Bureau de vote dans un gymnase
© Flickr-CC-JaHoVil
Moins de dix jours après le premier tour des élections municipales, certains présidents et assesseurs de bureaux de vote déclarent être atteints du coronavirus. Le délai d’incubation de ce virus puis leur confinement la semaine dernière laisse penser qu’ils ont pu être contaminés le dimanche 15 mars. Entre colère et fatalisme, c’est la tenue même de ce scrutin qui est aujourd’hui contestée par ces élus et bénévoles qui ont l’impression « d’avoir été envoyés au front sans protection ».
C’est sur la page Facebook de la commune que Xavier Melki, maire LR de Franconville (Val d’Oise, 95) a décidé d’informer ses concitoyens : un cas de Covid-19 vient de se déclarer chez l’un des membres du bureau de vote n°22. Joint par téléphone, le maire raconte : « cette personne nous a appelés en fin de semaine dernière alors qu’elle sortait de chez son médecin. Elle n’a pas fait de test mais elle présente effectivement tous les symptômes du Covid ». La publication a été largement partagée et commentée. Signe de l'inquiétude qu'elle suscite : elle a recueilli près de 140 émojis avec une nette surreprésentation des « frimousses » apeurées ou rouge de colère.
« Ce post Facebook a évidemment suscité beaucoup de questions dans la ville », reconnaît le maire, « mais ceux qui nous écrivent ont surtout manifesté de la sympathie pour cette personne souffrante lui adressant par notre intermédiaire des vœux de rétablissement ». Et Xavier Melki d'avertir : « ce n’est pas le moment de se poser la question sur la tenue de ce premier tour, nous devons rester soudés » explique-t-il au téléphone, refusant tout net de rentrer dans la polémique naissante.
Le maintien du 1er tour en question
Réélu avec plus de 70% des voix dimanche 15 mars, le maire de Billom faisait initialement partie des partisans d’un maintien du premier tour. « Nous avons essayé de faire attention toute la journée, mais c’était compliqué et nous n’étions pas forcément aguerris en la matière. » Alors que des réunions du conseil se sont tenues jusqu’au jeudi 12 mars et qu’une rencontre a été organisée entre colistiers – en cercle restreint, certes –, le maire de Billom craint d’autres contaminations à venir. Et, avec le recul et vu la contagiosité du virus, « regrette évidemment que le scrutin ait eu lieu. »
Leurs cas s'ajoute à ceux, plus médiatisés, de Christian Estrosi, Martine Vassal ou Yvon Berland, testés positifs dans les heures suivant le scrutin au risque donc qu'ils aient été porteurs durant la fin de leurs campagnes électorales à Nice et Marseille. Mais aussi à des cas, restés anonymes, à Montmagny (Val-d’Oise), Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), Paris, Bourgueil (Indre-et-Loire), etc, liste un article de Mediapart. Cadre d'une mairie francilienne pour laquelle il a en charge, entre autres, le service Elections, Benjamin Mittet-Brême présente lui aussi les symptômes du Covid-19. Au point de nourrir quelques regrets dans une série de tweets :
[Acte de contrition]
Il y a de cela 7 jours, samedi dernier, j'ai prêché tel un pasteur pour dire que l'on ne risquait rien à aller voter.
J'avais été convaincu par les mesures que j'avais mis en place dans ma propre ville, j'ai essayé de vous convaincre tous.
— Benjamin Mittet-Brême (@mittetbreme) March 21, 2020
Pas de masques, pas de gels, pas de gants…
Jocelyn Bureau, élu PS de la ville de Saint-Herblain (Loire-Atlantique, 44) et conseiller métropolitain de Nantes-Métropole a lui aussi tenu un bureau de vote le 15 mars. Et si aujourd’hui, il semble en pleine santé, il évoque son anxiété avant, pendant et après le scrutin. « J’ai vraiment eu la sensation d’avoir été envoyé au front sans protection. Si à Paris, les télés ont pu faire de belles images avec des présidents et des assesseurs de bureaux portant masques et gants, je peux vous assurer que nous, en province, nous manquions de gels, de masques, de gants et même de stylos…en nombre suffisant. Je faisais tout nettoyer toutes les 30 min pour limiter les risques de contamination. On a fait avec les moyens du bord mais c’était une journée surréaliste au cours de laquelle on se demandait vraiment ce que nous faisions là ! » dénonce Jocelyn Bureau.
Élu municipal je préside un bureau de vote dans quelques heures et ma nuit va être agitée.
Pourquoi maintenir ce vote alors qu’on est au stade 3 contre le #Covid_19?
Quelle légitimité aura ce scrutin?
Soldat de la République, j’ai l’impression d’être envoyé au front inutilement! pic.twitter.com/GobJmFTetK— Jocelyn Bureau (@JocelynBureau) March 15, 2020
Une plainte à venir ?
Et à ceux qui argueraient qu’il était alors possible de faire jouer leur « droit de retrait » ou même de se faire porter pâle le jour du vote, l’élu de Saint-Herblain répond « obligation légale ». « En tant qu’élus, nous avons le devoir de tenir les bureaux de vote pour les élections, on peut presque dire que ces jours-là nous travaillons pour l’État. Et c’est l’État qui aurait dû tout arrêter, il en avait le pouvoir ».
Hervé de Lépinau, élu départemental RN et conseiller municipal d’opposition à Carpentras (Vaucluse, 84) pointe également en direction de l’exécutif dont il dénonce une communication erratique. « Le jeudi, on apprend que les écoles ferment mais que le scrutin aura bien lieu. La veille du vote, le samedi soir, le Premier ministre annonce finalement que les bars et les restaurants fermeront aussi ! À ce moment-là, c’est vraiment un mauvais signal mais on fait encore confiance » se souvient-il. Mais le jour du scrutin, il décide de prendre les choses en main et créée avec ses assesseurs une sorte de circuit dans le bureau de vote pour limiter au maximum les contacts, « mais on est quand même rester toute la journée derrière une urne en plastique, véritable bouillon de culture, sans parler du dépouillement qui génère nécessairement de la promiscuité et des contacts ». Avec des gants mis à disposition, fort heureusement...
« J’ai bien fait noter sur le PV que nous n’avions pas de masques, alors qu’on nous l’avait promis » ajoute cet avocat de profession. Ce dernier compte d’ailleurs - « une fois la crise passée » - déposer une plainte devant la Cour de justice de la République pour « mise en danger de la vie d’autrui par manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence ». Sa plainte visera le Premier ministre, le ministre de la Santé, le ministre de l’Intérieur et enfin la porte-parole du gouvernement. « Je ne suis pas un traumatisé, je suis juste un énervé » tient à préciser Hervé de Lépinau qui ne présente aucun signe de la maladie mais assure craindre pour sa femme et sa fille, qui sont toutes deux classées comme « personnes à risque ».
Conscient que sa démarche a peu de chance d’aboutir, l’élu RN veut néanmoins aller au bout de sa démarche « je vais diffuser ma plainte au maximum pour que d’autres personnes, des soignants, des familles puissent s’en inspirer. Je crois beaucoup à l’effet de masse, ce qu’on appelle en droit anglo-saxon les ‘class action’. Si 20 000 plaintes comme la mienne arrivent sur le bureau du Procureur, il aura du mal à les ignorer » conclut-il.
Limonade74 - 24/03/2020 23h:38
Mon épouse et moi même, simples citoyens, avons été sollicité pour tenir des bureaux de vote le 15 mars. Mais, contrairement a ce qui avait été annoncé, pas un seul masque à disposition. Du gel hydroalcolique, des lingettes javellisées il y en avait, mais les gants étaient de taille trop petite pour les hommes. Résultat, le soir j'ai dépouillé 250 enveloppe et ouvert 250 bulletins avec mes mains nues, sans la moindre protection; On croit rêver quand dans le même temps, on nous confine et on nous fait mille recommandations. Je suis totalement d'accord avec la colère de certaines personnes car c'était nous envoyer au casse pipe carrément. Invraisemblable. et pitoyable. JP M De l'inconscie,ce
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