École de la confiance : le Sénat prend le parti des territoires

Hugo Soutra
École de la confiance : le Sénat prend le parti des territoires

classe de maternelle

© Adobe/ annanahabed

La commission de la culture et de l’éducation du Sénat vient de rendre son rapport sur le projet de loi « pour une école de la confiance » sur lequel le gouvernement a engagé une procédure accélérée. Les sénateurs ont adopté près de 141 amendements et ont donc remanié en profondeur ce texte qu’ils jugent à certains égards « mal bâti et manquant de sens ». Les collectivités, tout particulièrement les communes, très inquiètes sur la question de la compensation de la scolarisation obligatoire à 3 ans et sur celle du regroupement des écoles et des collèges, ont été entendues par la Chambre haute.

« Le texte actuel n’est pas d’une importance significative, comparé aux projets de loi de programmation de 2005 et de refondation de 2013 » a rappelé en préambule Catherine Morin-Dessailly, la présidente de la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication, « malgré cela, nous avons pu constater, au cours de nos nombreuses auditions, qu’il y avait une grande défiance envers ce texte, de par son décalage avec les besoins et les attentes exprimés par les acteurs locaux ». « Manque de concertation », « difficulté à dialoguer avec les élus des territoires, les enseignants et les parents » : Max Brisson, le rapporteur du texte, n’est pas tendre non plus avec les méthodes gouvernementales qualifiées de « cavalières ». « Lors de nos auditions, les personnes nous disaient systématiquement à la fin : ‘au moins vous, vous nous écoutez’ » se souvient le sénateur des Pyrénées-Atlantiques qui a lui-même proposé la moitié des 141 amendements adoptés en Commission ! Plusieurs de ces changements concernent en premier chef les territoires.

Jardins d’enfants et sieste à la maison

Si pour Max Brisson l’abaissement de l’âge obligatoire d’instruction à 3 ans est une mesure forte et très symbolique que le Sénat soutient, certaines limites sont apparues dans le texte présenté par le ministre de l’Éducation nationale.

Le premier point faisant débat concerne les jardins d’enfants. « Ces structures, qui accueillent les petits jusqu’à 6 ans, sont très présentes par tradition dans certains territoires (Paris, Alsace ou la Réunion) et y jouent un rôle très fort » remarque le rapporteur qui n’imagine pas « que l’on puisse les rayer d’un trait de plume comme le prévoyait le texte ». Pour Max Brisson, s’il est nécessaire de les faire évoluer, ces jardins doivent néanmoins être « pérennisés » puisqu’ils fonctionnent. 30% des enfants qui ne sont pas scolarisés à 3 ans sont d’ailleurs accueillis localement dans des jardins d’enfants. Le second point de vigilance des sénateurs concerne l’obligation d’assiduité pour les élèves de Petite Section de maternelle. « Nous avons introduit de la souplesse dans le texte et du bon sens » explique le rapporteur. «  Pour les enfants qui rentrent déjeuner à la maison le midi : est-ce bien nécessaire de les réveiller de leur sieste à 13 heures pour les ramener à l’école afin qu’il se rendorme dans le dortoir de l’école ? » s’interroge Max Brisson.

Juste compensation pour les communes

La Commission a également remodelé l’article 4 en rappelant « l’exigence d’une pleine compensation du coût occasionné [ndrl : par cette obligation de scolarité à 3 ans] pour les collectivités territoriales ». Alors que deux tiers des communes de France participent partiellement au financement des écoles maternelles privées sous contrat de leur territoire, le texte de loi prévoyait en effet de ne compenser que le tiers restant, celles qui ne donnaient rien jusqu’alors. « Une injustice » que les sénateurs ont tenu à corriger. Ils ont ainsi introduit un amendement imposant que « la compensation versée par l’État tienne compte de cette participation ». Les parlementaires ont également retravaillé les modalités de calcul  de la compensation et ont voté un amendement permettant aux communes de demander une réévaluation en cas de désaccord.

Rapprochement écoles-collèges : supprimé !

Enfin, quant à l’article 6 quater qui visait à rapprocher écoles et collèges dans des établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux, il a tout simplement été supprimé « à l’unanimité » par les sénateurs qui l’ont jugé « inacceptable en l’état ».

« Nous avons eu 14 amendements sur ce seul article qui était mal rédigé et qui a été mal expliqué, voire nullement expliqué. Il a d’ailleurs généré beaucoup d’inquiétude chez les parents, les enseignants et chez les élus locaux » a rappelé le rapporteur, « la Commission a donc considéré que la rédaction issue de l’Assemblée nationale n’offrait pas à ce stade de garanties suffisantes contre la remise en cause du maillage scolaire, particulièrement en milieu rural, et du lien fondamental entre la commune et son école ».

Pour autant, Max Brisson n’exclut pas des discussions sur cet article en séance publique le 14 mai : « nous verrons bien si le Sénat trouve un accord sur ce point qui soit en mesure de rassurer les acteurs des territoires ».

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