L'Association des maires de France (AMF) l'a souligné : elle souhaite inscrire son 95e Congrès "dans une démarche prospective". Les élus locaux souhaitent ainsi que le gouvernement -une douzaine de ministres participeront aux débats- précise ses projets de réforme à cette occasion. 12.000 participants sont attendus à ce grand rendez-vous annuel, qui se déroule du 20 au 22 novembre, à Paris, porte de Versailles.
Réforme territoriale, calendrier électoral, cumul des mandats et statut de l'élu, finances..., l'Elysée a probablement perçu l'attente, voire l'impatience, des maires sur l'ensemble de ces sujets, qui pourrait expliquer l'intervention du chef de l'Etat, mardi 20 novembre 2012, dès la séance solennelle d'ouverture du Congrès.
François Hollande, qui était intervenu la veille (19 novembre) devant les maires d'outre-mer, tient visiblement à préciser la feuille de route du gouvernement en matière de décentralisation. Une feuille de route en partie dévoilée lors de son intervention, le 5 octobre 2012, devant les Etats généraux du Sénat, dont les principaux points méritent cependant d'être développés.
Décentralisation : un texte, vite !
Annoncé pour novembre, le projet de loi sur une nouvelle étape de la décentralisation devrait finalement être présenté au Conseil des ministres, début 2013. Le temps pour Marylise Lebranchu, selon ses mots, "d'approfondir" la concertation avec les élus et "d'affiner" la version finale d'un texte dont la ministre de la Décentralisation avait affirmé début octobre qu'il était "prêt".
Les objectifs du gouvernement — et les discussions engagées avec les associations d'élus sur cette base — sont pourtant affichés depuis l'été dernier. Ils ont été confirmés par le chef de l'Etat, début octobre, devant le Sénat :
- clarifier l'exercice des compétences,
- transférer de grandes politiques à des chefs de file clairement désignés,
- renforcer le statut des métropoles,
- faciliter le droit à l'expérimentation des collectivités et leur conférer, en l'encadrant, un pouvoir règlementaire,
- renforcer la démocratie locale.
Ces objectifs sont plébiscités par les élus, comme le confirme le Baromètre du Courrier des maires. Mais des paroles aux actes... Ainsi, le cœur de la réforme — la clarification des compétences — aiguise les appétits entre les associations d'élus. A commencer par le rôle même dévolu aux futures instances de concertation infrarégionales. Tandis que la notion de chef de file et le pouvoir règlementaire qui serait dévolu aux collectivités donnent lieu à d'âpres débats entre juristes et élus sur leurs implications.
Cependant, à trop concerter, consulter, écouter les associations d'élus sur ces sujets, le gouvernement ne risque-t-il pas d'être confronté à un patchwork de propositions (pour ne pas dire de revendications) inconciliables et de susciter des espoirs déçus chez les élus ? L'Etat doit, en tout cas, arbitrer et déposer un texte que le Parlement — quel qu'en soit son contenu — amendera largement au cours d'une discussion qui s'étalera sur le premier semestre 2013.
Quelle architecture législative ?
Le gouvernement devra aussi préciser l'architecture législative du nouvel acte de décentralisation et son calendrier. Outre le projet de loi porté par Marylise Lebranchu et la proposition de loi abrogeant la création du conseiller territorial en voie d'adoption par les députés, plusieurs textes connexes sont attendus (report de 2014 à 2015 des élections cantonales et régionales ; modification du mode de scrutin pour les départements ; modalités de l'élection par fléchage des conseillers communautaires lors des municipales de 2014 ; projet de loi limitant le cumul des mandats au printemps, etc.), tandis que le Sénat prendra des initiatives sur les normes et le statut de l'élu.
Manuel Valls consulte partis politiques et associations d'élus jusqu'au 22 novembre 2012, dans le cadre de l'élaboration du nouveau calendrier des élections locales et du nouveau mode de scrutin pour les conseillers généraux (qui nécessitera un redécoupage des cantons), a annoncé lundi 12 novembre 2012, un communiqué du ministère de l'Intérieur.
"Après les orientations fixées par le président de la République lors de son intervention" aux Etats généraux de la démocratie territoriale, le 5 octobre 2012, évoquant le report des cantonales et des régionales à 2015 et le maintien des municipales en 2014 (avec l'élection des conseillers communautaires par fléchage sur les listes des candidats), "et avant l'élaboration d'un projet de loi fixant un nouveau calendrier pour les élections locales et un nouveau mode de scrutin pour les conseillers généraux, le gouvernement a souhaité ouvrir une concertation avec les partis politiques représentés au Parlement et avec les associations d'élus concernés".
Après le président de l'Association des maires de France (AMF), Jacques Pélissard, le 19 novembre 2012, le ministre de l'Intérieur doit recevoir, jeudi 22 novembre 2012, Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France (ADF) et Daniel Delaveau, président de l'Assemblée des communautés de France (AdCF).
Le gouvernement devrait plus spécifiquement aborder avec l'AMF et l'AdCF les modalités de l'élection par fléchage des conseillers communautaires lors des municipales de 2014 dont le principe a été acté par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010, sans que sa mise en œuvre ne fasse l'objet d'une traduction législative.
Cumul des mandats, statut : un texte début 2013 ?
François Hollande a confirmé, mardi 13 novembre 2012, son engagement de faire "le non-cumul des mandats", recommandé par la commission Jospin dont il a fait "siennes" les "conclusions". Ce rapport prône l'interdiction du cumul pour les ministres et "une stricte limitation" pour les parlementaires.
Parmi les autres propositions du rapport Jospin, le président de la République a cité "l'introduction d'une part de proportionnelle" pour les législatives dont "nous discuterons avec les forces politiques", et "la création d'une Haute autorité de déontologie pour prévenir les conflits d'intérêts", ce qui "est devenu une obligation". Le chef de l'Etat a confirmé que "dès le début de l'année prochaine, un texte sera préparé par le gouvernement".
Devant le Sénat, début octobre, il avait plutôt évoqué le "printemps 2013" pour la présentation d'un texte qui devrait aussi traiter du statut de l'élu. Un sujet sur lequel le Sénat a d'ores et déjà pris la main : une proposition de loi "visant à faciliter l'exercice, par les élus locaux, de leur mandat", cosignée par les sénateurs Jacqueline Gouraud (UDI-UC, Loir-et-Cher) et Jean-Pierre Sueur (PS, Loiret), a été déposée lundi 12 novembre 2012, sera discutée.
Finances : "pacte de confiance" ou pacte d'austérité ?
L'Etat devra aussi préciser devant le 95e congrès des maires le contenu du "pacte de confiance" financier qu'il souhaite signer avec les collectivités. Un pacte qui se traduit en 2013 par un gel de ses dotations aux collectivités, avant une baisse des concours en 2014 et 2015 (750 millions d'euros chaque année), confirmée fin septembre devant le Comité des finances locales (CFL), qui pourrait s'accentuer puisque le gouvernement a annoncé 10 milliards d'économies supplémentaires.
Le pacte de confiance devrait donc avant tout se traduire pour les élus locaux par un pacte d'austérité au terme duquel ils participeront à la réduction des déficits publics.
Dans ce contexte tendu, la péréquation (verticale et horizontale) censée renforcer la solidarité entre les communes riches et pauvres a montré ses limites. Le maire de Sevran (Seine-Saint-Denis), Stéphane Gatignon, a certes interrompu une grève de la faim. Mais son action a braqué les projecteurs sur les difficultés budgétaires des villes les plus défavorisées. L'effort supplémentaire consenti pour les villes pauvres, soit 25 millions d'euros concentré sur les 50 communes les plus en difficulté, annoncé, vendredi 16 novembre 2012, par le gouvernement et l'association Ville & Banlieue, est une solution transitoire. Les mécanismes de péréquation doivent être remis sur le métier.
A la veille du Congrès, une délégation des maires conduite par l'AMF a réclamé, jeudi 15 novembre 2012, au président de la République "la stabilisation" des aides de l'Etat pour maintenir l'investissement public local, et l'a interpellé sur "les difficultés de mise en oeuvre" de la réforme des rythmes scolaires, prévue à la rentrée 2013, qui se traduira par un coût supplémentaire pour les budgets locaux.
Les élus ont aussi réitéré l'urgence selon eux de créer l'Agence de financement des investissements locaux que portent l'ensemble des associations d'élus de façon unanime, et "la nécessaire diminution des normes imposées aux collectivités, sans laquelle la maîtrise des finances publiques locales sera impossible". Là encore, le Sénat a pris la main en déposant, le 12 novembre 2012, une proposition de loi "portant création d'une Haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales".
Réforme territoriale, calendrier électoral, cumul des mandats et statut de l'élu, finances..., si l'on ajoute à l'ensemble de ces sujets le projet de loi relatif au mariage pour tous, d'une part, et la possibilité d'accorder le droit de vote aux ressortissants non communautaires pour les élections locales, d'autre part, qui ne manqueront pas de s'inviter aux débats, la 95e édition du Congrès de l'AMF promet de riches échanges.
Xavier Brivet
Le 95e Congrès des maires et des présidents de communautés de France se déroule en même temps que le Salon des maires et des collectivités locales (SMCL) , du 20 au 22 novembre 2012, à Paris, porte de Versailles.