Conseils généraux 2011-2014 - Où investir et à quelle échelle ?

En 2010, les capacités d'investissement des conseils généraux ont reculé de 2,2% pour les dépenses d’équipement et de 10% pour le financement croisé de projets, selon l'Assemblée des départements de France (ADF). En 2011, rares sont ceux qui pourront faire redécoller ces budgets.

"Nous avons maintenu nos dépenses d’investissement à 190 millions d’euros, un niveau minimum pour ne pas décrocher au regard du dynamisme démographique local et du nécessaire soutien au développement économique local. Mais cela nous a conduit à diminuer notre autofinancement et à augmenter notre recours à l’emprunt, alors que nous étions dans une phase de baisse des encours de la dette", témoigne Vincent Eblé, président du conseil général de Seine-et-Marne.

Autre département, autre choix pour maintenir l’investissement. "Je n’ai pas voulu compenser en augmentant l’emprunt: j'ai donc décidé de réduire de 50% à 20% les garanties d’emprunts sur les organismes HLM", explique le sénateur Philippe Adnot, à la tête du conseil général de l'Aube.

Nouveaux arbitrages, investissements ralentis
Même lorsque les ressources sont au rendez-vous, de nouveaux arbitrages apparaissent. "Notre capacité à défendre nos territoires va être bridée, en faveur de plans déjà développés: chemins de fer, télévision mobile, internet… Nous sommes obligés de compenser en permanence !" constate Philippe Adnot.

Résultat: les nouveaux investissements des conseils généraux relevant de leurs compétences propres sont ralentis. "Aucun de nos programmes ne sera abandonné, même si nous étalons la programmation et resserrons les crédits de paiement", admet Vincent Eblé.

Fiscalité : manque de visibilité
Au-delà du contrecoup indirect de la crise économique et de la baisse des droits de mutation, c’est désormais "le caractère incertain de la nouvelle architecture fiscale qui nous gêne dans notre capacité à investir: on ne peut faire de programmation pluriannuelle sans visibilité !" clame-t-il.
En cause, notamment, le système de péréquation des droits de mutation, "voté en loi de finances pour 2010, déjà modifié par le budget 2011, pour une application dès 2011."

Répartition des compétences : incertitude
L'incertitude règne également sur les futurs schémas de répartition des compétences entre conseils généraux et conseil régional qui devront de facto se répartir les investissements. Bruno Sido plaide pour "des compétences exclusives, plutôt que partagées", où les régions s’occuperaient "des grands plans, schémas et investissements", laissant aux départements "le quotidien".

"Nous n’avons pas attendu une réforme pour coordonner nos actions avec la région", s’emporte Damien Alary. Selon le président du conseil général du Gard, ces futurs schémas "ne devraient donc pas fondamentalement modifier la donne s’agissant des investissements", le problème résidant bien plus selon lui dans l’appel récurrent de l’Etat aux conseils régionaux et généraux pour boucler les plans de financement, comme ceux des lignes à grande vitesse.

Des investissements "contraints" 
Dans son rapport sur les finances des départements, Pierre Jamet s’élève contre l’idée "simpliste" selon laquelle "les départements abandonnent les secteurs d’équipement dans lesquels ils n’ont pas de compétence propre". Et le DGS de citer ces "dépenses contraintes", par contrat ou convention, comme la participation au financement des lignes ferroviaires à grande vitesse, les dépenses de rénovation urbaine initiées par des agglomérations, les programmes des agences de bassin ou les participations en matière de recherche dans les contrats de projets.

Finistère (29
Le réseau routier revu à la baisse

2010 s'était terminé par une bonne surprise pour le Finistère, avec une légère remontée des droits de mutation. Insuffisant pour maintenir, en 2011, le budget "investissement "en recul de 10 millions d’euros. Résultat: si le conseil général "a essayé de maintenir le niveau de soutien à [ses] partenaires", explique le président de l’exécutif, Pierre Maille, ce sont les investissements propres du département qui sont touchés.
"Nous avons gelé les opérations nouvelles sur les travaux routiers et ralenti les dépenses d’entretien car le réseau est de qualité", détaille l’élu.
Une satisfaction, tout de même: "La priorité maintenue aux collèges et à l’accessibilité pour laquelle nous serons au rendez-vous."
L’avenir reste incertain: en plus des "fluctuations des droits de mutation", "la réforme fiscale nous empêche de voter les taux de TH et de TP, nous privant de la capacité d’adapter nos recettes à nos dépenses", regrette Pierre Maille. En quelques années, le taux de ressources propres (taxe foncière sur le bâti) a été divisé par deux, à 17%.

Gard (30)
Un investissement stable au prix de l’endettement

Pas de baisse des investissements propres ni des aides aux communes, bailleurs sociaux, entreprises et associations: le Gard a choisi de conserver un budget d’investissement pour 2011 identique à 2010 (149 M€) avec un taux d’autofinancement "insuffisant" de 14%, selon le président, Damien Alary.
Il a fallu actionner tous les leviers: "Réduire les dépenses de fonctionnement et augmenter le peu de fiscalité qui nous reste, ce qui n’est pas satisfaisant. En intégrant le FCTVA et les quelques subventions, il nous faudra emprunter environ 104 millions d’euros, ce qui va accroître notre endettement après plusieurs années de décrue", regrette-t-il. Entre augmentation des allocations sociales, recettes amorphes et réduction de la marge de manœuvre fiscale, le président s’interroge sur la capacité du département à financer ses besoins propres, du réseau routier aux collèges, en passant par l’accessibilité de ses bâtiments. "Et l’Etat continue de nous solliciter pour les voies ferrées, les routes nationales ou l’université !"

Loiret (45)
Gains de fonctionnement, mais baisse de l'autofinancement

In extremis, le conseil général du Loiret a maintenu pour 2011 un bon niveau d’investissement (170 M€), grâce à une politique appuyée de gains de fonctionnement. "Nous avons serré les boulons partout où l’on pouvait, avec des efforts de gestion et sur divers frais", explique le président, Eric Doligé. S’y ajoute une bonne surprise fin 2010: la reprise du marché immobilier avec une hausse de plus de 29% des droits de mutation. D’où la satisfaction de l’élu: "Nous avons réussi à ne pas diminuer nos investissements en 2011, d’autant que de grosses opérations comme la construction de collèges ne se font pas du jour au lendemain." Et la gratuité des transports scolaires n’est pas remise en cause.

Reste que les marges de manœuvre s’amenuisent, "et notre autofinancement se réduit comme peau de chagrin", constate Eric Doligé. L’élu prévoit des conditions financières "tendues" pour 2011, et attend des solutions et des réponses pour l’après 2012, qu’il s’agisse du financement de la dépendance ou de l’écotaxe.

"Les schémas types de compétence ne seront ni obligatoires ni exhaustifs"

Entretien avec
Jean-Jacques de Peretti, député-maire de Sarlat

Les futurs schémas de compétence conduiront-ils conseils généraux et régionaux à rationaliser leurs investissements ?
"C’est la première fois qu’une loi permet aux collectivités de se concerter, de négocier et conclure un accord entre elles sans que l’Etat soit présent ou qu’il fixe la règle du jeu. Le maire que je suis ne peut que se réjouir de cette liberté. Ces schémas devraient déboucher sur une nouvelle répartition des rôles entre conseils généraux et conseil régional en matière d’investissements. J’encourage mes collègues élus à se saisir de cette remarquable avancée et même à anticiper le calendrier fixé par la loi. Je ferai des propositions en ce sens au président de la République."

Les investissements devront-ils être tous spécialisés selon le niveau de collectivité ?
"Là non plus la loi n’impose rien. A titre personnel, je pense que ce serait souhaitable pour certaines compétences comme l’immobilier ou la voirie. Les schémas types que je proposerai aideront, je l’espère, les régions et les départements dans cette réflexion, mais ils ne seront ni obligatoires ni exhaustifs. Il s’agira d’une boîte à outils, constituée à partir des bonnes pratiques."

Pourra-t-il exister de grandes différences selon les territoires ?

"La loi porte en elle l'organisation diversifiée de nos territoires. Je suis convaincu que le jacobinisme et l’uniformité des structures locales vivent leurs derniers jours. Pourquoi faire la même chose en Alsace et en Rhône-Alpes alors que l’une a deux départements, et l’autre huit ? Ou en Nord-Pas-de-Calais et en Limousin, alors que l’un est frontalier et plutôt urbain, et l’autre plutôt rural ?"

A. Hélias (mars 2011)

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