Convaincre les élus de passer au PLU intercommunal

Denis Solignac

« L’élaboration intercommunale du plan local d'urbanisme (PLU) est désormais affichée comme le principe général et l’élaboration communale comme l’exception à la règle », explique Philippe Schmit, chargé de mission à l’Assemblée des communautés de France. Aucun transfert contraignant n’est imposé par la loi Grenelle 2, mais l’incitation est là. Le dernier décompte de l’Etat estimait à deux cents le nombre d’intercommunalités dotées d’une compétence en urbanisme et s’étant lancées dans l’élaboration d’un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI). Soit moins de 10 % des communautés de France, à peine 3 000 communes.

Article de Bertrand Verfaillie,
publié dans "le Courrier des maires et des élus locaux", n° 262, de novembre 2012, p. 32

Comment convaincre les maires et les conseils municipaux de s’engager dans cette démarche exigeante ? Des expériences en cours, se dégagent quelques éléments favorables à la construction d’un PLUI.

C’est d’abord une question d’état d’esprit et d’ambition. Un document d’urbanisme commun ne peut être une addition de plans locaux. « On se situe bien dans l’intercommunal et non dans le supra-communal, souligne Philippe Schmit. Ce qu’on fait, on le fait ensemble ».

Une vision solidaire
« Nous voulons bâtir un projet partagé, arriver à une vision solidaire de l’urbanisme », expose de son côté Bernard Gauthier, vice-président à l’agglomération du Grand Châlon (Saône-et-Loire), qui a décidé d’ouvrir une procédure de PLUI.

Pour y parvenir, mieux vaut que le terrain ait été précédemment travaillé. Les intercommunalités à PLU fondent souvent leur approche sur des coopérations autour d’un SCOT, d’un programme local de l’habitat, voire d’un plan de paysage. Le Grand Châlon s’appuiera sur son « comité d’orientation et de programmation », organe de gouvernance créé en début de mandat.

La réussite requiert enfin des moyens. Un budget que le président de la communauté de communes (CC) de Saint-Amarin (lire ci-dessous) évalue à 300 000 euros. Une assistance à maîtrise d’ouvrage à la fois compétente et audacieuse. Et une organisation rigoureuse de la concertation entre communes. C’est la fonction du site internet de la communauté de communes de Vire, par exemple.

François Tacquard, président de la CC de Saint-Amarin((15 communes, 13 500 habitants)) (Haut-Rhin)
« La seule issue pour un aménagement de qualité »

"Nous formons une conurbation de communes alignées dans une vallée, ce qui implique une solidarité structurelle. Suite à la crise de notre industrie textile, l’interco a acquis de grandes surfaces de friches. Elle a donc une légitimité pour construire un PLU stratégique, répondant aux besoins de la vallée avant ceux des communes. Toutes nos commissions de travail sont intercommunales.
Le développement des communes rurales est mal maîtrisé en France. Des paysages ordonnés depuis 700 ans partent dans tous les sens. On ne peut pas y faire d’écoquartier, le marché ne le permet pas. Le maire de village est très exposé aux pressions spéculatives et il est le moins compétent, le moins doté en ingénierie. L’urbanisme dévolu à l’intercommunalité, avec de vrais services techniques, est la seule issue pour faire de l’aménagement du territoire, promouvoir des programmes d’habitat de qualité et préserver les sites. Nous devrions adopter notre plan d’aménagement et de développement durable (PADD) en fin d’année et lancer l’enquête publique ensuite. Ce n’est pas gagné ; les conseils municipaux devront délibérer.”

Jean-Luc Rotureau, vice-président en charge de l’urbanisme à Angers Loire Métropole((33 communes, 270 000 habitants)) (Maine-et-Loire)
« Il y a place pour une démarche avant-gardiste »

"Il y a deux types d’élus : ceux qui osent prendre les devants et ceux qui disent : ma population n’est pas prête. Chez nous, il y a place pour une démarche avant-gardiste. Notre PLUI ne sera peut-être pas adopté à l’unanimité mais cela fait avancer le débat. Notre PADD sera mis en discussion en 2013. Il déclinera les options du SCOT du pays, soit le maillage d’un pôle central, de pôles secondaires et des autres communes.
Certains dans l’agglomération craignent un développement à plusieurs vitesses. Les échanges sont aussi nourris à propos des transports, autour de la deuxième ligne de tram et de la desserte des polarités secondaires par bus. L’habitat sera un autre dossier compliqué : les communes devront se fondre dans un projet commun de limitation de l’étalement urbain. Heureusement, nous avons une culture de coopération : l’agglo a adopté quatre PLU de secteurs en 2005. Et nous avons monté un dispositif d’orientation à plusieurs niveaux : un comité de pilotage mensuel, placé sous la férule du président, et des réunions bimensuelles des cinq vice-présidents responsables de chacun de nos sous-territoires.”

Paul Mette, vice-président à l’urbanisme, au logement et au cadre de vie de la CC de Vire((8 communes, 19 000 habitants)) (Calvados)
« Pouvoir encore faire des projets »

Après les municipales, nous avons attendu que le SCOT concernant quatre communautés de communes, dont celle de Vire, soit adopté. Nous voulions disposer des lignes directrices avant d’entreprendre notre PLUI. Nous avons mis ce temps à profit pour établir un cahier des charges précis, sur la base duquel notre bureau d’études a pu se mettre au travail sans tarder. Nous avons créé cinq commissions thématiques avec tous les acteurs concernés par le sujet et un nombre égal de représentants des communes.
L’idée et la pratique communautaires progressent dans notre territoire malgré quelques restes d’esprit de clocher. Ce PLUI doit nous permettre de continuer à faire des projets, à nous développer. Nous devons entreprendre la rénovation urbaine de Vire, dont les logements d’après-guerre sont inadaptés. Nous devons maintenir nos emplois et permettre à chacun de travailler sereinement. Le mitage urbain pose de gros problèmes de cohabitation entre agriculteurs et habitants des campagnes. Nous en prenons progressivement conscience et le futur document encadrera plus strictement la consommation de terres arables.”

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