chantier-construction
© Flickr/dalbera
Mieux gérer et maîtriser le foncier pour s'assurer que ses projets de construction et de développement territorial sortent de terre. La préoccupation n’a rien de nouvelle chez les élus. Mais, entre complexité des procédures et manque d’ingénierie, ils en appellent aujourd’hui à l’Association des maires de France (AMF), aux parlementaires et au gouvernement pour les épauler.
Jamais autant de ministres et secrétaires d’Etat ne se s’étaient pressés au Congrès des Maires autant que cette année. Malheureusement pour les maires de villes petites ou moyennes et autres adjoints à l’urbanisme ou au logement, ni Jacques Mézard ni Julien Denormandie n’ont pu se rendre disponibles pour assister à l’atelier sur les enjeux fonciers, organisé mercredi 22 novembre. Malheureusement, car il fallait entendre la détresse qui s’exprimait au sein de cette assemblée d’élus partageant le même désarroi malgré une diversité de situations.
« Que nous souhaitions revitaliser nos cœurs de villes historiques, requalifier des friches industrielles en milieu urbain, protéger les terres agricoles et limiter l’extension du périurbain, la question du foncier est au cœur de nos préoccupations quotidiennes. Malheureusement, les outils sont peu nombreux à part « l’arme atomique » de l’expropriation, et les procédures d’urbanisme pour mettre en œuvre nos projets de développement difficiles à appliquer » se désole le maire de Saint-Flour (Cantal), président de la commission Aménagement et urbanisme à l’Association des maires de France (AMF).
Revitalisation du centre-ville... sans logements sociaux
Illustration très concrète avec Douai, où le maire Frédéric Chereau tente d’enrayer la déprise démographique de sa ville. Après avoir « qualifié le diagnostic » du centre-ville, avec des mesures et des cartographies précises du taux de vacance commerciale et résidentielle (11% de logements vides, montant jusqu’à 20% dans certains quartiers commerçants), il se démène : opérations d’amélioration de l’habitat, expropriations, rachat et rénovation d’immeubles dégradés pour y installer des restaurants ou une librairie, etc.
« Ne pourrions-nous pas envisager la création d’un outil spécifique pour gérer l’ensemble de ces opérations dans toute leur globalité, avec une ingénierie financière, juridique et technique dédiée. L’ANAH est une structure très utile mais pas forcément pour ma commune faite à 35% de logements sociaux. Comment puis-je faire de la rénovation urbaine lourde en centre-ville sans créer de logements sociaux supplémentaires ? » s’interroge-t-il.
Elue à seulement quelques dizaines de kilomètres, Audrey Linkenheld observe le même phénomène de fuite du centre-ville si ce n’est que les familles le quittent non pas tant pour le manque d’espaces que la cherté des prix de l’immobilier. Un contexte radicalement différent, donc, qui a conduit cette adjointe au maire (PS) de Lille à venir faire la promotion des organismes de foncier solidaire (OFS) devant les quelques collectivités où le coût élevé du peu de foncier disponible a tendance à renchérir les prix de sorties des opérations immobilières.
Du logement abordable... en coeur de métropole
Objectif de cet outil : rendre pérenne les dispositifs d’accession sociale à la propriété, en développant des logements abordables à destination des ménages modestes, et ce dans les zones tendues comme l’hyper-centre où ils étaient de moins en moins nombreux à pouvoir se loger. Comment ? En dissociant la propriété du bâtiment, aux mains des citoyens, de celle du foncier – qui reste à la collectivité, en l’occurrence à l’OFS. Existant déjà depuis plusieurs années voire décennies aux Etats-Unis ou en Belgique, les organismes fonciers solidaires ont vu le jour grâce aux lois ALUR et Macron après un « benchmarking » réalisé par plusieurs parlementaires dont Audrey Linkenheld.
Autre territoire, autre problématique mais même méthodologie : devant reconvertir une friche industrielle située en centre-ville et pour cela dépolluer les sols, le maire de Viviez (Aveyron) Jean-Louis Denoit a très tôt entrepris un tour d’expérience au sein de plusieurs collectivités concernées pour savoir comment assurer la maîtrise technique et financière de ce projet. « Les grandes collectivités disposent de services techniques leur permettant de gérer la problématique des sols et du foncier, contrairement aux petites collectivités qui souffrent d’un manque d’ingénierie » regrette celui qui est aussi vice-président de Decazeville agglomération. A l’entendre, l’AMF a tout son rôle à jouer sur la question.
Du nécessaire besoin de simplification et d'un "Etat-facilitateur"
Après être revenu, lui aussi, sur la complexité de mener des actions de développement urbain dans sa ville règlementée par la loi Littoral, l’empêchant de lutter efficacement contre l’étalement urbain en réhabilitant du patrimoine déjà bâti par exemple, le maire de Plougastel a lancé un appel aux élus présents de rejoindre le groupe de travail « Littoral » de l’AMF. « Plus on est nombreux, plus on sera fort » argue Dominique Cap. « Il nous appartient de mettre sous pression les parlementaires pour les alerter des problématiques rencontrées par les communes du littoral, mais aussi les communes de montagne, et d’enfin faire avancer les choses. »
Pour d’autres élus, la priorité consiste à se mettre au niveau, prendre conscience de ses prérogatives stratégiques pour ne pas perdre ses rapports de forces avec les techniciens de sa collectivité, les services de l’Etat ou le préfet. « Je ne suis pas certaine que nous ayons besoin de modifier les textes législatifs comme la loi Montagne ou Littoral, ou bien encore créé de nouveaux dispositifs de planification. Ce qui pose problème, c’est leur application archaïque par les services de l’Etat ! Les élus doivent rappeler à l’administration qu’ils sont là pour appliquer les textes dans l’esprit de la loi, ni plus ni moins » conseille Audrey Linkenheld, ancienne députée (PS) du Nord.