Logements Place nautique, Lyon Confluence
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Le Sénat examinera, jeudi 5 avril, une « proposition de loi relative à l’élection des conseillers métropolitains » visant, selon les avis, à protéger les communes ou faire reculer la démocratie intercommunale. Le Courrier des Maires donne la parole à Michel Savin, sénateur (LR) de l’Isère, qui promeut un système de scrutin mixte conciliant la représentation des petites villes ainsi qu'une meilleure association des citoyens.
Comment seront élus les conseillers métropolitains chargés des compétences du logement, de l’urbanisme, de l’environnement, de la voirie, de la gestion des déchets, du sport et de la culture ou encore du service de secours et d’incendie en 2020 ? C’est la question à laquelle répondra le Sénat, jeudi 5 avril, suite au dépôt d’une proposition de loi par le groupe radical de gauche appuyée par le groupe des Républicains. Objectif : supprimer le scrutin au suffrage universel direct théoriquement prévu pour les métropoles... avant même d'avoir tenté d'en définir les modalités.
C’est peu dire, néanmoins, qu’elle ne recueille pas l’enthousiasme de Michel Savin, sénateur (LR) de l’Isère, conseiller municipal de Domène et conseiller métropolitain de Grenoble-Alpes Métropole. Ce dernier a déposé un amendement afin que « les 2/3 des délégués métropolitains demeurent élus par la méthode actuelle du fléchage, à l’occasion des élections municipales. Le dernier tiers serait quant à lui élu au suffrage universel direct via un scrutin de liste dans une circonscription métropolitaine unique. » Interview.
La volonté du Sénat de supprimer l'article 54 de la loi Maptam est-il un moyen de prendre acte du peu d’entrain des associations d’élus pour la démocratisation intercommunale ?
Encore lors du précédent quinquennat, plusieurs textes législatifs ont renforcé les structures intercommunales, si bien qu’aujourd’hui, les métropoles jouent un rôle croissant en matière de développement économique, d’aménagement du territoire, de mobilités. Problème : les citoyens n’élisent toujours pas de façon directe leurs conseillers métropolitains mais selon un mode d’élection qui les prive d’un débat d’idées à cette échelle.
Encore aujourd’hui, des décisions prises par les assemblées métropolitaines demeurent peu ou mal connues par nos concitoyens. Qui ne connaît pas d’ailleurs un maire ayant crié haut et fort lors des municipales qu’il n’augmenterait pas la fiscalité mais qui a consenti de façon hypocrite à voter des hausses d’impôts lors du conseil métropolitain ?
Il n’est plus concevable de continuer à fabriquer des métropoles contre leurs citoyens. Ces derniers ont droit à un débat démocratique de qualité afin d’être en capacité de choisir librement leurs futurs représentants en connaissant les positions de leurs élus sur ces différents sujets d’envergure métropolitaine. Ou alors, si les élus locaux ne souhaitaient pas transférer le cadre du débat politique local, il n’aurait pas fallu transférer aux EPCI les compétences les plus stratégiques des communes…
Pourquoi l’idée de reconduire l’élection des conseillers métropolitains par le système du fléchage, comme en 2014, vous dérange-t-elle ?
Parce que le statu quo ne permet pas de faire émerger de véritable débat sur le projet métropolitain, sur les différentes visions à long-terme des conseillers en matière d’aménagement ou de développement du territoire. En 2014, ce système du fléchage a, certes, représenté une légère avancée. Mais, à l’issue des dernières municipales, se sont de nouveau créées des majorités de bric et de broc, ne résultant pas de projets partagés de territoire mais répondant uniquement à des préoccupations politiciennes.
Les citoyens ont le droit de savoir quelles positions leurs élus défendront en matière de fiscalité, de logement social, de sécurité ou encore de développement économique au cours de la mandature à venir. Cela n’a pas été possible en 2014 car les électeurs ne connaissaient ni la composition des groupes politiques à l’avance ni leurs programmes à l’échelle de la métropole. Il faut bien comprendre que mon amendement répond à un double-objectif : faire un pas en avant en matière de démocratie locale tout en maintenant la pertinence de l’échelon communal. Tant bien même la représentation des communes au sein de la métropole ne garantit pas automatiquement leurs capacités à peser dans les décisions
Justement, votre amendement ne présente-t-il pas un risque en matière de représentation des communes à l’échelle intercommunale ?
Au contraire, dirais-je même ! Le combat du groupe RDSE et de la rapporteure LR, c’est « supprimons l’article 54 de la loi MAPTAM, protégeons les communes », sauf que, moi aussi, je souhaite préserver cet échelon de base de la République française. Grâce aux 2/3 de fléchage que je propose, chaque commune conservera la possibilité d’exprimer son point de vue au sein de l’intercommunalité dont elle est membre. Nous nous rejoignons avec mes collègues sur le fait que la coopération intercommunale doit bien se faire avec les communes, il n’y a pas de soucis là-dessus ; où nous nous divisons, c’est que j’ajoute qu’elle doit surtout se faire avec les citoyens et non sans eux.
A force de s’arc-bouter et rester sourds aux alternatives, le Sénat favorisera l’émergence de solutions extrêmes. J’ai écouté les lyonnais – dont l’EPCI est devenu une collectivité à part entière – vanter leur modèle, rejouant la petite musique de parlementaires écologistes et d’extrême-gauche qui promeuvent un scrutin par liste, à la proportionnelle intégrale, dans une circonscription métropolitaine unique. Mais j’ai également entendu toutes les voix dissonantes pointant le problème de la non-représentation de certaines communes dans la future assemblée… Je mets en garde mes collègues qui prendraient le risque d’une généralisation du modèle lyonnais faute d’accepter de franchir un pas démocratique en 2020. C’est le statu quo qui menace nos identités communales et risque de tuer les communes, pas mon amendement.
Et en matière de lisibilité du scrutin pour le grand public, qui n’avait déjà pas forcément bien appréhendé le système du fléchage en 2014 ?
Lorsque vous ne voulez pas avancer, vous pouvez trouver un tas de raisons pour ne pas avancer… Je ne dis pas que le scrutin que je propose n’est pas complexe, mais franchement, il y a un tas d’autres élections dont les modalités ne parlent guère aux citoyens…
Le gouvernement, chantre du fait urbain et des métropoles, peut-il s’exonérer de sa mission consistant à démocratiser des EPCI de plus en plus puissantes ?
Bien sûr que non. Même dans l’hypothèse où le gouvernement ne gouvernerai pas et déciderai de reporter sine die cette échéance aux élections 2026 ou 2032, le débat reviendrai sur la table à court ou moyen-terme au Parlement. Pour tout vous dire, je n’ai pas d’indice non plus sur ce que sera la position des parlementaires proches de La République En Marche, pas davantage du côté du Parti Socialiste. D’ailleurs, je ne crois pas qu’il existe de clivage gauche-droite, pas plus que urbain contre rural sur ce sujet : je rappelle que la plupart des métropoles françaises abritent des communes rurales de moins de 1 000 habitants en leur sein.
Pour tous ces territoires, à commencer par la mienne, Domène dans Grenoble-Alpes Métropole, il est nécessaire de conserver un minimum de fléchage afin de les intégrer et qu’ils aient leur mot à dire sur la définition du projet métropolitain. J’espère simplement que l’exécutif ne prépare pas un texte à l’Assemblée nationale qui couperait le lien entre communes et intercommunalité...
Quelles suites imaginez-vous pour votre amendement ?
Au-delà du gouvernement sur lequel je dois avouer n’avoir guère de prise, je m’attèle surtout à convaincre ma famille politique. Les parlementaires LR devons prendre les devants et être force de propositions pour éviter que le gouvernement nous impose une décision ne correspondant pas à nos idéaux en matière d’organisation territoriale. Même si mon amendement ne sera pas voté par la majorité du groupe au Sénat, jeudi, je sens bien que la position de certains de mes collègues évolue, tout de même. Tout n’est pas perdu.