Contentieux : les juridictions financières et les collectivités territoriales

Bernard Poujade

Sujets relatifs :

Dans le rapport public annuel de la Cour des comptes, qui reprend des observations des chambres régionales des comptes, les réponses du ministre ou des collectivités ne peuvent faire l’objet de modifications ou rectifications.

Cet arrêt du Conseil d’Etat du 14 octobre 2009 « Commune de Bussy-Saint-Georges » (req. n° 309047) pose une question intéressante : une commune peut-elle demander la rectification de la réponse du ministre de l’Intérieur aux observations de la Cour des comptes figurant dans le rapport public annuel ?

La procédure

La commune de Bussy-Saint-Georges demandait au Conseil d’Etat l’annulation de la décision du 3 juillet 2007 par laquelle le premier président de la Cour des comptes a rejeté sa demande de rectification de certaines mentions relatives à la gestion financière de la commune, figurant dans la réponse du ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire aux observations de la Cour des comptes sur la commune, insérées dans le rapport public de l’année 2006.

Le contexte juridique

L’article L.136-1 du Code des juridictions financières (CJF) prévoit que « la Cour des comptes adresse au président de la République et présente au Parlement un rapport public annuel » et aux termes de l’article L.136-4 du même code : « La Cour des comptes informe les communes, les départements et les régions des observations relatives à leur gestion qu’elle envisage d’insérer dans les rapports publics et les invite à lui faire part de leurs réponses ».

Selon l’article L.136-5 du CJF, « les rapports publics de la Cour des comptes, auxquels sont jointes les réponses des ministres et des représentants des collectivités territoriales, des établissements, sociétés, groupements et organismes intéressés, sont publiés au Journal officiel de la République française. Ces réponses engagent la seule responsabilité de leurs auteurs ».

L’article R. 136-1 du Code des juridictions financières dans sa version applicable à la date de la décision attaquée dispose enfin que :

« Les projets d’insertion sont arrêtés par le comité et communiqués par le premier président aux ministres intéressés, au ministre chargé des finances et aux dirigeants des organismes publics concernés. Dans un délai de deux mois, les ministres et dirigeants des organismes adressent à la Cour des comptes, par l’intermédiaire du ministre chargé des finances, leurs réponses accompagnées de toutes justifications utiles. Toutefois, les projets d’insertion intéressant des collectivités et organismes relevant de la compétence des chambres régionales ou territoriales des comptes sont communiqués directement par le premier président, dans la même forme, aux présidents de conseil régional ou général, aux maires ou aux présidents des organismes publics concernés, qui adressent à la Cour, dans un délai de deux mois, leurs réponses accompagnées de toutes justifications utiles. Les réponses mentionnées aux deux alinéas précédents figurent au rapport public ».

La solution

Il ressort de l’ensemble des dispositions précitées que, lorsque la Cour des comptes insère dans son rapport public annuel des observations relatives à la gestion d’une collectivité territoriale, elle doit recueillir et publier la réponse de la collectivité territoriale intéressée et celle du ministre, lesquelles n’engagent cependant que leurs auteurs ; que, s’il est vrai que la collectivité territoriale n’est pas en mesure de faire valoir d’éventuelles remarques sur la réponse du ministre, la Cour ne saurait, sauf dans le cas où elle serait tenue de retirer une mention dont la publication est interdite par la loi, procéder à une modification quelconque dans le texte des réponses qu’elle a publiées ; le premier président de la Cour des comptes était donc tenu de rejeter la demande de la commune.

Commentaire

L’article 44 de la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 ouvre aux personnes mises en cause la possibilité de demander la rectification des observations définitives. Et ce, dans le délai d’un an après la communication du rapport d’observations défi­nitives à l’assemblée délibérante. Le Conseil d’Etat (avis du 15 juillet 2004, n° 267415, Semader) a indiqué qu’il appartient à la chambre régionale des comptes (CRC) d’examiner l’ensemble des allégations contenues dans la demande de rectification et de leur donner la suite qu’elle ­estime convenable. La décision de la chambre est sus­ceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. Cependant, on ne saurait demander que, dans le rapport de la Cour des comptes qui reprend des observations des CRC, les réponses du ministre ou des col­lectivités fassent l’objet de modifications.

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