Démocratie participative : pas si simple ! alertent les élus locaux

Aurélien Hélias

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Démocratie participative : pas si simple ! alertent les élus locaux

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Si la démocratie participative semble être devenue un outil « incontournable » de notre société, les élus ont pointé du doigt le 22 février au Sénat les difficultés liées à son exercice au quotidien. L’enjeu ici étant finalement une co-construction des projets et non une validation de projets déjà ficelés.

Comment expliquer les blocages que nous connaissons actuellement, comme celui du chantier de l’aéroport de Notre Dame des Landes ? Quels sont les besoins réels des Français en termes de démocratie participative ? Qu’est ce qui fonctionne le mieux sur le terrain ? Voici les questions auxquelles étaient invités à répondre les représentants des principales associations d’élus des territoires (ARF, ADF, AdCF et AMF) par les sénateurs, en charge de les auditionner dans le cadre de la mission d’information « Démocratie représentative, démocratie participative, démocratie paritaire : comment décider avec efficacité et légitimité en France en 2017 ».

Des citoyens mieux éduqués, mieux informés

Et s’il y a au moins un point qui fait consensus chez ces élus de terrain, c’est peut-être celui du changement de société que nous vivons ces dernières années – avec notamment la révolution numérique- et la montée de la défiance des citoyens envers les politiques.

« Nous vivons une crise de légitimité, avec en parallèle un foisonnement de démarches et d’initiatives citoyennes » pointe Charles Fournier, vice-président de la région Centre-Val-de-Loire (ARF).

Bertrand Pancher, maire de Bar-le-Duc (AMF) enfonce le clou : « s’il y a 15 ans, cette démarche de la démocratie participative pouvait encore poser question, aujourd’hui elle ne fait plus débat ». Aussi face à de citoyens « mieux formés, mieux éduqués et plus informés », la démocratie participative s’impose désormais comme outil de la vie politique.

Une consultation la plus large possible

Mais dans les faits, mettre en œuvre une démocratie participative et/ou une consultation efficace s’avère être un exercice compliqué et éreintant, rapportent ces élus des territoires. Et l’un des premiers problèmes semble être celui de toucher un public plus large que « ceux qui sont directement concernés, et ceux que l’on appelle la minorité agissante ».

« Il y a tout une partie de la population que nous devons aller littéralement chercher, explique Loïc Cauret (AdCF), président de la communauté de communes Lamballe, Terre et Mer. Le maire croit qu’il connaît tout le monde car il échange avec les associatifs et les parents d’élèves, mais c’est faux ! Il faut aller vers ces invisibles, ces citoyens des périphéries, des lotissements qui ne participent pas à ces consultations ». Et l’élu de remarquer au passage le hiatus existant entre le souhait affiché des Français de participer à la vie publique et la réalité de leur passage à l’acte…

Et si aujourd’hui, les grands projets environnementaux font presque toujours l’objet d’une consultation publique - plus ou moins réussie-, reste que la majorité des travaux d’urbanisme sont passés à la trappe, remarque Bertrand Pancher de l’AMF. « Il faudrait aussi consulter pour ces projets-là, c’est important » lance-t-il aux sénateurs. D’autant que pour Loïc Cauret avec des communautés de communes qui portent désormais des budgets conséquents (70 millions d’euros en fonctionnement, 20 millions d’euros en investissement pour 70 000 habitants pour Lamballe Terre et Mer) se pose la question de « la légitimité » de cette strate territoriale qui n’est « pas élue au premier degré ».

La co-construction ou le changement de paradigme

Quant à la question soulevée par les sénateurs sur les freins rencontrés dans le cadre de grands projets et notamment la multiplication des recours judiciaires, Alexandrine Leclerc, vice-présidente du Loiret (ADF) note effectivement « une judiciarisation de la société. Mais si un projet est bien ficelé, bordé et justifié, même si cela prend plus de temps, il se fera ». Alexandre Touzet maire de Saint-Yon dans l’Essonne (AMF) remarque néanmoins « un déséquilibre dans le principe général du droit, car il n’existe que peu de dispositifs faisant supporter le coût et les conséquences du recours à celui qui le demande. ».

Pour autant la plupart de ces élus expliquent qu’il faut apprendre à travailler avec ces citoyens devenus parfois « experts » et que tout l’enjeu est désormais dans la co-construction des projets.

« La démocratie, doit aussi tenir compte des « contre », il faut savoir comment on construit dès le diagnostic une question commune, pour ne plus mettre, comme on le voit aujourd’hui, à la question quelques chose de déjà décidé, comme par exemple une ligne LGV où le choix des habitants ne peut porter que sur les scenarii du tracé. C’est cela qui donne aux citoyens le sentiment que c’est tronqué » argue Charles Fournier de l’ARF.

Décision et démocratie, valse à deux temps

« Avant, être un maire bâtisseur était forcément bien vu, aujourd’hui les citoyens sont très critiques vis-à-vis de ces dépenses publiques, détaille Bertrand Pancher, il peut donc être intéressant de prendre en compte, le plus en amont possible, la concertation tous les éléments de défiance. » D’ailleurs pour Loïc Cauret « même si vous avez une bonne idée, très aboutie techniquement, s’il n’y a pas de solidarité sur le projet, il peut y avoir de gros dégâts au niveau local ».

C’est donc un réel changement de paradigme, celui de la co-construction, qui est ici esquissé avec une limite : le raccourcissement des délais entre la concertation, la validation et le début des travaux. « Parfois il peut se passer 5 ou 10 ans, note Bertrand Pancher, et au bout de tout ce temps, le problème posé initialement n’est plus le même, les enjeux non plus. C’est aussi pour cela qu’il y a des contestations sur certains projets aujourd’hui, comme à Notre-Dame-des-Landes, où pour certains le nouvel aéroport ne se justifie plus. »

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