Devant les présidents de conseils généraux, Manuel Valls joue l’apaisement

Denis Solignac
Devant les présidents de conseils généraux, Manuel Valls joue l’apaisement

Manuel Valls, Premier ministre

© Flickr-CC-CNNum

Quelques annonces sur les finances départementales mais surtout un hommage appuyé au rôle de solidarité des départements envers les communes et les foyers modestes : le Premier ministre n’a pas ménagé sa peine, le 6 novembre à Pau, pour renouer un lien de confiance avec les exécutifs départementaux réunis pour leur 84e congrès.

Neuf jours après son discours au Sénat, Manuel Valls se rendait à Pau moins pour effectuer de nouvelles annonces sur la réforme territoriale – la clarification ayant, à son sens, été faite au Palais du Luxembourg – mais bien davantage pour apaiser les relations avec les exécutifs départementaux à cinq mois de leur renouvellement.

Devant quelque 500 conseillers généraux réunis dans le chef-lieu des Pyrénées-Atlantiques, le Premier ministre est d’abord venu lancer un appel à construire un consensus parlementaire sur la réforme territoriale. Ironie de l’histoire, la cité d’accueil de ce congrès est aujourd’hui dirigée par François Bayrou, l’un des partisans historiques de la fusion des régions et des départements…

Mais c’est à une autre figure de la ville que s’est référé Manuel Valls, bien plus historique : Henri IV, ce « souverain qui a su pacifier et construire une belle unité. Même si je suis profondément républicain, peut-être pourrions nous s’inspirer de sa démarche… », a-t- invité. Car, en dehors de quelques annonces sur l’avenir des finances départementales (lire ci-dessous), Manuel Valls a construit son adresse aux exécutifs départementaux selon trois axes : contrition, même modeste ; appel au rassemblement parlementaire pour une réforme territoriale de consensus… et louanges adressées à l’action des départements.

Nous avons en effet pu hésiter nous-mêmes sur la méthode de la réforme depuis 2012. Les contradictions étaient au sein même de la majorité”
Manuel Valls, Premier ministre

Mea culpa sur le calendrier
Contrition : le Premier ministre a fait son mea culpa sur la méthode et le calendrier de la réforme : « Oui je comprends vos doutes, vos interrogations, vos colères, car nous avons en effet pu hésiter nous-mêmes sur la méthode de la réforme depuis 2012. Les contradictions étaient au sein même de la majorité », a-t-il avoué.

En effet, lorsque la réforme est lancée en 2013, le PS détient la quasi-totalité des régions, 60% des départements et une large majorité des métropoles et grandes villes, sans oublier le Sénat qui n’a pas encore basculé à droite. Difficile dans ce contexte de réaliser une réforme territoriale sans faire de nombreux mécontents…

« Mais pour le moment, je ne vois pas de projet alternatif. A part le conseiller territorial, Il n’y a pas eu de réforme forte », a toutefois glissé Manuel Valls ce jeudi à Pau pour mieux valoriser sa volonté réformatrice.

Et le Premier ministre de prendre des accents hollandais : aux « ce n’est pas facile de… » répétés avec insistance par le chef de l’Etat lors de sa dernière grande conférence de presse à l’Elysée, font écho les « pas facile ! » de Manuel Valls au sujet de la revalorisation prévue du RSA de 10% sur les 5 ans. Ou encore le « C’est facile à dire, pas facile à faire… » s’agissant de « l’un des objectifs de la réforme territoriale, […] renforcer tous les territoires ».

« Le rôle des départements est indispensable »
Appel au rassemblement : le Premier ministre, malgré un voté sénatorial qui a remis en cause la carte souhaitée par les députés et appuyée par l’exécutif, croit toujours en la possibilité d’un consensus parlementaire entre les deux chambres et avec l’Etat sur la réforme territoriale dans son ensemble. « Je souhaite que nous arrivions, sur la loi Notre, [à] un accord entre le Sénat, l’Assemblée nationale et le gouvernement », indique, solennel, le locataire de Matignon.

Les louanges enfin : adressés à l’action des départements, ils ont constitué l’essentiel de la prise de parole du Premier ministre. Les départements n’ont semblent-ils jamais été autant indispensables depuis que l’exécutif a évoqué, durant plus de sept mois, leur nécessaire suppression, « dévitalisation » ou tout du moins transformation.

« Le rôle des départements en matière de protection des populations les plus fragiles et de soutien aux communes est indispensable », a ainsi lancé le Premier ministre. Et de se montrer régulièrement compatissant avec les conseils départementaux et la situation budgétaire peu enviable qui est la leur : « Je sais les difficultés que connaissent les départements ».

Il y aura d’autres transferts, de nouveaux transferts de l’Etat aux collectivités territoriales”
Manuel Valls, Premier ministre

Promesse de « nouveaux transferts »
De quoi pousser Manuel Valls à assurer que « dans le cadre du débat parlementaire, le département pourrait être conforté sur ses compétences. Je pense, par exemple, à l’ingénierie territoriale ou à l’accès des citoyens aux services au public. Ce sera aussi le cas dans le domaine social avec la poursuite de l’examen du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement ».

Et alors que le président de l’ADF Claudy Lebreton assure que « le département n’est pas le problème, mais une solution à apporter à la crise » – et fait la demande de nouvelles responsabilités pour les collectivités départementales –, le Premier ministre n'est pas en reste pour lui répondre : « Il y aura d’autres transferts, de nouveaux transferts de l’Etat aux collectivités territoriales », promet Manuel Valls. Finalement, le département a de l’avenir.

Droits de mutation : le relèvement du taux plafond pérennisé

Face à « la croissance particulièrement marquée du RSA, dans cette période de crise », en progression de 10% encore en 2014, Manuel Valls a annoncé son intention de « pérenniser l’intégralité [des] mesures » du pacte de confiance et de responsabilité, conclu en juillet 2013 entre l’Etat et les départements.
« Concrètement, le taux plafond des DMTO [droits de mutation à titre onéreux] sera dorénavant de 4,5% », a-t-il annoncé, alors que cette hausse ne devait être à l’origine que temporaire, sur deux ans. « Et le fonds de solidarité sera reconduit pour les années à venir. Je demande donc à Marylise Lebranchu, André Vallini et Christian Eckert de déposer des amendements en ce sens », a-t-il ajouté.
Pistes délaissées. Deux annonces qui venaient répondre favorablement aux demandes faites quelques instants plus tôt par André Viola, président du CG de l’Aude et à la tête du groupe majoritaire de l’association. En revanche, l’idée de « décaler en fin de mois le versement du RSA à la CAF, ce qui permettrait de dégager une trésorerie nécessaire à 2015 » comme demandée par l’élu audois ne semble pas être retenue par Matignon.
Pas de trace non plus, dans le discours du Premier ministre, de l’idée de « rétablissement d’une journée de carence » ou encore de la fin de « nos cofinancements de missions régaliennes que sont la construction et la modernisation de gendarmeries », deux pistes lancées un peu plus tôt par le leader du groupe d’opposition DCI de l’ADF, Bruno Sido. « Seule une réforme de la fiscalité locale constitue une réponse durable aux défis auxquels nous sommes confrontés », avait par ailleurs lancé le patron de la Haute-Marne.
Concours de la CNSA. Autre annonce, plus technique encore : Manuel Valls reprend à son compte l’idée de l’ADF d’introduire le critère du potentiel fiscal corrigé pour la répartition des concours versés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Ce critère « permettra de neutraliser les effets de la réforme de la taxe professionnelle », estime-t-il.
Enfin, le Premier ministre souhaite « que soit réuni un groupe de travail afin de réfléchir aux évolutions du RSA socle, de son mode de gestion et de son articulation avec les autres allocations ».

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