Président de l’Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l’Intérieur (ACPHFMI), ancien préfet de la région Ile-de-France et de Paris, Daniel Canépa juge "parfois contradictoires" les aspirations des élus qui réclament la liberté de mener leurs politiques locales tout en réclamant plus d'accompagnement de l'Etat. Il évoque également la situation des sous-préfectures.
Le Courrier des maires : L’Etat s’est-il désengagé de ses services déconcentrés, comme le dénoncent les élus locaux ?
Daniel Canépa. Aujourd’hui, le maillage du territoire par les préfectures et sous-préfectures reste le même. La diminution des effectifs a été engagée en cohérence avec un certain nombre de progrès — comme la simplification des procédures et l’utilisation de nouveaux moyens informatiques — et avec la concentration au niveau régional.
Les élus locaux ont parfois des aspirations contradictoires, souhaitant, d’un côté, avoir une liberté de décision et de mise en œuvre de l’ensemble des politiques locales ; et de l’autre, disposer de plus d’accompagnement et de conseil !
La régionalisation des services a-t-elle marqué une rupture ?
— D. Canépa. Elle constitue un phénomène de fond, que certains relient à la réduction des effectifs. Mais dans une société nécessitant des connaissances de plus en plus pointues, ces compétences ne peuvent pas être présentes sur l’ensemble du territoire. La régionalisation est aussi caractéristique de politiques qui doivent être de plus en plus interministérielles, d’où l’obligation de regrouper les structures.
Reste que ce phénomène va effectivement à l’encontre d’une tendance de la société : plus on vit dans une société mondialisée, plus l’Etat doit proposer des réponses de proximité, individualisées, sur le terrain.
Quel bilan faites-vous de la RGPP en matière de réorganisation des missions de l’Etat local ?
— D. Canépa. La logique qui prévalait auparavant était celle d’administrations centrales qui se déclinaient au niveau régional, départemental voire de l’arrondissement. Cette logique a été coupée au niveau départemental, avec l’introduction d’une logique interministérielle.
Autre évolution majeure : la remise en cause d’une organisation identique sur tous les territoires, pour mieux s’adapter à leurs besoins avec un certain droit "à la différence". C’est vrai pour la région Ile-de-France, pour les services installés sur des façades maritimes ou dans la prise en compte des différences démographiques des départements. Cela va à l’encontre de la culture française, mais il faut aller au bout de la logique car tout ne doit pas être gravé dans le marbre !
L’Etat privilégie-il désormais le contrôle des collectivités, plutôt que le conseil ?
— D. Canépa. Le conseil l’emporte largement sur le contrôle : cette action peut se mesurer dans les nombreuses observations et lettres préalables aux décisions prises par les collectivités. Les référés représentent un pourcentage peu élevé ; la saisine du tribunal est peu fréquente. Les réactions sur le suivi et notamment sur les lettres de conseils, préventives, sont positives. La fonction de contrôle reste importante, y compris pour les grandes villes.
Comment voyez-vous l’avenir des sous-préfectures et de leur implantation ?
— D. Canépa. La carte n’a pas été modifiée depuis 1926. Or, les conditions que connaissait Poincaré sont sensiblement différentes en 2012 !
La question ne doit être abordée ni sous l’angle des seuils, en définissant un nombre d’habitants en dessous duquel il faudrait fermer une sous-préfecture, ni sous l’angle financier. D’autant que je ne crois pas aux calculs de la Cour des comptes sur de potentielles économies sur l’immobilier, qui appartient le plus souvent aux départements, ou sur les personnels, qui resteront fonctionnaires. Leur réaffectation ne produira des effets budgétaires que sur le long terme. Il faut conserver des agents de qualité en sous-préfecture car toute dégradation affecterait l’ensemble du réseau. Or, avec la carte actuelle, il est difficile d’avoir cette compétence en tout point du territoire. Et il faut donner aux fonctionnaires des responsabilités susceptibles de les motiver.
Président de l’Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l’Intérieur. Le directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur, Jean Daubigny, a été nommé le 19 décembre 2012 en conseil des ministres préfet de Paris et de l'Ile-de-France, en remplacement de Daniel Canépa, proche de l'ancienne majorité UMP.
Propos recueillis par Aurélien Hélias