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Dans son rapport, présenté en ouverture du séminaire gouvernemental sur la France en 2025, le commissaire général à la stratégie et à la prospective, Jean Pisani-Ferry (photo), appelle à « clarifier l’organisation territoriale du pays ». Pour donner notamment aux métropoles les moyens de développer leur attractivité, tout en limitant l’étalement urbain.
Si la France, dans douze ans, sera plus « plus vieille, plus petite et moins riche », elle sera aussi « plus urbaine », assure le commissaire général à la stratégie et à la prospective, dans sa note « Quelle France dans dix ans ? », présentée lors du séminaire gouvernemental, ce 19 juillet 2013. « Si certains ont récemment parlé d’une tendance probable vers un dépeuplement des grandes agglomérations au profit d’un retour vers les campagnes, cette idée a désormais vécu", assure-t-il. "Les grandes villes, si elles savent gérer leur développement, poursuit Jean Pisani-Ferry, resteront hautement attractives pour la population du fait de leurs atouts en termes d’emploi, de services et de loisirs. »
[caption id="attachment_20893" align="alignleft" width="243"] Lotissements à Laissac (Aveyron).[/caption]
Cette urbanisation croissante ne serait pas un mal, si elle ne s'accompagnait pas d’un « étalement des villes », « source de dégradation de l’environnement en raison de l’artificialisation des sols (réduction de la biodiversité, pollution des eaux, etc.) et de la congestion des réseaux de transports », écrit l’économiste.
Autre « dommage collatéral », selon lui, de cet étalement urbain : la « dissociation entre les habitants des centres urbains, qui appartiennent souvent aux couches aisées, et les couches sociales paupérisées de la zone périurbaine».
Une clarification en faveur des grandes villes
Pour y remédier, le commissaire général préconise une « clarification » dans « l’organisation territoriale du pays et la définition des compétences des collectivités décentralisées ». « Qu’il s’agisse de transports, de logement ou de développement économique, l’enchevêtrement des responsabilités empêche la France de tirer pleinement parti du potentiel de croissance de ses régions. C’est en particulier le cas pour les grandes villes », observe-t-il.
Tout en reconnaissant la difficulté de toute réforme des responsabilités locales (« les obstacles à une redéfinition des compétences sont connus », glisse-t-il, sibyllin), Jean Pisani-Ferry préconise « l’attribution à chaque niveau d’administration de blocs de compétences identifiés en sorte que chaque acteur dispose des moyens de ses responsabilités et rende des comptes de la manière dont il les exerce ». Une recommandation pas tout à fait dans la lignée du projet de décentralisation en cours de discussion au Parlement et qui rétablit la clause de compétence générale au profit des régions et des départements…
Adapter la fiscalité locale
En revanche, une fois les compétences définies pour chaque strate territoriale, Jean Pisani-Ferry se prononce pour une décentralisation avancée, à l’opposé d’une « tradition volontiers jacobine, hiérarchique et réglementaire [qui] ne se prête pas spontanément à la logique de coopération et de partenariat caractéristique des économies et des sociétés modernes ». Et le commissaire général d’appeler de ses vœux l’émergence de « pôles d’impulsion » dont les acteurs, au premier rang desquels les collectivités locales, « disposent d’une grande latitude dans leurs modalités d’action au service de finalités définies ».
A titre d’exemple, l’économiste, également à la tête du comité de suivi du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), loue le programme des investissements d’avenir, « qui combine adaptation au contexte et rigueur des procédures, offre à cet égard un exemple très instructif ».
Enfin, afin de favoriser plus précisément la nécessaire densification, à ses yeux, « des populations et des activités » au sein des métropoles, ce dernier appelle de ses vœux « l’adaptation de la fiscalité locale aux nouvelles réalités urbaines et sociales ».
Une « fracture territoriale » en germe dans la métropolisation ?
Prenant la parole devant la presse à l’issue du séminaire, le Premier ministre a peu évoqué le volet territorial de cette stratégie à venir pour 2025, si ce n’est pour annoncer qu’il s’apprêtait, « dès septembre, [à] relancer la négociation, avec les régions, des contrats de plan Etat-régions pour l’aménagement du territoire pour la période 2014-2020 ».
Le chef de l’Etat assure, lui, que l’un des cinq objectifs prioritaires dans « une stratégie à dix ans » consiste à « faire de notre territoire un levier de développement ». Ironie de l’histoire : si François Hollande a évoqué lui aussi le rôle moteur des grandes villes, c’est pour mieux souligner en creux le risque que cette attractivité urbaine fait peser sur tout le reste du territoire. « La fracture territoriale est là : d’un côté des métropoles dynamiques de l’autre des quartiers délaissés, des zones péri-urbaines de plus en plus éloignées des centres, des espaces ruraux abandonnés.
Ainsi, l’objectif de « rendre accessibles les villes » fait bien partie du « cap stratégique » annoncé par le chef de l’Etat pour le développement des territoires, mais ce sont les espaces hors-métropoles qui ont occupé majoritairement son discours. Le président de la République invoque en effet la nécessité « d’installer des activités sur l’ensemble du pays, de mettre le numérique à la disposition de tous, de créer une économie circulaire, de rénover les réseaux de transport et de maintenir une agriculture de qualité. Bref, de réinventer l’aménagement du territoire », ambitionne-t-il.