Décentralisation : les trois grandes associations d’élus font bloc contre l’exécutif

Aurélien Hélias
Décentralisation : les trois grandes associations d’élus font bloc contre l’exécutif

Dominique Bussereau (ADF), François Baroint (AMF) et Hervé Morin (RF) le 10 avril à Paris

© twitter amf

Chose rare : les associations représentatives des régions, départements et communes de France ont pris la parole en commun le 10 avril pour dénoncer une politique de recentralisation qui serait à l’œuvre sous le quinquennat d'Emmanuel Macron, bien trop jacobin à leur goût. Dans leur ligne de mire : les contrats financiers Etat-collectivités mais aussi la stratégie de la montre utilisée par l’exécutif sur d’autres dossiers qui restent au point mort…

« Il ne suffit pas de faire le journal de 13 h de Jean-Pierre Pernaut dans l’Orne pour découvrir ce que font les collectivités locales! ». Pas avare d’une pique envers l’exécutif et plus précisément le chef de l’Etat, le président de Régions de France avait pris l’initiative et obtenu - chose rare - de ses homologues de l’AMF et de l’ADF de tenir conférence de presse commune ce mercredi 10 avril pour mieux contester la recentralisation en cours selon eux.

Passablement échaudé par une réforme de l’apprentissage qui n’est pas celle que Régions de France souhaitait, le patron (UDI) de l’exécutif normand a multiplié les exemples de dossiers sur lesquels l’Etat ferait preuve « d’un logiciel purement jacobin » : formation professionnelle, non-respect des engagements financiers sur les contrats de plans Etat-région - « jamais l’exécution des contrats de plans n’a été aussi médiocre », l’Etat n’aurait assuré que 25 % de ses engagements - , blocage du financement par les services de l’Etat du programme Leader, plan Action cœurs de villes qui ne serait que « du recyclage de crédits existants »…

Des contrats qui n'en seraient pas... et qui ne passent pas

Mais c’est bien contre la contractualisation financière que le président de l’ARF avait fédéré les deux autres grandes associations d’élus. Assurant que les régions tiennent pourtant le +1,2 % de plafond d’évolution annuelle des dépenses de fonctionnement, l’ex-ministre ne veut pas « recevoir de leçons sur la bonne gestion : de 2015 à 2018, l’Etat a augmenté ses dépenses de 41 milliards la sécurité sociale de 55 milliards et les collectivités locales de 3 milliards ! »

Un "deux poids deux mesures" qui s’ajoute au refus du principe même du contrat, « qui n’est pas un contrat mais un encadrement, une mise en coupe réglée » qui se double d’une « réunionite » improductive, dénonce François Baroin. Et le président de l’AMF d’enrager contre les 10 milliards d’économies qui se sont transformés en 13 milliards le jour de la première CNT et des 22 000 communes qui verraient leur niveau net de dotation diminuer en 2018, malgré les engagements de l’exécutif, par le jeu des différents mécanismes de péréquation. Les collectivités « intermédiaires », qui ont un budget entre 70 à 150 millions d’euros, auront du mal à tenir le taux de 1,2 %, prévient le maire (LR) de Troyes.

« Les collectivités locales vont contribuer dans les cinq années à venir, 2018-2022, à un désendettement de la France à hauteur de 50 milliards, alors que l’État va accroitre l’endettement du pays de 330 milliards d’euros. », vont même jusqu’à assurer les trois associations.

Appel à poser le stylo

Comme la centaine de départements représentés par l'ADF, les 18 membres de Régions de France ont  décidé à l’unanimité de ne pas signer pour l’heure les contrats financiers avec l’Etat. L’AMF laisse pour sa part ses membres concernés – soit près de 200 grandes villes, métropoles et agglomérations sur les 322 collectivités concernées – en décider. « Elles feront ce qu’elles voudront », a glissé François Baroin, tout en les encourageant à ne rien parapher… même si plusieurs se sont montrées assez allantes la semaine dernière au journées de France urbaine.

Les exécutifs régionaux devraient eux bientôt réunir « l’ensemble des collectivités soumises à cette contractualisation et leur demander la solidarité » a évoqué Hervé Morin, à savoir ne pas signer « même si certains élus semblent pressés » de le faire…

Dérogations sur le décompte des dépenses : un long inventaire

Et les trois associations d’élus de lister dans un document commun l’ensemble des dépenses qu’elles voudraient voire sorties du périmètre de calcul des dépenses de fonctionnement : celles induites par des décisions unilatérales de l’Etat, les dépenses de fonctionnement « vertueuses » car déclenchant directement ou indirectement des investissements, d'autres pour lesquelles les collectivités n’auraient « qu’un rôle de gestion des fonds reçus » et mêmes ces dépenses « financées par es collectivités pour pallier le désengagement de l’Etat », la liste est longue… « On en est même à demander aux chambres régionales des comptes de faire l’intermédiaire avec l’Etat », poursuit François Baroin, qui évoque des collectivités sur le poitn de signer car « craignant des mesures de rétorsion ».

Plus largement, c’est l’absence d’avancée sensible sur les dossiers intéressant le secteur public local qui pousse les trois associations d’élus à faire cause commune. « Nous avons de la bonne volonté. Le dialogue avec l’Etat est agréable, courtois, sympathique, les occasions de rencontrer Emmanuel Macron et ses ministres, nombreuses, mais nous n’avons aucune réponse à nos demandes», déplore le patron des départements, Dominique Bussereau (ex-LR). Pour l’ADF, c’est en l’occurrence l’absence d’avancée notable sur le financement des allocations individuelles de solidarité et la prise en charge des mineurs étranges isolés qui est en cause.  Pour l’AMF, ce sont les coupes dans les emplois aidés qui ne passent toujours pas. « Les collectivités locales ne sont pas les sous-traitantes de l’Etat », a renchéri, une nouvelle fois, Hervé Morin.

Les dossiers polémiques mis sous le tapis

AMR, ADF et Régions de France avaient donc décidé de mettre sous le tapis le temps d’une conférence de presse, voire plus ce qui les séparent. Hier, c'était le transfert de la compétence économique en quasi-totalité aux régions qui étaient demandeuses, ce que les départements ne voulaient pas entendre, jusqu'à attaquer la circulaire d'application de la loi Notre devant le Conseil d'Etat. Aujourd’hui, c'est la proposition du comité des finances locales présidé par le n°2 de l’AMF, André Laignel, qui propose ni plus ni moins que de transférer aux communes la part départementale de la taxe sur le foncier bâti pour mieux compenser la perte des recettes de taxes d’habitation dans la future réforme de la fiscalité locale, ce qui ne plait guère aux élus départementaux…

Manifestement, la défense des « libertés locales » vaut bien cela et l’union devrait rester de mise au moins jusqu’à la prochain Conférence nationale des territoires de fin juin, début juillet, conférence que le triumvirat associatif pourrait comme un seul homme décider de… boycotter. Mais qu’on ne vienne pas dire à François Baroin que le trio rassemble des « ronchons » : « Nous ne sommes pas des pleureuses qui se drapent dans une vertu outragée. On ne nous mettra pas dans la case de la France d’avant, de ceux qui ne servent à rien, s’en mettent plein les poches et passent leur temps à faire des ronds-points, a asséné le patron de l’AMF. Nous sommes des élus de la Nation qui ont un sens élevé de leurs responsabilités ».

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