Contrat de partenariat : l’appréciation de la condition de complexité

Auteur associé

La seule invocation de la complexité des procédés techniques à mettre en œuvre n’est pas suffisante pour justifier le recours au contrat de partenariat.

Analyse de jurisprudence par Emmanuelle Bénoit, avocate à la cour, du cabinet AdDen avocats, publiée dans Le Courrier des maires n°284, de novembre 2014 (p.43). 

Par un arrêt du 30 juillet 2014 « Commune de Biarritz », le Conseil d’Etat se prononce sur les moyens opérants dans un recours dirigé contre l’acte autorisant la signature d’un contrat de partenariat et sur l’appréciation de la condition de complexité justifiant le recours à ce contrat.

Les circonstances du litige

Par une délibération du 26 janvier 2007, la commune de Biarritz a décidé de recourir à un contrat de partenariat pour le financement et la réalisation de la Cité de l’océan et du surf ainsi que de travaux d’extension et de modernisation de son Musée de la mer.

Au terme de la procédure de dialogue compétitif, la SNC Biarritz Océan a été sélectionnée et le conseil municipal a autorisé le maire de Biarritz à signer le contrat de partenariat avec cette société par une délibération du 23 juillet 2008. Plusieurs élus locaux ont attaqué cette deuxième délibération.

Dans une décision du 26 juillet 2012, la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé la délibération litigieuse au motif que les conditions du recours au contrat de partenariat, et notamment la situation de complexité invoquée par la collectivité, n’étaient pas réunies((CAA Bordeaux 26 juillet 2012 Cité du surf et Aquarium du Musée de la mer, req. n° 10BX02109.)).

Saisi d’un pourvoi de la commune de Biarritz, le Conseil d’Etat commence par annuler la décision de la CAA pour un motif de procédure (la cour avait omis d’écarter une fin de non-recevoir tirée de ce que les requérants de première instance n’avaient pas, en leur qualité de conseillers municipaux, intérêt à agir).

Les apports de l’arrêt

La haute juridiction juge tout d’abord que « le moyen tiré de ce que les conditions de recours au contrat de partenariat ne sont pas réunies peut être utilement soulevé à l’appui d’un recours dirigé contre l’acte par lequel la signature d’un tel contrat est autorisée ».

Elle précise les modalités de ce contrôle : le respect des conditions posées par la loi pour avoir recours au contrat de partenariat s’apprécie au vu de l’évaluation préalable qui a donné lieu à la délibération sur le principe du recours au contrat de partenariat.

A l’occasion de son examen des faits de l’espèce, le Conseil d’Etat donne ensuite quelques pistes pour l’appréciation de la condition de complexité permettant de recourir au contrat de partenariat, en vertu de l’article L.1414-2 du CGCT. Ainsi, à propos de l’extension et de la rénovation du Musée de la mer, la commune faisait valoir qu’elle s’était traduite par la réalisation d’un aquarium de 1 300 m3 dans un espace souterrain mitoyen d’un tunnel routier et d’un ancien bunker et que, dans ces conditions, elle avait nécessité de faire appel à des équipements de haute technologie.

Le Conseil d’Etat relève que la seule invocation de la complexité des procédés techniques à mettre en œuvre n’est pas suffisante pour justifier le recours au contrat de partenariat, en l’absence de circonstances particulières de nature à établir qu’il était impossible à la personne publique de définir, seule et à l’avance, les moyens techniques propres à satisfaire ses besoins.

Par ailleurs, il précise que pour apprécier la capacité objective de la personne publique à définir seule et à l’avance les moyens techniques permettant de répondre à ses besoins et, par suite, pour déterminer si la complexité technique du projet justifie le recours au contrat de partenariat, il n’y a pas lieu de tenir compte des études postérieures au lancement de la procédure de passation du contrat, mais qu’en revanche, « il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des études, même réalisées par des tiers, dont la personne publique dispose déjà à la date à laquelle elle décide de recourir au contrat de partenariat ».

Or, en l’espèce, la commune disposait d’un avant-projet détaillé réalisé dans le cadre d’un concours de maîtrise d’œuvre organisé quelques années plus tôt.

La haute juridiction conclut que si l’évaluation préalable fait effectivement apparaître de nombreux éléments de complexité technique, ces éléments n’établissent pas pour autant que la commune aurait été dans l’impossibilité de « définir seule et à l’avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d’établir le montage financier ou juridique du projet ».

Elle annule en conséquence la délibération attaquée du 23 juillet 2008 en tant qu’elle autorise le maire de Biarritz à signer le contrat de partenariat.

En conclusion…
L’annulation de cet acte détachable du contrat reste pour l’heure platonique, le Conseil d’Etat n’ayant probablement pas été saisi d’une demande d’injonction. Le contrat de partenariat est toutefois largement fragilisé, les requérants ayant à tout moment la possibilité de saisir le juge de l’exécution afin qu’il enjoigne à la commune de tirer les conséquences de l’annulation de la délibération et, le cas échéant, qu’il lui ordonne de saisir le juge du contrat pour que celui-ci en prononce l’annulation.
La décision « Tarn-et-Garonne » du Conseil d’Etat résout cette problématique de la dissociation entre le juge de l’excès de pouvoir et le juge du contrat, en ouvrant aux tiers justifiant d’un intérêt à agir la possibilité de contester directement la validité du contrat (CE 4 avril 2014 Département de Tarn-et-Garonne, req. n° 358994 : publié au Rec. CE).

Recevez vos newsletters gratuitement

FORMATIONS