Pierre Brajou, président de l’Association nationale des directeurs d’associations de maires (Andam), aux côté de François Baroin, président de l'AMF
© Andam
Selon un décompte réalisé par l’AFP cet été, une augmentation de 55%, par rapport au mandat précédent, du nombre de démissions de maires en cours d’exercice aurait été enregistrée depuis le début de la mandature. Ras-le bol ? Crise des vocations ? Fin d’une époque ? Pour Pierre Brajou, président de l’Association nationale des directeurs d’associations de maires (Andam), certains nouveaux édiles n’étaient pas préparés à la charge de travail et à intégrer de très grandes intercommunalités. Pour autant, pas de risque d’une crise de vocation généralisée selon lui lors des prochaines élections municipales.
L’Andam regroupe 85 directeurs d’associations départementales de maires et a pour mission de permettre une entraide et des échanges entre les adhérents (les directeurs d’associations de maires) mais aussi de créer un réseau partenarial en lien avec l’Association des maires de France (AMF). Son président décrypte pour le Courrier des maires les raisons qui ont poussé davantage de maires à démissionner, passés les trois quarts de ce mandat par rapport au mandat 2008-2014. Et les conséquences possibles sur les candidatures aux prochaines élections municipales de 2020...
Courrierdesmaires.fr : + 55% de démissions de maires sur les 4 premières années du mandat : que révèle pour vous cette ampleur inédite ?
Pierre Brajou : Ce qui me gêne avec ce nombre donné en pourcentage, c’est que l’on ne sait pas exactement comment il a été obtenu. Une remarque : depuis 2014, 1200 communes ont connu une fusion au sein d’une commune nouvelle. Et à chaque fois qu’une commune nouvelle est créée, vous en avez au moins une autre qui disparaît mécaniquement. Dans certains départements, il y a eu une dizaine de fusion et donc autant de maires « disparus » !
En revanche, ce qui est vrai, et nous l’avons constaté avec tous les collègues, c’est le très fort taux de démissions enregistré au début de cette mandature, en 2014, mais surtout 2015, et un peu 2016. C’était en effet du jamais-vu. Et ces démissions n’étaient pas les conséquences des politiques menées par le gouvernement mais le fruit de maires qui avaient été parfois élus un peu par hasard et qui n’étaient pas prêts pour la fonction. Avec le panachage des listes dans les communes de moins de 1000 habitants, vous avez des villages où les têtes de listes n’ont pas été élues et où il a fallu trouver un remplaçant parmi les conseillers.
Sur mon département, j’ai également remarqué que les 4 démissions du début de mandat concernaient par ailleurs des maires en activité professionnelle. C’est aujourd’hui très compliqué – voire impossible – d’exercer ce mandat en même temps qu’un emploi à temps plein… D’ailleurs, les maires ont de plus en plus de mal à obtenir des « dispenses d’heures » de la part de leurs employeurs – privés mais aussi publics - pour assurer leur fonction d’élu. Et c’est un gros problème.
Selon vous, quels sont les autres facteurs qui contribuent à ce ras-le-bol ?
À notre échelle, nous remarquons que les élus, ruraux notamment, sont vraiment en difficulté sur deux points : les intercos XXL et la disparition des services de l’État dans le département.
Au sein des intercommunalités, les petits maires se sont perdus. Ils sont las de voir tout l’argent qui est dépensé pour faire des études et monter des dossiers alors qu’eux ne parviennent pas à décrocher 10 000 euros pour refaire un bout de route !
L’autre point concerne la disparition des services de l’État dans les départements. La préfecture ne fait plus les permis de conduire, ni les cartes grises ; les trésoreries ferment ; de même les services de la Direction Départementale des Territoires (DDT) qui accompagnaient les petites communes dans l’instruction des permis de construire ont décidé d’arrêter de prendre certains dossiers du jour au lendemain… Les maires sont dépités, ils ont l’impression qu’on leur demande toujours plus, notamment leurs administrés, mais qu’à la fois il n’y a plus personne pour les aider !
Craignez-vous une crise des vocations durables pour les élections municipales de mars 2020 ?
Il est évident que, comme en 2014, ce sera très compliqué de former des listes dans certaines communes. Mais en général, je ne crains pas une crise des vocations, car je pense qu’il y aura toujours assez de candidats. Des candidats qui ont envie de tester quelque chose de nouveau ou qui craignent de s’ennuyer à la retraite…
En revanche, ce qui sera vraiment plus difficile à trouver, ce sont des candidats habités par une envie de servir ses concitoyens. Cet esprit-là se perd… J’ai ainsi été très surpris en 2014, par le nombre de maires élus qui ont souhaité se mettre sur liste rouge pour ne pas être dérangé par leurs administrés ! Et ces candidats-là, qui sous-estiment la charge de travail ou qui ont été choisis par défaut après des défections, sont plus enclins à démissionner de leur fonction dans les premiers mois d’exercice…
Est-ce que cette crise touche plus particulièrement les maires que les autres élus locaux ?
Oui c’est très spécifique aux maires, et à cet échelon de proximité qu’est la commune. Je ne pense pas que les conseillers départementaux soient concernés de la même façon. Pour beaucoup de maires, leur mandat a longtemps été le plus beau car il était dans la proximité et dans l’action… mais avec la montée en puissance des intercommunalités, il y a eu comme un brouillage, on ne sait plus qui fait quoi, qui peut faire quoi. Un maire me disait : « avant, dans la commune, nous pouvions imaginer et essayer ; aujourd’hui, nous devons voir avec l’intercommunalité si nous avons le droit de rêver ! ». Au départ, les intercommunalités portaient la promesse de pouvoir faire plus sur la commune avec la mutualisation des moyens ; aujourd’hui malheureusement, c’est le contraire qui se produit…
Yolande LACHAIZE - 06/09/2018 19h:15
Maire d’une petite commune rurale de 240 h, je ne pense pas qu’il y ait une crise des vocations, mais une réelle frustration des Maires qui se voient amputés de tous leurs pouvoirs d’actions au profit des Intercommunalités XXL que l’Etat favorise en leur attribuant des compétences alors dévolues à l’Etat ou aux communes, car l’Etat à terme souhaite se désengager de tous les services au public. A l’origine, les intercommunalités ont été créées pour aider les petites communes à réaliser des projets qu’elles ne pouvaient pas porter seules. Aujourd’hui c’est l’inverse qui se produit, les projets se font à la faveur des plus grandes communes de l’intercommunalité. De ce fait les financements sont accordés sur ces projets et il ne reste plus rien pour les petites communes. Avec les baisses successives des dotations et la diminution des subventions, j’en arrive à ne plus pouvoir faire l’entretien des bâtiments communaux ni de la voirie communale. Les augmentations de la fiscalité se font toujours en faveur de l’intercommunalité, nous, petites communes ne pouvons pas augmenter encore nos taux communaux, pourtant nos administrés ne comprennent pas ces augmentations annuelles de la fiscalité intercommunale, car ils ne voient pas concrètement de répercussion sur la commune. Alors que j’étais une fervente adepte de l’Intercommunalité, j’en ai aujourd’hui une aversion totale : Merci à la Loi NOTRe mon commentaire s’arrêtera là. …..
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