Edouard Philippe présente le 13 octobre à Châlus (Haute-Vienne) le plan gouvernemental contre les déserts médicaux
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Incitations financières, télémédecine, multiplication des maisons de santé… les recettes présentées par le Premier ministre et la ministre de la Santé le 13 octobre à Chalus (Haute-Vienne) reprennent des dispositifs déjà éprouvés par les précédents gouvernements. Pas de coercition dans l’installation des médecins libéraux, une hypothèse trop liberticide pour Edouard Philippe. Seule innovation : la création de 300 postes de médecins partagés entre médecine de ville et pratique hospitalière.
« Je crois à la liberté ». En une petite phrase, Edouard Philippe a rapidement douché les espoirs des acteurs locaux qui attendait du Plan de lutte contre les déserts médicaux, annoncé par le Premier ministre lors de son discours de politique générale, des mesures coercitives sur l’installation des médecins libéraux. A Châlus, en Haute-Vienne, où il est venu présenter dans une toute récente Maison de santé son « Plan pour l’égal accès aux soins dans les territoires » en compagnie d’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, l’ex-maire du Havre a rapidement évacué toute hypothèse d’un recours à l’encadrement des installations des médecins libéraux. « Dans tous les pays européens qui l’ont tentée, la voie coercitive a été un échec, parce qu’elle conduit chaque fois à des systèmes de contournement. C’est pourquoi nous voulons privilégier l’incitation ». Le ton était donné.
Conséquence : le plan gouvernemental reprend, en les dopant au besoin financièrement, de vieilles recettes. Et Edouard Philippe ne s’en cache pas : « différentes mesures ont été prises par les gouvernements précédents, mais cela n’a pas suffi à renverser la tendance, ni même à l’enrayer. Alors qu’allons-nous faire ? Eh bien, nous allons adopter une méthode simple : amplifier les mesures qui fonctionnent et lever méthodiquement tous les obstacles qui empêchent les acteurs de mettre en place des solutions adaptées à leur territoire ».
Davantage de maisons médicales... au risque qu'elles soient vides
Ainsi l’exécutif veut-il doubler le nombre de Maisons médicales sur le territoire et consacrer pour cela 400 millions d’euros au sein du grand plan d’investissement pour construire 1000 maisons et centres de santés supplémentaires d’ici 5 ans. L’assurance Maladie devrait à terme consacrer 90 millions d’euros annuels à la rémunération par équipe, de l’ordre de 40 000 à 60 000 euros, en complément des rémunérations individuelles pour favoriser le caractère pluriprofessionnel de ces équipes médicales.
Le Premier ministre s’est dit conscient des limites de ces MSP, lorsque les élus locaux investissent et construisent des bâtiments qui restent en partie vides de médecins ensuite, faute de « projet médical ». Mais sans pour autant apporter de réponse à ce phénomène… Edouard Philippe préfère s’en remettre à la pérennisation du dispositif « Asalee », qui permet aux infirmiers « de prendre en charge des maladies chroniques, en lien avec le médecin traitant. Nous allons également développer ce qu’on appelle les pratiques avancées, qui permettent à des professionnels d’exercer au-delà de leur champ d’exercice initial, en leur donnant accès à des formations et en leur facilitant l’acquisition de nouvelles compétences », a-t-il annoncé.
Installation ou formation, pas de coercition
Autre sillon de nouveau creusé : les incitations financières. 200 millions d’euros sur 5 ans seront consacrés au déploiement des aides conventionnelles, « afin d’aider à l’installation et à l’exercice des médecins dans les territoires où l’offre de soins est insuffisante. En parallèle, le nombre de zones éligibles à cette aide sera élargi, et passera de 7% à 18% du territoire », a-t-il détaillé.
De même, les médecins généralistes proches de la retraite ou déjà en retraite seront encouragés à rester partiellement en activité, « en leur permettant de cumuler plus facilement ces revenus avec leur pension ».
Même la formation ne fera pas l’objet d’une coercition territoriale puisque les 500 nouveaux lieux de stages créés en dehors de l’hôpital devront faire le plein… « grâce à de nouvelles incitations pour les formateurs, et pour les étudiants qui seront mieux défrayés de leurs déplacements ».
Autre refrains déjà entendus : la « simplification administrative » et autres « guichets uniques » promis aux professionnels de santé.
Télémédecine, un potentiel qui reste à confirmer
Au cœur du volet « innovation » du plan, la télémédecine a lui aussi des airs de déjà-vu. Mais l’exécutif pense bien tenir les leviers afin de lever définitivement les deux « blocages » du développement de la médecine à distance : « la fiabilité aléatoire de la connexion internet selon les territoires, et l’absence de tarification codifiée pour ce type de consultation ». Edouard Philippe renvoie ainsi pour le premier à l’engagement d’accélérer la couverture intégrale du territoire en haut débit pour qu’elle soit effective dès 2020. Et pour le second, à l’inscription dans le droit commun des actes de télémédecine dès 2018, « ce qui permettra, après négociation, d’établir un tarif de consultation à distance, et donc de rémunérer les professionnels de santé pratiquant ce type de consultations ».
Suffisant pour que de telles pratiques soient largement adoptées par les médecins comme par les patients ? L’exécutif y croit, raison pour laquelle il souhaite doubler les crédits du fonds d’intervention régional destinés au développement de la télémédecine en 2018 pour passer à 18 millions d’euros, et équiper d’un matériel de téléconsultation tous les Ehpad d’ici 2020.
Des postes partagés entre hôpital et ville
Au final, l’un des rares véritables éléments innovants du plan est une expérimentation qui vise à créer 300 postes de médecins partagés entre médecine de ville et pratique hospitalière. « Dès 2018, les ARS pourront proposer ces nouveaux contrats aux jeunes diplômés. Ils permettront un exercice partagé pour partie salarié à l’hôpital, et pour partie libéral, dans les territoires en déficit d’offres de soins », assure Edouard Philippe. Et de prendre l’exemple d’un cardiologue hospitalier, qui effectuera des consultations en MSP « une journée par semaine. Vous n’aurez ainsi pas besoin de vous déplacer à l’hôpital ni pour le premier examen, ni pour le suivi ».
Une mission de suivi
Deux parlementaires, Elisabeth Doineau, sénatrice centriste de la Mayenne, et Thomas Mesnier, médecin devenu député LREM de la Charente, et le Docteur Sophie Augros, présidente du syndicat « ReAGJIR » (Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants), seront chargés d’assurer le suivi du plan et de transmettre à l’exécutif leurs suggestions d’adaptation en cours de mise en œuvre.