Décentralisation, territoires
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Depuis plusieurs années, les noms des ministères dédiés à l’aménagement territorial évoluent au gré des doctrines... ou des modes. Sans pour autant que la politique d’aménagement du territoire pilotée par l'Etat n'ait véritablement retrouvé une consistance et une cohérence durables.
Hier encore, on parlait d’égalité des territoires. Le précédent exécutif crut qu’il suffirait d’en faire un ministère pour rendre efficient le concept, se contentant d’escorter l’émergence des métropoles, elles-mêmes chargées de se montrer solidaires de leurs périphéries. Or, si ces grands espaces urbains peuvent jouer un rôle sur des coopérations thématiques ciblées avec leurs hinterlands, l’Etat ne saurait se délester de ses responsabilités sous couvert d’avoir artificiellement accru le nombre et les compétences des métropoles. D’autant que certaines, aussi riches soient-elles, ont déjà fort à faire avec la paupérisation d’une partie de leur population.
Puis vint la « cohésion » des territoires, dont l’agence éponyme, pourtant promise par Emmanuel Macron il y a un an, en est encore à son rapport de préfiguration… « Votre gouvernement n’a pas trouvé ses marques dans le domaine », tançait début juin le président de l’Association des petites villes de France (APVF) à l’adresse du Premier ministre. En finir avec la multiplication des appels à projets qui permettent aux seuls territoires déjà les mieux pourvus en ingénierie d’obtenir une aide complémentaire de l’Etat serait un minimum. L’APVF plaide à raison pour « une solidarité nationale qui s’exprime en premier lieu par les services publics », au « financement pérenne ». La préconisation du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie d’instaurer six cents petits « établissements de santé communautaires » de médecine polyvalente, à rebours de la concentration actuelle, va dans ce sens. Mais qu’en retiendra le gouvernement ?
Cour d’équité. Et voilà qu’intervient désormais l’équité. Afin que chaque territoire bénéficie d’un « panier de services accessibles à tous » en vérifiant que toutes les administrations, ministères au premier rang, remplissent une obligation de moyens en faveur des « quartiers » comme des territoires ruraux, Jean-Louis Borloo réclame une Cour d’équité territoriale.
Si toute judiciarisation à ses travers - un temps de réaction trop long, une potentielle déresponsabilisation du politique -, l’idée de contrôler l’effectivité des moyens engagés est séduisante. Réponse ambiguë du chef de l’Etat qui, s’il n’est « pas sûr de vouloir recréer une Cour », trouve « bonne » l’idée d’une « instance de recours ». Alors, égalité, cohésion ou équité ? Que l’Elysée et Matignon arrêtent de se payer de mots et de « disrupter » le seul vocabulaire pour enfin assumer une politique nationale… d’aménagement du territoire, tout simplement.