Emmanuel Macron interviewé le 14 octobre sur la situation sanitaire
Comme attendu, le chef de l'Etat a annoncé un couvre-feu : il concernera neuf métropoles dont Paris, et plus largement l'Ile-de-France, pour une durée de six semaines à partir de samedi 17 octobre. Une date à laquelle sera également rétabli l'état d'urgence sanitaire. Le télétravail ne reste "que" conseillé mais pas rendu obligatoire. Les élus locaux seront consultés, mais dans un cadre déjà très balisé.
« Nous sommes dans cette deuxième vague. Le virus tue. » D’emblée, Emmanuel Macron a souhaité rendre compte de la gravité de la situation sanitaire en répondant à la première question lors de son interview télévisée de ce mercredi 14 octobre. « On a 20 000 cas nouveaux par jour. On va devoir les ramener à 3000, 5 000 par jour », fixe-t-il comme objectif. Le constat comme la nécessité d’infléchir rapidement la courbe des personnes en ranimation sont mis en avant par le chef de l’Etat : « Nous n’avons pas perdu le contrôle mais nos services hospitaliers sont dans une situation plus préoccupante qu’alors », lors du confinement. « Aujourd’hui, le virus est partout en France. Nous n’avons plus de lits en réserve, pas de lits cachés. On doit protéger notre système de santé, nos soignants. » De quoi justifier des mesures drastiques.
Les grandes métropoles sous couvre-feu plutôt qu’un reconfinement général
« Il serait disproportionné de reconfiner le pays. » D’emblée, Emmanuel Macron a exclu une option aux trop lourdes conséquences sociales, économiques voire psychologiques. Alors l’exécutif a choisi « ce qu’on appelle le couvre-feu [qui] est une mesure pertinente, on en a vu la pertinence en Guyane. Le ralentissement des contacts sociaux, c’est ce qui nous a permis d’être efficace en Mayenne », a-t-il développé. Ce sera donc un couvre-feu pour la vingtaine de millions de Français vivant en région Ile-de-France et huit métropoles : Grenoble, Lille, Lyon, Aix-Marseille, Montpellier, Saint-Etienne, Toulouse et Rouen, la métropole normande présentant des chiffres inquiétants ces derniers jours. Celui-ci durera de 21h à 6 h du matin « et il commencera à ce samedi zéro heure. Nous irons devant le Parlement pour le prolonger jusqu’au 1er décembre ». Soit un mois et demi de restrictions souhaité par le président de la République, l'exécutif ayant besoin d'un vote favorable des parlementaires pour aller au-delà de quatre semaines. « Si pendant six semaines nous tenons ce couvre-feu, à ce moment-là, nous pensons que nous pourrons rouvrir », évoque-t-il timidement.
L’objectif est clair : tout en permettant bon an mal an à « continuer à avoir une vie économique, une vie sociale », il s’agit de « réduire tout ce qui a fait progresser le Covid : les rendez-vous privés ».
Une liberté de circuler très encadrée
A quel point les restrictions de circulation s’appliqueront-elles à tous dès 21 h? Pour « toutes celles et ceux qui rentrent du travail après 21h ou travaillent de nuit, les urgences sanitaires… il y aura des autorisations : ce sera une stricte limitation de circuler, pas une interdiction ». Mais à l’inverse, toutes les personnes sans motif légitime se verront imposer une amende de 135 euros, 1 500 euros en cas de récidive.
L’offre de transports en commun « continuera d’être mobilisée, il n’y aura pas de restriction des transports », a poursuivi le chef de l’Etat. Les déplacements interrégionaux ne seront pas limités comme ils le furent un moment dans un rayon de 100 km au plus fort de la crise au printemps. « Nous n’avons pas décidé de réduire les déplacements entre les régions, nous avons fait le choix de ne pas infantiliser mais de responsabiliser ».
Pour plus de précision, il faudra attendre la conférence de presse du Premier ministre ce jeudi 15 octobre. « Nous allons continuer à travailler. Si on ne veut pas dans 15 jours, trois mois, prendre des mesures plus dures, il faut respecter ces mesures », a prévenu Emmanuel Macron.
Un rôle encore nébuleux pour les élus locaux
En dehors d’un régime différencié sur le couvre-feu entre les neuf plus grandes métropoles et le reste du pays, un élément de différenciation territoriale est annoncé par le chef de l’Etat, selon « des éléments de concertation locale car les situations sont très différentes. » Ce cas-par-cas devrait porter notamment sur les restrictions s’imposant à divers secteurs économiques : « Des restaurants décideront de fermer. Le chômage partiel va être réactivé pour ces secteurs : hôtellerie, tourisme, spectacle, restauration, sport. Dès vendredi, la concertation locale débutera avec tous les métiers concernés par ces secteurs ». C’est notamment là qu’interviendrait la collaboration Etat-collectivités, mais aussi s’agissant de la protection des plus âgés : « nous allons demander à l’ensemble de nos élus de nous proposer des plans de prévention : on a besoin d’associer pleinement nos citoyens, nos élus. Ils doivent être des acteurs de la prévention. Il faut aller chercher nos ainés, nos associations, porter nos messages pour protéger nos ainés ».
Télétravail, toujours l’incitation plutôt que la prescription
« Le télétravail, c’est un outil, c’est intelligent. Si c’est une règle nationale, parfois on réisole les gens. » Doper le travail à distance tout en ménageant la reprise économique, c’est l’objectif officieux de l’exécutif qui ne souhaite pas imposer le télétravail, seulement « conseillé » aujourd’hui. « On a besoin que les entreprises fonctionnent, on a besoin d’avoir des professeurs qui sont en classe. Là où c’est possible, dans un bureau sans accès au public, on va inciter les gens à faire deux à trois jours de télétravail par semaine. Ça réduit la pression collectivité et la circulation des gens ». L’incitation aux employeurs reste donc le mot d’ordre.
StopCovid en échec, vers une nouvelle application
Le chef de l’Etat l’a reconnu : avec moins de500 personnes prévenues, l’application StopCovid a échoué. « Ça n'a pas marché et ça a beaucoup moins été téléchargé que chez nos voisins. […] On n'a pas réussi. Il faut qu’on ait une nouvelle application. ». Celle-ci s’appellera Tous antiCovid et sera présentée dans une semaine, le 22 octobre. Parmi les améliorations attendues, « il y aura des informations générales et des informations locales. On va aussi donner un mode d’emploi très clair. On va en faire un instrument, un outil pour mieux alerter, tracer », ambitionne-t-il. Avec la volonté pour tout signalement « d’être très strict sur les sept jours d’isolement, même quand on n’a pas de symptôme ».
Matignon avait préparé le terrain
Le Premier ministre Jean Castex a présenté un peu plus tôt dans la journée au conseil des ministres un décret déclarant l’état d’urgence sanitaire. Celui-ci entrera en vigueur dans la nuit du vendredi 17 au samedi 18, à minuit. « L’épidémie de covid-19 constitue une catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population, justifie Jean Castex dans le communiqué officiel du conseil des ministres. Elle justifie que l’état d’urgence sanitaire soit déclaré afin que les mesures strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu puissent être prises ».
L’état d’urgence sanitaire avait précédemment été déclaré sur l’ensemble du territoire national pour deux mois par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, puis prorogé par une loi du 11 mai. Il a pris fin le 10 juillet 2020, sauf en Guyane et à Mayotte, où il a été maintenu jusqu’au 17 septembre inclus.