Débats d'orientation budgétaire : discuter des enjeux financiers sur le fond et y mettre les formes

Hugo Soutra
Débats d'orientation budgétaire : discuter des enjeux financiers sur le fond et y mettre les formes

Budget, finances, calculette

© Flickr-CC-K.Teegardin

La plupart des collectivités ont déjà voté leurs budgets 2018. Une formalité pour l’écrasante majorité d’entre elles, en l’absence de débats de fond. Pour les élus d'opposition, siéger au sein de la commission des finances "permet pourtant d'entrer dans le cœur du fonctionnement de l'institution".

L’enjeu

Les maires et présidents d’exécutifs pilotent généralement eux-mêmes les commissions des finances en charge d’élaborer le budget, lorsqu’ils ne délèguent pas leur pouvoir à leur adjoint en charge des finances. Faute de réelle séparation des pouvoirs, ces groupes de travail ne font guère contrepoids à l’exécutif. Certains élus vont toutefois délibérément plus loin que l’article L. 2121-22 du CGCT accordant un simple droit de « représentation » aux élus de l’opposition. S’inspirant de ce qui est devenu la norme à l’Assemblée nationale depuis 2007 et au Sénat depuis 2011, ils accordent la présidence des commissions des finances à des adversaires. Encouragés par les chartes de l’Association des élus locaux d’opposition (AELO) et d’Anticor, de tels comportements commencent à faire des émules, du moins au niveau régional (Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est, Ile-de-France, Nouvelle Aquitaine). La pratique reste rare dans les municipalités : même Gilles Carrez, ex-président (LR) d’une commission des finances à l’Assemblée nationale, n’a pas ouvert cette fonction à l’opposition dans sa commune du Perreux-sur-Marne.

La parole aux opposants

Accorder la présidence de la commission des finances à un élu d’opposition représente, en soi, un geste symbolique fort. Mais lorsqu’il s’accompagne de droits d’investigation, son intérêt dépasse le simple caractère prestigieux. De loin. Une aubaine qui ne doit pas faire oublier, pour autant, l’éthique de responsabilité à laquelle elle oblige : « Les réunions de la commission des finances ne servent pas à « refaire le match » des plénières, mais à éclairer la décision des élus et contrôler la majorité si elle va à l’encontre de l’intérêt général. C’est une instance technique plus que politique », décrypte Olivier Chartier, conseiller régional (LR) de la Nouvelle Aquitaine dirigée par Alain Rousset (PS).
Une source d'infos. Elle permet toutefois à l’opposition de « vérifier le niveau d’endettement ou les éventuels emprunts toxiques de la collectivité, et ainsi de récupérer des informations stratégiques permettant de fournir une critique argumentée », témoigne Gérard Lannelongue, opposant (LR) de Philippe Saurel (DVG) à Montpellier. Observant les efforts de la majorité pour ne pas augmenter les impôts ou contenir les dépenses de fonctionnement, il se montre souvent moins critique que l’autre opposante (UDI). « Des ayatollahs de mon propre camp ont cru que je perdrais mon libre arbitre politique , se souvient pour sa part Michel Gabas, conseiller départemental (LR) du Gers, mais je ne regrette pas d’avoir accepté la proposition de Philippe Martin : cette présidence m’a permis d’entrer dans le cœur du fonctionnement financier de l’institution départementale. » Tous préconisent aujourd’hui la systématisation d’une telle « avancée démocratique ». Ou, à tout le moins, d’encourager la généralisation de ces « contre-pouvoirs aux mains des oppositions » au niveau des départements et des régions.

« C’est un progrès, dont il faut néanmoins relativiser la portée »

Danielle Soury, élue d'opposition (FG) à Limoges et présidente de la commission des finances au titre de l'application de la charte Anticor

« En tant que non-professionnelle de la politique, la présidence de la commission des finances est une aubaine ! Elle m’offre un accès à l’information budgétaire ainsi qu’à l’expertise des services techniques. Des avantages dont je ne disposerai pas en tant que simple membre. Cela dit, parler de la « présidence » est presqu’un abus de langage : la majorité compose l’essentiel de la commission qui n’a, de toute façon, qu’un pouvoir consultatif. Je ne dispose ni d’aides matérielles ni de moyens d’investigation, pourtant nécessaires pour étudier des alternatives, bâtir une contre-expertise et faire vivre un débat démocratique contradictoire. Je ne nie pas que cela va dans le bon sens, mais il faut relativiser la portée de ce progrès. Que la majorité gouverne, c’est légitime ; il est moins normal qu’elle dispose des pleins pouvoirs. Les maires qui font ce geste ne rompent pas totalement avec la monarchie municipale. »

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