Des « Ciseaux d’or » pour le redécoupage cantonal

Denis Solignac

Les conseillers généraux de droite et du centre ont décerné les « Ciseaux d’or du tripatouillage électoral » pour dénoncer le « charcutage » de la carte cantonale, à l’occasion de son redécoupage.

« Vous pouvez supprimer les cantons, vous ne supprimerez pas les élections ! » Pour François Sauvadet, député UDI et président du conseil général de la Côte-d’Or, et Bruno Sido, sénateur UMP et président du conseil général de la Haute-Marne, la remise des « Ciseaux d’or du tripatouillage électoral », à l’Assemblée nationale, le 20 novembre, est l’occasion de dénoncer, avec le soutien d’une vingtaine de conseillers généraux de droite, du centre et indépendants, la nouvelle carte des cantons.

La loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral a pour conséquence le remodelage de la carte cantonale. Elle organise les élections par binômes, homme-femme et prévoit que le redécoupage cantonal s’organise sur des bases démographiques, avec une latitude de + ou - 20 % par rapport à la moyenne de population du département. Les nouvelles cartes cantonales, en cours de présentation aux conseils généraux suscitent des remous dans de nombreux conseils généraux.

« C’est la mise à mort des territoires ruraux, on ne laissera pas faire sans dénoncer » , s’indigne François Sauvadet, qui dénonce un « tripatouillage d’une telle ampleur, assumée par le PS, qui ne fait pas honneur à la République » et une absence de concertation avec les élus.

Charcutage
Selon Bruno Sido, parlant de « charcutage qui ne respecte rien », « le gouvernement s’arrange pour contourner le suffrage universel », exemples à l'appui avec la remise des Ciseaux d’or.

Ainsi, dénoncent les élus, certains nouveaux cantons urbains sont moins peuplés que la moyenne départementale, alors que des cantons ruraux sont plus peuplés que cette moyenne, ce qui, selon eux, est contraire à l’esprit de la loi. Ce serait le cas en Loire-Atlantique, lauréate de la catégorie « ciseaux métropolitains » et dans les Deux-Sèvres, « ciseaux ruralicides ».

Ils dénoncent également des cantons ruraux d’une superficie démesurée, comme dans l’Archèche. La catégorie « ciseaux fous et puzzle territorial », remise à la Haute-Saône, est l’occasion de dénoncer l’absence de respect des limites des intercommunalités, des bassins de vie et des circonscriptions législatives. Quant aux « ciseaux droiticides », remis à l’Ariège, ils dénoncent un découpage qui fait fusionner des cantons détenus par la droite dans des cantons de gauche.

Nombreux recours
« Il devrait il y avoir de nombreux recours », s’exclame François Sauvadet. Il appelle les maires et conseillers généraux à examiner la carte et à déposer des recours auprès du Conseil d’Etat. Les Deux-Sèvres ont d’ailleurs déjà déposé un premier mémoire au Conseil d’Etat. L’espoir de François Sauvadet est que la décision du Conseil d’Etat empêche la sortie du décret définitif prévu pour mars prochain au plus tard.

Claudy Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France (ADF), qui glisse que « beaucoup de présidents de droite sont allés, sans rien dire, négocier avec le ministre de l’Intérieur ou ses conseillers », estime qu’un gouvernement de droite mettant en place la réforme de Nicolas Sarkozy créant les conseillers territoriaux, aurait dû, de la même façon, appliquer des critères démographiques respectant la règle des + 20 %, - 20 %.

Soulignant que le futur conseil départemental fera une politique départementale et non cantonale, il souhaite par ailleurs que les cantons s’appellent circonscriptions départementales, le canton n’étant aujourd’hui plus que « la circonscription électorale du conseiller général », sans autre contenu réel. « Lorsque l’on a les ciseaux, la tentation est grande de faire un découpage politique, reconnaît Claudy Lebreton. Mais jamais un mode de scrutin n’a fait une majorité. Les Français s’adaptent très vite. Et quand ça doit changer, ça change. »

Fraction « bourg-centre » et services publics

Une question orale de Jean-Claude Carle, sénateur UMP de Haute-Savoie, le 19 octobre, a donné l’occasion au gouvernement de préciser les incidences financières de la nouvelle carte cantonale.

Fraction bourg-centre
Selon le gouvernement, la question de la répartition de la première fraction, dite « bourg-centre », de la dotation de solidarité rurale pour les communes perdant leur qualité de chef-lieu de canton et pour celles qui ne rempliraient plus le critère de la part de la population communale dans la population cantonale, ne se posera vraiment qu’en 2017, « la qualité de chef-lieu de canton [étant] maintenue aux communes qui la perdent jusqu’au prochain renouvellement général des conseils départementaux, soit en 2015. Or, l’éligibilité aux trois fractions de la DSR étant appréciée sur la base des données connues au 1er janvier de l’année précédant celle de la répartition, la nouvelle carte cantonale n’aura donc d'incidence sur cette dotation qu’à compter de l’année 2017, année au cours de laquelle sera prise en compte la situation des communes au 1er janvier 2016 ». Au congrès des maires, Jean-Marc Ayrault s’est engagé, le 19 novembre, à ce que « l’évolution de la carte cantonale n’ait aucune incidence » sur ces éléments, sans donner de date butoir.

Services publics
Concernant l’implantation des institutions d’Etat et des services publics, dont certains craignent la raréfaction entraînée par des cantons dont la superficie augmente, le Premier ministre a rappelé que des schémas départementaux de l’implantation des services publics seront rendus obligatoires par la loi de centralisation et que leur élaboration sera assurée par les préfets et les conseils généraux. En outre, d’ici 2017, 1 000 maisons de service public seront financées, avec un fonds doté à terme de 35 millions d’euros.

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