Brigitte Fouilland, responsable des masters Affaires urbaines à Sciences-Po, explique comment la politique européenne joue sur la décentralisation à l'oeuvre, en France, depuis les grandes lois de 1982.
"L’Union européenne diffuse des normes et influe sur la façon de gouverner"
Le Courrier des maires : La politique européenne a-t-elle eu une influence sur la décentralisation française ?
— B. Fouilland. L’Union européenne a eu une influence, en interaction avec le processus de décentralisation, sur le mode de gouvernance. A partir de 1982, les collectivités locales apprennent à travailler différemment, dans leurs relations avec l’Etat, mais aussi entre collectivités et avec les entreprises et associations, du fait de la nécessité d’une coordination plus forte. L’UE a institué des conditions de partenariat, cofinancement, évaluation, devenues normes de gouvernance. Elle insiste aussi sur la subsidiarité : un projet doit être celui d’un territoire, avec des financements des collectivités locales permettant les apports de l’Union.
Comment cette évolution se traduit-elle chez les élus ?
— B. F. Elle a forgé chez eux une connaissance des mécanismes européens, participé à une professionnalisation du montage de projets, à une pratique de l’évaluation, à une culture qui a développé l’ouverture internationale et les connaissances linguistiques. L’UE, en les poussant à intégrer ses politiques, diffuse des normes et une autre façon de gouverner.
Tous les élus ont-ils été concernés ?
— B. F. Ils sont en tout cas nombreux : ceux qui ont construit des programmes Urban, Leader et transfrontaliers, répondu à des appels à projets, monté des programmes de recherche et d’innovation, eu recours au Feder, au FSE, Feader. Parfois les élus ne voient là que des lignes de crédits et minimisent l’importance de la diffusion des pratiques et l’amélioration des compétences qui en découle. Mais en période de budgets contraints, l’apport financier est plus considéré.
Les régions apparaissent comme les gagnantes dans les politiques de l’Union européenne. Et les villes ?
— B. F. L’Union a préféré négocier – par l’intermédiaire de l’Etat – avec les régions. Malgré la place importante consacrée aux villes dans la Stratégie 2020, l’UE a du mal à construire une politique urbaine autonome qui soit autre chose que l’application d’autres politiques sectorielles aux villes, en elles-mêmes ou dans le cadre des communautés d’agglomération ou des communautés urbaines.
Propos recueillis par Martine Kis