Préfecture
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Centralisation en préfecture et dématérialisation inachevées, effectifs et formation des agents insuffisants, hiérarchisation contestable des actes contrôlés et degré de contrôle très variable d'un département à l'autre... La Cour des comptes juge dans son rapport annuel présenté le 10 février 2016 que le contrôle de légalité et budgétaire par l'Etat des actes des collectivités locales est loin d'être optimal. Et appelle les préfets et leurs services à se réorganiser au plus vite sous peine de ne plus pouvoir « analyser les risques associés à des projets d’envergure ou à des montages juridiques complexes ».
« Sans modernisation de l’organisation et des modes de fonctionnement, la réduction uniforme des moyens est inefficace. Plus grave encore, elle peut fragiliser, voire remettre en cause l’exercice de certaines missions pourtant essentielles. »
Ainsi, le premier président de la Cour des comptes Didier Migaud a-t-il critiqué, le 10 février, lors de la présentation du rapport annuel de la Cour, la réduction des moyens affectés, dans les préfectures et sous-préfectures, au contrôle de légalité et au contrôle budgétaire. Et de souligner plus particulièrement « les limites de la technique du rabot », une image que la Cour avait déjà utilisé du temps de ses analyses de la RGPP.
A chaque préfecture ses choix de contrôle
Pour les magistrats financiers, c’est moins la volonté de l’Etat de réduire le champ des actes contrôlés qui est en cause – la loi ayant révisé à la baisse les actes soumis à transmission obligatoire –, que l’absence de pilotage et de hiérarchisation des actes à contrôler prioritairement.
Car si chaque préfecture doit établir une stratégie annuelle en la matière, « de nombreux actes prioritaires ne sont pas contrôlés notamment en raison de la faculté laissée aux préfectures d’ajuster le nombre d’actes prioritaires à contrôler aux moyens dont elles disposent. La notion d’acte contrôlé n’est pas identique selon les préfectures », regrette la Cour.
[caption id="attachment_59238" align="aligncenter" width="300"] Evolution du volume et de la nature des actes reçus (cliquez pour agrandir)[/caption]
« Certains actes relevant des domaines économique et financier (interventions économiques des collectivités, gestion externalisée des services publics locaux) présentent des enjeux financiers et juridiques importants et mériteraient d’être contrôlés prioritairement », suggère la rue Cambon. Qui souhaiterait que le contrôle de légalité puisse « bénéficier de pôles spécialisés de compétences », à l’image du pôle interrégional d’appui au contrôle de légalité (PIACL), monté en puissance depuis sa création en 2002.
Des écarts considérables entre départements
Autre sujet d’inquiétude : la centralisation en préfecture du contrôle de légalité, les sous-préfectures se contentant désormais de réceptionner les actes à contrôler. Si cette centralisation a plutôt les faveurs de la Cour, notamment pour favoriser la mutualisation des services départementaux de l’Etat et eu égard à « la constitution de grandes régions », celle-ci apparait « inachevée » et limitée « à certains domaines ou départements ».
L’hétérogénéité du taux de contrôle de légalité d’un département à l’autre, de même que des suites données à ces contrôles, suscite également la préoccupation des magistrats. D’autant que les écarts interpellent : les taux de contrôle variaient en moyenne entre 2011 et 2014 de 8% en Dordogne à 78% dans le Territoire de Belfort…
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Des « indicateurs d’activité » pourraient utilement servir de points d’appui pour « rééquilibrer les effectifs du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire des préfectures », suggère la Cour des comptes.
Un tiers d'effectifs en moins en cinq ans
Ces écarts importants peuvent s’expliquer par deux facteurs. D’abord, du fait d’une dématérialisation de la transmission des actes loin d’être achevée, « en raison du déploiement partiel des applications informatiques ». Mais surtout, du fait des baisses importantes d’effectifs, qui ont chuté de près d’un tiers pour le contrôle de légalité comme pour le contrôle budgétaire depuis 2009.
Or, à cette saignée dans les effectifs, synonyme de perte partielle « de l’expertise accumulée antérieurement », s'ajoutent des formations « très peu nombreuses » et « non adaptées » aux agents contrôleurs.
Une formation à adapter donc, incite la Cour, de même qu’elle suggère de réviser à la hausse la part des agents de catégorie A chargés des contrôles de légalité et budgétaire, pour en augmenter le niveau d’expertise. Mais la rue Cambon restant avant tout soucieuse des deniers publics, cela devra se faire bien sûr « à enveloppe salariale constante »…