96e congrès
© S. Gautier
Deux temps forts des débats hier : la fusion des communes dans le but d'en réduire drastiquement le nombre, hypothèse présentée comme une nécessité par Agnès Verdier-Molinié ; et le discours du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault.
La directrice de l’Institut français pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (IFRAP), Agnès Verdier-Molinié, a suscité une vive réaction des élus en plaidant pour une suppression massive des municipalités existantes.
Réactions d’élus
Jean-Paul Gosselin, président de la communauté de communes Côte des Isles (50)
Irréel. « Le débat m’a paru un peu irréel. Les communes de moins de 300 habitants n’ont aucune possibilité de créer des services. Elles ont un maire dévoué et c’est tout. Les services qui ont le plus de valeurs sont exercés par la communauté de communes. Le problème est que ces communautés ne sont pas identifiées par les habitants. Mais maintenant les conseillers seront élus au suffrage universel direct, en même temps que les conseillers municipaux. Cela changera les obligations des communautés. Auparavant, il fallait rendre compte aux conseils municipaux, pas très intéressés le plus souvent. Maintenant, il faudra rendre compte directement aux électeurs.
Je ne dis pas qu’il n’y a pas besoin d’un maire, premier contact pour la population, mais qu'il doit être assis sur les services fournis par la communauté de communes. Nous étions proches de la fusion, il y a deux ans. Mais les contraintes de la loi littorale se seraient alors imposées à toutes les communes, à dix kilomètres à l’intérieur des terres.
Les réactions ici ont été épidermiques. Ce sont des discours du passé. On assiste en réalité à un changement de mentalité. Vraisemblablement, les prochains élus seront très différents. Les “rurbains” qui s’investissent dans les petites communes attendent davantage de services. Ils mutualiseront, affronteront des contraintes financières, administratives, d’ingénierie qui obligeront à travailler ensemble. »
Mireille Auquier, adjointe à Beaumont-de-Pertuis (84), communauté territoriale Sud Luberon (Cotelub)
L'interco, pas les fusions-absorption. « Sans interco, il n’y a pas de politique petite enfance, sportive, de traitement des ordures ménagères. Je suis pour l’interco. Mais pas pour des fusions qui signifieraient l’absorption des communes. D’accord pour des économies, mais elles se feront à travers l’intercommunalité. Je ne suis pas non plus pour la disparition des départements. Et les métropoles font peur. Que ferions-nous dans la métropole de Marseille ? Pour y aller, il faudrait un référendum. On vit bien dans notre interco… »
Michel Collorec, adjoint aux travaux, Audierne, CC du Cap Sizun (29)
Réformer et expérimenter. « Il faudra une réforme des structures et bien définir les compétences. Chaque feuille du mille-feuille devrait avoir ses propres compétences. Il faudrait aussi faire de l’expérimentation, respecter la diversité des territoires. Ici, je trouve les maires crispés. C’est une chance d’être maire, et l’interco est notre affaire. Il faut aller vers la mutualisation. Il nous faut des compétences face aux bureaux d’études, aux services. Par contre, je ne suis pas pour le PLUI. La fusion des communes n’est pas évidente. La commune deviendrait un lieu-dit. Il faudrait un référendum local. »
Le discours du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, au-delà des réactions épidermiques de nombreux élus, a été assez diversement apprécié par l'auditoire.
Réactions d’élus
Daniel Hoeffel, ancien ministre, ancien président de l’AMF
Républicain. « Le Premier ministre s’en sort mieux que je ne pensais. Cette rencontre entre Jacques Pélissard et Jean-Marc Ayrault est très utile. Dans une période de forte tension, il est bon qu’il y ait tout de même un dialogue républicain.
Alors que les lieux de dialogue se rétrécissent, l’AMF assume pleinement sa vocation. Chaque maire porte une responsabilité de fédérateur, de conciliateur. C’est pourquoi il est difficile de transformer une salle de congrès en arène où l’on s’affronte sans pitié. L’AMF a donc pleinement joué son rôle d’institution où le dialogue républicain peut encore être réalisé ».
Daniel Dugléry, maire de Montluçon (03)
Pas de grand projet. « Jacques Pélissard a été particulièrement bon en explicitant devant le Premier ministre, tout en restant républicain, les difficultés des maires. Depuis que je suis élu, je n’ai jamais connu une situation aussi difficile, avec la baisse des dotations, et les prescriptions dont on nous charge. J’ai 600 000 euros de DGF en moins et 500 000 à 600 000 euros de charges avec les rythmes scolaires.
La réponse du Premier ministre n’a pas été à la hauteur. Il n’a pas de grand projet, pas de réforme. Il a annoncé un fonds de dotation pour les rythmes scolaires pour apaiser les maires. Mais il coûtera beaucoup au gouvernement. En septembre prochain, nous serons obligé de gesticuler. Nous pouvons adapter les temps scolaires, mais les élus se battent à cause de ce qu’on leur demande pour le périscolaire, qui n’apporte rien à l’éducation. Il faudrait avant tout revoir les programmes scolaires ! »
Pierre Jarlier, sénateur, maire de Saint-Flour (15)
Il faut des mesures exceptionnelles. « Les maires attendent des réponses, certes. Mais je regrette un discours qui n’évoquait pas le contexte de crise sans précédent que nous connaissons. J’attendais le lancement d’un grand chantier de réformes dont nous avons besoin. Le Premier ministre a bien balayé nos préoccupations, répondu concrètement, mais je suis étonné qu’il n’y ait pas eu de remise en situation.
A difficultés exceptionnelles, il faut des mesures exceptionnelles. L’enjeu véritable est la modernisation de nos institutions. Il est essentiel de rappeler que le premier échelon démocratique est la commune et que le maire est au centre du lien social, de la vie collective. Le Premier ministre est coincé car la réforme est engagée mais ses premiers éléments ne changent rien. Il n’y a plus de clarification des compétences. On s’interroge encore sur le rôle des cantons, alors que services et développement économique viennent des intercommunalités. Il faut le dire et le réaffirmer. »
Chantal Roussel, adjointe à Antoingt (300 hab., 63)
Nous débrouiller. « Je suis choquée par la grossièreté de ceux qui ont sifflé le Premier ministre. Sur le fond, je n’attendais pas grand-chose d’autre. Il a été rassurant mais il nous faudra nous débrouiller. Dans une petite commune comme la mienne, l’impact économique de la crise n’est pas terrible mais même à notre échelle, la remise en cause d’un projet étrangle l’emploi. Si je renonce à installer des chauffages dans l’école, c’est un problème pour le plombier.
En ce qui concerne la réforme des rythmes scolaires, nous allons facilement l’absorber. Notre communauté de communes à un regroupement pédagogique intercommunal, ce qui nous a permis de maintenir une école pour 100 enfants. Nous avons déjà des animateurs sportifs et musicaux et une garderie périscolaire. Nous avions anticipé, avant même la réforme, pour répondre à la demande des parents. »