Congrès de l'ANEM : la montagne en attente de reconnaissance

Marion Esquerré
Congrès de l'ANEM : la montagne en attente de reconnaissance

Cauterets

© Flickr/Gerard-JG65

Les élus de montagne étaient réunis en congrès les 17 et 18 octobre, à Cauterets (photo) dans les Hautes-Pyrénées. Devant les ministres de l'Environnement, de la Décentralisation et le président du Sénat, ils ont insisté sur la nécessaire reconnaissance des apports de la montagne à la communauté nationale. Le message semble avoir été entendu avec des perspectives en termes de gouvernance et de finances.

Le 29e congrès de l'ANEM s'est tenu les 17 et 18 octobre 2013 dans les Hautes-Pyrénées, à Cauterets, au fond d'une vallée  particulièrement touchée par les inondations des 18 et 19 juin derniers, devant plus de 300 participants. Au programme : très haut débit, énergies renouvelables et décentralisation. Les débats ont été marqués par la venue de deux ministres, Marylise Lebranchu (décentralisation) et Philippe Martin (environnement), et du président du Sénat, Jean-Pierre Bel. Chacun avec des réponses aux inquiétudes nombreuses des élus de massifs.

Eau : trop de normes et de contributions
A la tribune, Frédérique Massat, présidente de l'ANEM et députée de l'Ariège, a martelé : « La montagne est un château d'eau pour la France. Nous entretenons cette richesse depuis des années. Mais cela a un coût et nous attendons un retour sur investissement de la part de la communauté nationale ».

[caption id="attachment_25748" align="alignleft" width="380"] La ministre de la Décentralisation, à la tribune du 29e congrès.[/caption]

Le secrétaire général de l'association et député de Haute-Loire, Laurent Wauquiez, insiste : « L'apport de la montagne ne peut pas se réduire à des normes et des coûts imposés de l'extérieur. Les élus de terrain en ont ras le bol que, sur la base de la loi, l'application administrative aille à l'encontre du bon sens. »

Les exemples fusent : autorisation pour planter un piquet sur une zone de captage, interdiction de traverser un ruisseau en tracteur, obligation de compteurs d'eau en amont des fontaines de village... Le classement des cours d'eau, sur lequel les autorités locales regrettent de ne pas avoir été consultées est vivement critiqué.

Répondant à ces mécontentements, le ministre Philippe Martin s'est déclaré favorable à des aménagements législatifs de la loi sur l'eau de 2006, sans aller plus loin sur les modalités.

Le ministre de l'Environnement par ailleurs souhaité que les collectivités territoriales prennent « une nouvelle place dans notre système hydro-électrique », alors que se prépare le renouvellement des concessions hydro-électrique. « Les collectivités montagnardes souhaitent avoir un rôle important dans le processus, voire une participation dans les futurs exploitants. J’ai déjà eu l’occasion de proposer la tenue d’une table ronde avec les collectivités intéressées pour approfondir ces questions », a-t-il rappelé.

Représentation des montagnes
Comme pour de nombreuses associations de collectivités, l'ANEM est très active sur le terrain législatif. Deux projets de loi ont fait parler d'eux tout au long du congrès.

Tout d'abord, le second volet de l'acte III de la décentralisation qui prévoyait la création d'un Haut conseil des territoires, dans lequel les élus de montagne avaient fini par obtenir une représentation. Victoire de courte durée, le Sénat ayant supprimé cette instance, au grand déplaisir des élus de l'ANEM. La ministre de la Décentralisation  a apporté son soutien au dépôt d'un nouvel amendement, depuis l'Assemblée.

Quant au redécoupage des cantons prévu dans le projet de loi réformant les élections locales, il fait l'unanimité contre lui. Dans les Hautes-Pyrénées, la moyenne d'habitants prise en compte  est par exemple de 13 700. En Haute-Garonne, elle est autour de 40 000 habitants. Selon l'ancienne secrétaire générale de l'ANEM et ex-députée des Hautes-Pyrénées, Chantal Robin-Rodrigo, « il est évident que la représentation de nos régions sera amoindrie. Même avec les plus ou moins 15 % de marge par rapport à la moyenne départementale, nos zones de montagnes vont se dissoudre dans des zones plus urbaines ». La ministre ne s'est pas aventurée sur ce dossier qui relève de son collègue de l'Intérieur.

Vers une meilleure péréquation ?
Elle a en revanche répondu aux sollicitations des montagnards concernant l'évolution de la péréquation. En période de coupes budgétaires, les élus s'inquiètent de l'effet d'une réduction des dotations. « Quand vous enlevez 2 % de dotation à une grande commune, elle a plus de moyens de les amortir qu'une petite commune de montagne avec de faibles ressources fiscales », fait remarquer Laurent Wauquiez qui rappelle par ailleurs qu'« un habitant de montagne en territoire rural vaut deux fois moins qu'un habitant de plaine en territoire urbain ».

Un certain nombre de maires sont appelés à protéger les terres agricoles, les grands espaces, les captages d'eau, les paysages mais, je le reconnais, sans reconnaissance de l'effort accompli.”
Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation

« Je suis pour ma part très favorable à une évolution de la dotation générale de fonctionnement (DGF), a répondu Marylise Lebranchu. J'appelle cela la théorie des mètres carrés précieux. Un certain nombre de maires sont appelés à protéger les terres agricoles, les grands espaces, les captages d'eau, les paysages mais, je le reconnais, sans reconnaissance de l'effort accompli. » Protégés, ces territoires perdent notamment leur potentiel fiscal. Il s'agit donc de les prendre en compte dans une DGF révisée. Une piste de travail qui a particulièrement été appréciée par le congrès.

Prédation : les éleveurs entendus
Le ministre de l'Environnement était très attendu pour évoquer la prédation des troupeaux en montagne par les loups et les ours. « En tant que ministre de l'Environnement, j'ai la responsabilité de la protection des espèces protégées comme l'ours et le loup, a-t-il souligné, s'exprimant pour la première fois publiquement sur le sujet. Mais mon rôle est aussi de rendre compatible cette mission avec l'activité humaine. Je veux avoir une conception pragmatique. »

Tout en rappelant les actions financées par l'Etat en matière de protection des troupeaux, il s'est engagé à ce que, lorsque la situation l'exigeait, des opérations d'effarouchement et d'éloignement, voire de prélèvement – pour d'autres espèces que l'ours – puissent avoir lieu.

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