Collectivités territoriales - La portée des « vœux politiques »

Bernard Poujade

Un département peut-il émettre un vœu tendant à ce que les maires utilisent leur pouvoir de police pour lutter contre la culture des OGM ?

Cet arrêt du 30 décembre 2009, « Département du Gers » (n° 308514) aura les honneurs de la publication au recueil des arrêts du Conseil d’Etat car il vient rappeler que les collectivités territoriales peuvent toujours émettre des vœux y compris dans un domaine où on ne leur reconnaît pas de pouvoir décisionnel comme en matière d’OGM.

Le contexte

L’interdiction des « vœux politiques », ainsi que des « proclamations et adresses » a disparu du fait de l’intervention de la loi 82-213 du 2 mars 1982 qui a également abrogé l’article 51 de la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux qui interdisait tous vœux politiques mais autorisait les vœux sur toutes les questions économiques et d’administration générale.

En levant les interdictions et les limitations ainsi posées, le législateur a laissé toute liberté aux conseils municipaux et aux conseils généraux pour émettre des vœux politiques sans que ceux-ci soient expressément limités aux seules affaires locales (cf. conclusions du commissaire du gouvernement sur l’arrêt du Conseil d’Etat du 23 juillet 1986, Didier c/ ville de Paris, AJDA, 20 octobre 1986, p. 588).

Les circonstances du litige

Par une délibération du 11 juin 2004, le conseil général du Gers a exprimé son opposition aux essais et cultures en plein champ de plantes génétiquement modifiées sur le territoire départemental. Il a émis le souhait que, dans les communes intéressées, les maires fassent usage de leurs pouvoirs de police pour interdire de tels essais et cultures. Enfin, il a fait état de son intention d’agir en liaison avec les maires concernés en cas d’actions contentieuses. Par un jugement du 6 avril 2005, le tribunal administratif de Pau a, sur déféré du préfet du Gers, annulé cette délibération, confirmé par un arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 12 juin 2007 contre lequel le département du Gers s’est pourvu en cassation avec succès.

Les textes applicables et la solution

Aux termes de l’article L.3211-1 du Code général des collectivités territoriales : « Le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département. Il statue sur tous les objets sur lesquels il est appelé à délibérer par les lois et règlements et, généralement, sur tous les objets d’intérêt départemental dont il est saisi (…) ».

Sur le fondement de cet article, il est loisible aux conseils généraux de prendre des délibérations qui se bornent à des vœux, des prises de position ou des déclarations d’intention. De telles délibérations peuvent porter sur des objets à caractère politique et sur des objets qui relèvent de la compétence d’autres personnes publiques, dès lors qu’ils présentent un intérêt départemental ; par suite, en relevant, pour juger illégale la délibération déférée, que les textes en vigueur confient à l’Etat seul un pouvoir de police spéciale en ce qui concerne les organismes génétiquement modifiés et aux maires un pouvoir de police générale, et que, par suite, le conseil général du Gers a délibéré sur un objet étranger à ses attributions, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit.

L’application au litige

L’activité agricole étant significative dans le département du Gers, la délibération déférée porte sur un objet d’intérêt départemental.

Par ailleurs, eu égard à la portée d’un simple vœu, il ne peut en tout état de cause être utilement soutenu que la délibération déférée méconnaîtrait le principe de liberté du commerce et de l’industrie, et qu’elle conduirait à instaurer une « tutelle » du département sur d’autres collectivités publiques ou encore qu’elle aurait dû être motivée. La délibération n’encourait donc pas l’annulation.

Commentaire

En tout état de cause, un vœu qui est par nature dépourvu du caractère exécutoire puisque ne comportant pas de décision faisant grief, n’est pas susceptible de déféré préfectoral ou de recours pour excès de pouvoir, si ce n’est en raison d’un vice propre entachant la délibération elle-même (cf. TA de Strasbourg, 7 avril 1987, Préfet de la Moselle c/ conseil général de la Moselle, GP, 16 août 1988, p. 17). S’il peut émettre des vœux, le conseil général ne peut pas faire de la satisfaction donnée à ce vœu la condition sine qua non d’une autre décision relevant de sa propre compétence.

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