YvanLubraneski_Molieres
© Photo Daniel Brochier
À un an des élections municipales, des dizaines de maires signent un appel à destination des citoyens afin que ces derniers réinvestissent la commune en y portant des projets collectifs. Président des maires ruraux de l'Essonne et premier édile des Molières (2 000 habitants), Yvan Lubraneski fait le pari que ce regain de participation réhabilite l'échelle communale, avec par effet boule de neige « un impact sur les manières de faire au sein des intercommunalités qui ne sont pas toujours des modèles démocratiques ». Interview.
Courrier des maires : Pourquoi cet appel ? Quel a été l’élément déclencheur ?
Yvan Lubraneski : Il n’y a pas qu’un élément déclencheur. Mais ce qui est certain, c’est que nous sommes de plus en plus nombreux, en tant qu’élus, à avoir des choses à dire sur la richesse de ce que peut apporter la participation citoyenne au sein des communes. C’est en fait logique de se dire que lorsque l’on mène des projets au nom des habitants, c’est mieux de les inclure ! D’ailleurs les bénéfices sont nombreux.
Aux Molières, la pratique pendant ces cinq dernières années de la démocratie participative nous a ainsi permis de réduire le nombre de contentieux dans la commune mais aussi d’enrichir de nombreux projets grâce aux idées et initiatives de nos habitants, des plus petits aux plus âgés. On s’est également rendu compte, qu’à chaque fois que nous, commune, mettions en débat un nouveau thème, nous faisions sortir de chez eux des habitants qui jusque là ne s’investissaient pas pour l’intérêt général.
Vous avez des gens qui se « déclenchent » sur un sujet particulier, comme par exemple l’alimentation et la production locale. Et c’est aussi le sens de notre appel, nous voulons, à un an des municipales, « booster » le nombre des personnes prêtes à œuvrer pour l’intérêt de tous à l’échelle de la commune. Nous misons avec notre site internet « des communes et des citoyens » sur l’intelligence collective et sur le fait que plus que le collectif est nombreux, plus les idées seront bonnes. Mais c’est parfois un combat d’expliquer cela… notamment au sein des associations d’élus.
Pourquoi cette frilosité parmi les élus ?
Y.L. : La politique s’est construite sur un rapport de force, et ce depuis qu’un homme préhistorique s’est mis devant une grotte et a dit « ici c’est chez moi, si tu rentres je te mets un coup de gourdin ! » Finalement, les choses n’ont pas beaucoup évolué depuis… mais, je crois que l’on arrive à un niveau civilisationnel où l’on aspire à d’autres systèmes que ce simple rapport de force. Ceux qui croient que l’on peut toujours, au 21 ème siècle, assurer un leadership sur de la rétention d’informations dans un cercle fermé se trompent. Et ce que nous vivons aujourd’hui en est la preuve.
Mais c’est vrai aussi qu’il y a aujourd’hui un décalage énorme entre ce que dit la loi stricto sensu et ces nouvelles aspirations qui émergent ! Car dans les textes, un conseil municipal n’a pas d’autres obligations que d’inviter les citoyens aux réunions du conseil et de publier des comptes rendus ! Pourtant, je crois qu’il est nécessaire d’aller plus loin. Comme je dis souvent : « ce qu’il y a dans la loi, on le respecte, mais ce qui n’y est pas, on l’invente ! »
Et les bénéfices pour les maires qui s’ouvrent à la démocratie participative sont énormes : vous gagnez des gens prêts à investir du temps sur des projets auxquels ils croient et sur lesquels vous n’auriez pas forcément eu le financement pour mettre un agent municipal. Et plus vous êtes nombreux, plus vous pouvez partager les tâches ! Cela marche à l’échelle d’un village, mais aussi à l’échelle d’un quartier. Il ne s’agit pas de faire sécession dans la ville mais d’être en construction, notamment pour impacter les pratiques au niveau de l’intercommunalité qui en sont pas toujours des modèles démocratiques.
Pour vous, il y a un problème avec l’intercommunalité ?
Y.L. : Aujourd’hui, les maires - et plusieurs enquêtes l’ont montré ces derniers mois - se sentent de plus en plus isolés dans leurs missions, ils font face à des problèmes dont les solutions leur échappent car elle sont gérées au niveau de l’intercommunalité et le pire c’est que sur le terrain, ils se font engueuler ! Comment vous faîtes pour expliquer que le camion poubelle ne passera plus au bout de la rue, parce que onze bonshommes à 100 km de là, au sein de l’intercommunalité, l’ont décidé comme cela ?
Nous pensons que si nous faisons des habitants de nos communes des citoyens adultes impliqués - et non plus de simples consommateurs de service, critiques - au fait des freins et des accélérateurs sur tel ou tel projet, il devient de plus en plus compliqué à l’échelle intercommunale de décider dans un bureau aux portes closes entre deux ou trois personnes ! Et c’est grâce à ces communautés de citoyens à l’échelle communale que vous pouvez injecter plus de démocratie à l’échelle intercommunale et supra-communale : agir au local mais penser global.