Egalité femme-homme, parité. Graffiti
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L’espace public est majoritairement occupé par les hommes. La lutte pour la place démarre très tôt, dès l’école, et elle est gagnée par les hommes. Une prise de conscience de cette situation est nécessaire pour rétablir l’équilibre. Des méthodologies existent pour agir sur les politiques publiques.
Des terrains de sport dédiés aux garçons, des cours d’école quasi monopolisées par le foot des garçons, des maisons de jeunes dont l’encadrement et les usagers ont oublié l’élément féminin, des transports en commun où tout est fait pour lutter contre la fraude mais non les violences sexistes – alors que les femmes en sont les utilisatrices majoritaires –, des rues où les hommes peuvent sembler désœuvrés, mais pas les femmes… Si l’on y regarde de plus près, l’espace public qui devrait être aveugle aux sexes, dans la réalité, ne l’est pas. Il est, en paraphrasant le titre du petit ouvrage d’Yves Raibaud((« La ville faite par et pour les hommes », éditions Belin.)) fait par et pour les hommes.
75 % des budgets publics loisirs pour les garçons
Une audition sur le thème « genre et espace public », organisée par la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale le 11 mai, en apportait de nombreux exemples.
75% des budgets publics consacrés aux loisirs sont consacrés aux garçons, expliquait ainsi Yves Raibaud, géographe, chargé de mission sur l’égalité femme-homme à l’université Bordeaux-Montaigne et membre du Haut conseil à l’égalité entre femmes et hommes : « A partir de la 6e, les filles décrochent des activités organisées. Les loisirs des filles sont moins subventionnés et bénéficient de moins d’équipements ».
Explication fréquemment donnée : ce sont les filles qui ne sont pas demandeuses. « Les entretiens disent le contraire, insiste le géographe. C’est la pression sociale qui incite les filles à se retirer de l’espace public. Dans la lutte des places et de la mobilité, ce sont les hommes qui gagnent. »
Et il donne l’exemple des cours de récréation dont le centre est monopolisé par les garçons, les filles étant reléguées à la périphérie. Un schéma qui se retrouve partout. « Les garçons percutent, les filles évitent », résume Yves Raibaud.
Rendre les cours d’école aux filles
« Il faut apprendre aux petites filles à aller dans tous les espaces », préconise-t-il, ajoutant qu’il aussi aller vers le « disempowerment des garçons ». Il y a ainsi tout un travail à réaliser sur les cours d’école, pour mettre fin au monopole des garçons. « Et il faut s’attaquer aux violences machistes depuis la maternelle jusqu’au plus haut degré de gouvernance », ajoute-t-il.
Gender budgeting
Une technique existe pour aller vers des budgets mieux équilibrés en fonction des genres : le « gender budgeting » qui met en évidence le fait que les politiques budgétaires ne sont pas neutres. La ville de Bordeaux a pu ainsi rééquilibrer ses investissements en faveur du sport féminin. Le gender budgeting permet de faire sortir cette question de « l’impensé ».
Certaines décisions, certains actes ne relèvent pas du sexisme, ils sont pourtant inégalitaires. Le faire apparaître est ce à quoi s’attache Chris Blache, consultante en socio-ethnographie, cofondatrice et coordinatrice de la plateforme Genre et ville.
Pour ce faire elle a lancé le programme PAsSaGEs ( Programme d’actions sensibles au genre et espaces), qui couple observation et réflexion dans le but d’agir sur quelques territoires. Villiers-le-Bel, commune la plus avancée dans cette expérimentation va vers une intégration complète de l’égalité homme-femme dans son projet Anru, depuis l’aménagement des logements jusqu’à l’utilisation des communs, en passant par la mobilité et l’espace public.
Sécurité et éviction des femmes
Chris Blache éclaire avec un autre regard les politiques sécuritaires menées en ville et souligne le fait qu’elles aboutissent à faire rentrer les femmes chez elles.
Selon elle, la résidentialisation aboutit souvent à un « sursécurisation anxyogène » et à une réduction de l’espace public qui exclut les femmes.
« La question de la sécurité est au cœur de notre travail. On dit que la sécurité est faite pour les femmes. En fait, elle est pour faire rentrer les gens chez eux et les femmes sont utilisées pour la politique sécuritaire », dénonce-t-elle, ajoutant que la majorité des violences faites aux femmes ont lieu chez elles, où l’on veut les confiner, et non dans l’espace public.