© Adobe
Avec "Nous, les enfants de Denain", les documentaristes Laurence Delleur et Vincent Jarousseau questionnent le lien des classes populaires avec leurs territoires souvent désindustrialisés en perte de vitesse, entre attachement et dépendance. Ils ont fixé leur caméra sur un jeune couple, représentatif des catégories sociales aujourd'hui majoritaires à Denain (Nord). Il s'inscrit dans le prolongement du roman-photo "Les racines de la colère" signé du co-réalisateur, qui documentait déjà dans la foulée de la mobilisation des Gilets jaunes le quotidien de plusieurs familles, jeunes ou moins jeunes, hommes ou femmes, de ce bassin minier paupérisé.
Comment envisager son avenir personnel dans l’une des villes les plus pauvres de France, emblématique des difficultés du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais à se projeter dans le futur ? Le documentaire « Nous, les enfants de Denain » fait entendre la voix d’Allan et Chloé, deux jeunes adultes suivis un an durant dans leur intimité familiale.
Laurence Delleur et Vincent Jarousseau ne se contentent pas de rendre visible le quotidien des classes populaires dans une ville ayant perdu près d’un tiers de sa population en quelques décennies, ne s’étant jamais véritablement relevée de la fermeture de son industrie sidérurgique, Usinor. A travers les questionnements de ce couple, ils interrogent les aspirations de toute une partie de la population locale à rester ou non sur une terre qu’ils chérissent autant qu’ils critiquent.
« Comment envisager un futur là où les usines ont fermé, là où le chômage se transmet en héritage de génération en génération, là où le politique est impuissant à construire un avenir ? A quoi ces gens peuvent-ils aspirer ? » questionne la co-réalisatrice Laurence Delleur, ancienne journaliste à France 3 Nord-Pas-de-Calais. Au-delà des critères économiques, ceux considérés comme rationnels par les observateurs extérieurs, cette immersion de 60 minutes dans la France populaire renseigne sur la vitalité des liens amicaux et familiaux qui continuent de s'y développer.
En cela, ce documentaire s’inscrit dans le droit fil du roman-photo « Les racines de la colère » (2019, éditions Les Arènes), de Vincent Jarousseau, photographe et ex-élu parisien. La démarche, en tout cas, se veut identique : « montrer sans démontrer », « restituer la parole [des classes dominées] sans la commenter », alors que « ces personnes de milieu populaire à la rencontre desquels nous allons sont la plupart du temps ‘parlés’ bien plus qu’ils ne s’expriment eux-mêmes. »