2015 le terme du mandat des conseillers généraux et régionaux élus en 2008 et en 2011 et celui des conseillers régionaux élus en 2010.
Institué en 1871, le renouvellement par moitié des conseillers généraux est supprimé au profit d'un renouvellement intégral.
- Parité automatique en 2015
Le projet de loi définit un nouveau mode de scrutin pour les conseillers généraux, qui s'appelleront désormais "conseillers départementaux" (le conseil général devenant "conseil départemental").
Pour conserver un mode de scrutin "qui permette à la fois de conserver l'ancrage territorial des élus tout en améliorant leur représentativité et la parité", le gouvernement a opté pour un scrutin binominal majoritaire mixte à deux tours. "Lors du prochain renouvellement général, deux conseillers départementaux seront élus dans chaque canton, au scrutin majoritaire à deux tours. Les candidats se présenteront devant le suffrage constitués en binôme. Chaque binôme devra être composé d'une femme et d'un homme".
Le nombre de suffrages nécessaires pour accéder au second tour est rétabli à 10 % des électeurs inscrits (et non plus 12,5 %).
Le candidat titulaire et son remplaçant devront être de même sexe. Ainsi, en cas de remplacement de l'élu par son suppléant, la parité du binôme sera toujours respectée. Ce nouveau mode de scrutin permettra d'assurer automatiquement la parité au sein des conseils départementaux (aujourd'hui, les femmes n'y représentent que 13,5 % des élus).
- Un binôme solidaire
Les deux membres du binôme signeront en commun leur déclaration de candidature. Les déclarations de candidature et de mandataire financier seront désormais effectuées auprès de la même préfecture. Le binôme sera solidaire dans la procédure contentieuse en cas de recours contre l'élection (en cas de scrutin vicié, le juge annulera l'élection des deux membres du binôme).
L'annulation de l'élection ou la démission d'office prononcée au titre de l'article L118-3 du code électoral, et la vacance des deux sièges du canton sont les seules causes pour lesquelles les élections partielles sont organisées. Dans les autres cas, lorsque le mécanisme du remplacement ne peut être mis en œuvre, le projet de loi prévoit la vacance du siège.
Une fois élus, les deux membres du conseil départemental exerceront leur mandat indépendamment l'un de l'autre.
- Exécutif départemental
Les modalités d'élection des membres de la commission permanente du conseil départemental et des vice-présidents sont modifiées pour améliorer la parité. Le texte reprend le dispositif introduit pour les conseils régionaux par la loi n°2007-128 du 31 janvier 2007.
Il prévoit que les membres de la commission permanente des conseils départementaux seront désormais élus au scrutin de liste et que "chaque liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe". L'élection des vice-présidents aura également lieu au scrutin de liste à la majorité absolue, sans panachage ni vote préférentiel. Il est précisé que sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un".
Le projet de loi ordinaire prévoit en outre l'organisation de la première élection des collectivités territoriales de Guyane et de Martinique en 2015, concomitamment au renouvellement des conseils départementaux et régionaux.
- Redécoupage des cantons
Le nombre d'élus restant inchangé, la carte cantonale de chaque département devra être modifiée afin de permettre l'élection de deux conseillers départementaux par canton et d'améliorer leur représentativité démographique.
"Près des trois cinquièmes des cantons n'ont pas connu de modification de leurs limites géographiques depuis 1801. Il s'agit par conséquent de doter l'échelon départemental de bases démocratiques adaptées à la France d'aujourd'hui", souligne le gouvernement. Il s'avère nécessaire de diviser par deux le nombre de cantons dans chaque département "et de passer de 3 971 actuellement à 1 959" cantons en 2015, souligne l'étude d'impact du projet de loi ordinaire.
Le redécoupage concernera les départements métropolitains et d'outre-mer, à l'exception de la Guyane et de la Martinique qui éliront, en application de la loi n°2011-884 du 27 juillet 2011, des conseillers au sein d'une assemblée unique.
Le CGCT sera modifié pour mentionner les 3 critères qui encadreront les opérations de redécoupage des cantons : le territoire de chaque canton doit être continu, toute commune de moins de 3.500 habitants doit être incluse dans un seul canton, et la population d'un canton ne peut s'écarter de la population moyenne des cantons du département que de plus ou moins 20%.
Le projet de loi ordinaire fixe un délai de six semaines aux conseils départementaux pour se prononcer sur un projet de décret de remodelage cantonal. La qualité de chef-lieu de canton est maintenue aux communes qui la possèdent jusqu'aux prochaines élections de 2015.
III. Etude d'impact financier de la réforme
- Abaissement du seuil de scrutin de liste : surcoût de 18 millions d'euros à 24 millions d'euros
La modification du seuil de population à partir duquel les candidats sont remboursés de leurs dépenses de propagande électorale (à partir de 1 000 habitants), « engendre un coût de 6 millions d'euros.
Ces remboursements devraient donc augmenter de 18 millions d'euros à 24 millions d'euros », selon l'étude d'impact du projet de loi.
L'abaissement du seuil démographique pour le scrutin de liste conduira les préfectures et sous-préfectures à recevoir les déclarations de candidature pour les listes de candidats se présentant dans les communes de plus de 1 000 habitants. "Elles devront donc désormais également enregistrer les candidatures des 6 500 communes de 1 000 à 3 500 habitants. Cette modification génèrera une charge complémentaire de travail pour les services en charge des élections", note sobrement le gouvernement.
En revanche, le gouvernement estime que l'élection par fléchage des délégués communautaires « n'aura aucune conséquence en termes d'organisation de par sa totale fusion avec l'élection municipale. »
- Organisation des élections départementales et régionales : 4,1 millions d'euros économisés
L'organisation concomitante des élections régionales et départementales en 2015, ainsi que la création d'une série unique pour le renouvellement des conseillers départementaux, devraient permettre, par rapport aux scrutins antérieurs, "de générer des économies d'échelle estimées à 4,1 millions d'euros dans le cadre de l'organisation matérielle de ces scrutins", indique l'étude d'impact du projet de loi ordinaire.
"Ainsi, le coût d'organisation des élections régionales et départementales devrait passer de 273 millions d'euros actuellement à 269 millions d'euros en 2015.
Pour mémoire, le coût d'organisation de l'élection des conseillers territoriaux était estimé à « 172 millions d'euros ».
- Suppression du conseiller territorial : de 351 à 651 millions d'euros économisés
L'étude d'impact estime que si les conseillers territoriaux avaient été maintenus, le montant total de leurs indemnités "aurait été inférieur de près de 57 millions d'euros au montant des indemnités actuellement versées" aux conseillers régionaux et généraux (près de 192 millions d'euros en 2011).
Cependant, l'augmentation significative du nombre de conseillers au niveau régional, induite par la création du conseiller territorial, aurait imposée l'engagement de travaux d'infrastructure pour aménager le siège des régions et des dépenses de fonctionnement notamment du point de vue des transports.
Dans ce contexte, la suppression du conseiller territorial "devrait permettre de réaliser une économie comprise entre 351 et 651 millions d'euros (selon qu'est prise en compte la fourchette basse ou haute des investissements que les collectivités auraient dû réaliser)".
- Redécoupage cantonal : un surcoût de 3,3 millions d'euros
Les cantons issus du redécoupage en 2015 seront de taille plus importante. Alors que près d'un tiers des cantons compte moins de 9 000 habitants et sont donc exclus du champ d'application des dispositions relatives aux comptes de campagne, "seuls 39 cantons au maximum resteront en-dessous de ce seuil à l'issue du redécoupage".
Une situation qui "devrait faire passer le montant des remboursements forfaitaires versés aux candidats de 53 millions d'euros à 54,3 millions d'euros".
A ce surcoût de 1,3 million d'euros s'ajoutent 2 millions d'euros liés à la modification du format des bulletins de vote induit par le scrutin binominal (le nombre de candidats passant de 2 à 4).
Au total, le surcoût engendré par le nouveau mode de scrutin est donc estimé à "3,3 millions d'euros".
Xavier Brivet