Conseils généraux 2011-2014 - Quel soutien aux petites communes ?

Compétence traditionnelle mais non obligatoire des conseils généraux, l’appui à l’équipement et à l’investissement des petites communes commence à pâtir des difficultés financières des départements. Demain, les conseils généraux pourraient davantage s'appuyer sur les régions et les intercommunalités pour soutenir l’investissement local.

Les plus petites notamment, sont sous tension depuis la crise financière de 2008. Même si la majorité des exécutifs départementaux souhaite conserver ce rôle de soutien aux finances communales.

Dans la Vienne, "les aides aux communes et aux communautés ont été maintenues au même niveau qu’en 2010, à 21,8 millions d’euros", se félicite Claude Bertaud, président de l’exécutif. Ailleurs, les départements essaient a minima de maintenir leur niveau d’aide, parfois intégrés dans des "contrats territoriaux" pluriannuels, comme dans le Val-d'Oise, ou de les diminuer uniquement à la marge

Désengagement ?

Reste que l’aide aux communes n’est pas une compétence légale obligatoire: "Si nous avons à arbitrer parmi les dépenses, nous n’aurons pas le choix, même si nous allons tout faire pour ne pas nous poser ce type de question", prévoit Bruno Sido, président du conseil général de la Haute-Marne.

Même scepticisme chez Philippe Adnot, dans l'Aube, qui prédit "une baisse des aides des départements, notamment dans le domaine scolaire, ce qui touchera les communes les plus pauvres". Ce recul des subventions se fait déjà sentir sur le terrain, comme le confirme l’Association des petites villes de France (APVF).

Paradoxe: même avec une diminution des subventions au bloc communal, "la dégradation de l’épargne se réduit mais […] ne permet pas d’enrayer les difficultés budgétaires pour la moitié des départements", notent Guy Gilbert et Alain Guengant dans leur rapport "Prospective des budgets départementaux 2011-2015".

Le rôle traditionnel de soutien des conseils généraux est aussi remis en cause sur le plan institutionnel. Dans son rapport sur les finances départementales, Pierre Jamet juge "avisé d’inciter les départements à un certain désengagement du soutien à l’investissement communal, de façon à diminuer le besoin de financement de la section d’investissement de leurs budgets et à enrayer ainsi la spirale de l’endettement". Le DGS du Rhône préconise que le flambeau soit repris par les EPCI pour éviter "une forme de concurrence entre les deux catégories d’institutions".

C’est le pari que font certains départements: "En Haute-Marne, nous continuons à aider les communes sur l’investissement et la matière grise. Mais ce sera le rôle des communautés de communes de s’équiper en ingénierie", estime Bruno Sido.

En revanche, la limitation des cofinancements à partir de 2015 n’inquiète pas outre mesure les communes de moins de 3.500 habitants qui n’arrivaient déjà que rarement à atteindre les 20% de participation financière à un projet. Ce serait "plutôt au niveau du cumul régional-départemental que des problèmes pourraient se poser si région et département ne se mettaient pas d’accord au sein d’un schéma de compétence", redoute-t-on à l’APVF.

Trois milliards versés aux communes - Selon le DGS du conseil général du Rhône, Pierre Jamet, environ 3 milliards d’euros sont investis chaque année par les départements sous forme de subventions aux communes et à leurs EPCI.

Les subventions d’investissement distribuées par les conseils généraux ont augmenté annuellement de 3,41 % entre 1996 et 2007, selon le rapport "Prospective des budgets départementaux 2011-2015" réalisé pour l’ADF par les chercheurs Guy Gilbert (ENS Cachan) et Alain Guengant (CNRS).

Lozère (48)
Le soutien par l’emprunt

Département très rural, avec 15 habitants par km2, la Lozère a décidé de maintenir un haut niveau d’investissement, à 31 % de son budget total. Soit une quarantaine de millions d’euros "dont la moitié destinée aux communes", précise le président de l’exécutif, Jean-Paul Pourquier.

Priorités: les programmes urbains pour des petites et moyennes communes comme Mende ; l’eau, l’assainissement, la voirie et l’aménagement pour les plus petites", détaille-t-il. L’aide en matière d’ingénierie se limite au conseil et au soutien indirect du syndicat pour l’assainissement et l’eau potable, "la voirie faisant l’objet d’une convention avec l’ex-DDE". Reste que le département se félicite "d’un niveau d’aide aux collectivités et à l’accompagnement de l’économie de 320 euros par habitant".

Tout cela a un coût: "Nous pouvons faire appel à l’emprunt depuis quelques années car nous restons très peu endettés. Mais il nous faut trouver des financements supplémentaires car le recours aux emprunts ne durera qu’un temps", prévoit l’élu.

Pour l’heure, l’incertitude demeure sur les ressources issues de la future péréquation horizontale entre les départements et sur les ressources de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en 2012 "pour lesquelles nous ne disposons que de quelques projections peu fiables". En revanche, Jean-Paul Pourquier s’inquiète peu des conséquences de la limitation des cofinancements à partir de 2015. Ils joueront principalement pour les communes de plus de 3.500 habitants: or, elles ne sont que trois dans le département.

Haute-Saône (70)
Une stagnation des aides, l'ingénierie mutualisée

Les tensions (budget 2011 en baisse de 4,7 %) n’épargnent aucun poste de dépenses. Pour autant, les aides aux communes ne reculent que de 1 %: "Nous avons essayé de préserver nos engagements auprès des communes, surtout celles avec peu de moyens", justifie le président du conseil général, Yves Krattinger. Alors que "chaque année, les fonds octroyés dans le cadre des contrats de territoire augmentaient, il y a désormais un léger tassement", admet-il.

Les aides ciblent toujours trois axes: le développement économique, les équipements sportifs, culturels et de loisir et le patrimoine architectural et naturel. "L’idée est de ne pas casser la dynamique pour que les communes puissent continuer à investir. La priorité porte sur les équipements, des choix structurants, l’eau et l’assainissement, au contraire des soutiens de confort", énumère le président de l’exécutif. Alors que les communes ont déjà investi beaucoup dans des services publics comme les crèches, attractifs pour les habitants, les besoins restent nombreux en matière d’ingénierie.

Pour pallier le recul de l’Etat, le département a créé une agence départementale pour la voirie, l’eau et l’assainissement. Déjà 300 communes sur les 545 du département ont adhéré à cette association qui permet de mutualiser les coûts mais apporte aussi des "réponses en matière d’activité économique: certaines communes ont des soldes budgétaires positifs mais ne savent comment s’en sortir économiquement. Or, les travaux publics font travailler l’économie locale", plaide Yves Krattinger.

"Les concours financiers au bloc communal vont baisser"

Entretien avec Patrick Le Lidec, chercheur au CNRS, membre du Cersa
La pression sur les finances des départements va-t-elle finir par modifier leur soutien aux petites communes ?
"Dès les réformes de 2004, les conseils généraux avaient saisi l’occasion de refondre à la baisse les aides communales en donnant la priorité aux intercommunalités. Le processus devrait s’accélérer avec l’effet de ciseau associant baisse des droits de mutation et augmentation des dépenses, le tout allant s’amplifier avec le gel des dotations de l'Etat en 2011-2014.

La réforme territoriale influencera-t-elle la nature et le montant des aides aux communes, notamment rurales ?
La suppression de la taxe professionnelle et le gel des dotations vont se traduire par une baisse des concours financiers au bloc communal. Surtout de la part des départements ruraux, les plus en difficulté financièrement, qui devront choisir entre augmenter les impôts, avec peu de leviers, ou diminuer les dépenses. Tout cela va accélérer le processus d’intégration communautaire avec comme objectif de mutualiser les coûts pour les diminuer."

Quelles seront les conséquences de la limitation des cofinancements à partir de 2015 et de l’apparition du conseiller territorial ?
"Avec l’indifférenciation relative entre l’action des conseils généraux et du conseil régional, les conseillers territoriaux seront tentés de se servir des finances régionales pour se substituer aux conseils généraux en difficulté. Et si les communes conservent et même amplifient leurs relais avec ces conseillers territoriaux, c’est une victoire en trompe-l’œil car la contrainte budgétaire ne va pas se desserrer pour autant: les difficultés financières des conseils régionaux et généraux se répercuteront encore sur les communes. Quant aux cofinancements, le gouvernement imposera son point de vue puisqu’il maîtrise la donne budgétaire."

A. Hélias

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