Conférence nationale des territoires : les associations d'élus entre espoirs et défiance…

Aurélien Hélias
Conférence nationale des territoires : les associations d'élus entre espoirs et défiance…

Décentralisation, territoires

© BM

À 24 heures de la grande conférence nationale des territoires (CNT) à Cahors, les associations d’élus locaux confient au Courrier des maires leurs attentes vis-à-vis du gouvernement. Politique de solidarité territoriale, fiscalité locale, numérique : les sujets qui seront abordés sont très sensibles. Et si « l’optimisme » semble pour l’heure l’emporter, la vigilance reste de mise, voire la défiance pour l’AMF.

C’est peu dire que les attentes sont fortes. À 24 heures du coup d’envoi de la seconde CNT - délocalisée à Cahors - les élus locaux sont dans les « starting-block », partagés entre les sentiments que « cela peut enfin bouger » et la crainte d’être « déçus ».

Ruralité et solidarités : des attentes fortes

Du côté de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), Vanik Berbérian espère ainsi que cette session de réflexion et de partage sera l’occasion « d’incarner de manière concrète ces mots de ‘cohésion des territoires’ car les développements sont aujourd’hui inégaux et cette cohésion doit s’imposer à tous, ruraux comme urbains ; il y a urgence à changer le logiciel ». Et ce dernier d’appeler de ses vœux l’écriture d’une « loi Ruralité ».

Même ligne chez l’Association des petites villes de France (APVF) où André Robert, délégué général, pointe le besoin de « solidarité » qui couve dans les territoires « car les métropoles captent toutes les richesses et les énergies, toutes les études le prouvent. Et le ‘ruissellement’ en revanche ne s’opère pas partout ». L’association espère ainsi que son idée d’un « 1% métropole », c’est à dire le fléchage de 1% des recettes fiscales des métropoles en direction des petites villes, sera retenue par le gouvernement.

Plan villes moyennes : dépasser le cœur de ville

À l’association Villes de France (VdF), si le plan Mézard en faveur de la revitalisation des centres-villes est bien accueilli, - « les villes moyennes n’avaient pas connu de politique d’état forte depuis les années 70 » rappelle la déléguée générale Nicole Gibourdel- on craint tout de même quelques déceptions lors de son officialisation. « Pour la revitalisation des commerces, nous sommes en faveur de moratoires pour stopper l’élargissement des périphéries commerciales surtout dans les régions déjà sur-dotées , une ligne plus exigeante que celle, semble-t-il, retenue par le gouvernement » note ainsi la déléguée générale.

Plus largement, Nicole Gibourdel estime que les questions liées à l’offre de soins dans les territoires, le maintien des services publics, les dessertes ferroviaires manquent cruellement au plan Mézard: « on a l’impression que le gouvernement s’est concentré sur les cœurs de ville sans prendre aussi en compte les interférences avec des politiques plus macros et exogènes».

Agence des territoires : non à une nouvelle "Datar centralisatrice"

Quant à la création d’une agence de la cohésion des territoires, les avis sont partagés. Les réserves aussi. « Oui, s’il s’agit d’une super agence, un guichet unique, qui engage vraiment la parole de l’État et a autorité sur les autres » concède Villes de France. « Mais attention, il faut que cette agence ait des déclinaisons régionales, car si c’est pour ressusciter la Datar centralisatrice des années 70, cela ne marchera pas ! » prédit de son côté André Robert de l’APVF.

Pour Vanik Berbérian, cette agence peut être l’occasion pour l’État de revenir dans les territoires oubliés, mais « il faut clairement revoir toute la chaîne de l’organisation, car cela me paraît compliqué d’aller chercher de l’ingénierie au niveau national pour des maires ruraux ».

Fiscalité locale : tabula rasa !

Enfin, le dernier sujet de préoccupation des élus est celui de la fiscalité locale. Tous appellent à une refonte globale de ce système. « Nous avons besoin d’un ‘bing bang’ fiscal qui dépasse largement le débat sur la suppression de la taxe d’habitation » pointe Vanik Berbérian, « on ne peut pas continuer à ‘bricoler’ et à prendre les choses de manière morcelée comme cela semble être le cas aujourd’hui ».

Si ces associations d’élus ne se font que peu d’illusion sur un passage à la trappe de la suppression de la taxe d’habitation - qui est une promesse de campagne - elles regrettent que le lien entre les résidents et les territoires puisse être « coupé ». C’est une question de « responsabilisation des citoyens » arguent les élus locaux dont certains plaident d’ailleurs pour le remplacement de la TH par un autre impôt local. La piste soulevée par Alain Richard, qui co-dirige la mission Richard-Bur, sur un possible fléchage d’une partie de l’impôt sur le revenu vers les collectivités, n’emporte donc pas un grand succès chez les associations d’élus, même si André Robert de l’APVF n’y voit pas « d’opposition de principe » mais « attend de voir ce que le gouvernement a vraiment en tête ».

Le boycott partiel de l’AMF

« Aucun Pacte de confiance n’est aujourd’hui envisageable » a décrété l’Association des maires de France dans un communiqué à moins de 48 heures de la CNT. Pour l’AMF, c’est la conséquence du discours du chef de l’Etat au Congrès des maires qui n’aurait répondu à « aucun des sujets » soulevés Porte de Versailles : « baisse de 13 milliards d’euros en cinq ans des moyens de fonctionnement » même s’il s’agit plus exactement d’une baisse par rapport à l’augmentation tendancielle des dépenses ; « caractère léonin de la contractualisation proposée par l’Etat, rétablissant de fait une tutelle sur les collectivités », suppression de la taxe d’habitation « mettant en cause gravement l’autonomie fiscale », diminution de 120 000 emplois aidés financés par l'Etat, et « mise en danger de la politique du logement social ».

Résultat : une remise « en cause de la libre administration de nos collectivités locales » qui pousse l’association à boycotter en grande partie la Conférence nationale des territoires. L’AMF se contentera ainsi d’être représentée sur place par Agnès Le Brun, vice-présidente, « à titre d’observateur des travaux de la CNT » et pour « maintenir une chance de dialogue et de négociation », assure l’association. Son bureau examinera ensuite « les éventuelles propositions nouvelles formulées par le Gouvernement" ainsi que l’ouverture annoncée par Emmanuelle Macron "des chantiers consacrés à la réforme fiscale, au statut de l’élu et aux éventuelles évolutions constitutionnelles ».

Recevez vos newsletters gratuitement

FORMATIONS