Secrétaire d'Etat chargée de la Prospective et du développement de l'économique numérique et maire de Longjumeau (Essonne) depuis 2008, Nathalie Kosciusko-Morizet est formelle : «Les fonds numérisés doivent rester la propriété des collectivités.» Entretien.
Le Courrier des maires : Sur les 2 milliards d'euros du grand emprunt consacrés au déploiement de la fibre optique pour le très haut débit, quelle part sera attribuée aux projets des collectivités territoriales ?
Nathalie Kosciusko-Morizet. Ces investissements pour développer nos réseaux et nos infrastructures numériques seront mis en œuvre à travers le programme national «très haut débit». Ce programme vise à développer des réseaux en fibre optique en dehors des zones très denses et sera lancé avant l'été. Les projets spécifiquement portés par les collectivités territoriales seront examinés sur la base des schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique dans le cadre du Fonds d'aménagement numérique des territoires, institué par la loi. A ce stade, 750 millions ont été pré-identifiés pour ces projets.
Comment les collectivités territoriales peuvent-elles simplifier les démarches administratives en ligne ?
— N. K-M. Les maires peuvent dématérialiser leurs transmissions d'actes vers les services de l'Etat. Des solutions sécurisées, par exemple pour le contrôle de légalité, existent depuis longtemps. De nombreuses autres démarches peuvent être simplifiées, grâce au numérique, telles que les enquêtes d'utilité publique, le dépôt des demandes de permis de construire, l'accès au cadastre, sans oublier évidemment de promouvoir la dématérialisation des marchés publics des collectivités. Des partenariats existent, notamment avec l'Etat, pour relier par exemple le portail mon.service-public.fr aux sites des collectivités. Enfin, la Caisse des dépôts pourrait être amenée à jouer un rôle décisif, à la fois comme investisseur et comme apporteur de solutions.
Que pensez-vous du choix de certaines villes de confier la numérisation de fonds à Google ?
— N. K-M. Mettre en place des partenariats public-privé afin d'accélérer la numérisation massive du patrimoine est une nécessité que nul ne conteste. Pour autant, engager des discussions avec de grands (ou de moins grands aussi, j'espère) partenaires privés comporte des risques, qu'il ne faut pas mésestimer. Les fonds sont numérisés pour le compte des collectivités et restent leur propriété. Le partenaire privé ne peut en aucun cas se prévaloir d'une exclusivité, ni d'utilisation, ni d'indexation. Cela reviendrait à lui transférer la propriété des données publiques, ce qui est impossible et illégal. Il est essentiel de ne pas se laisser enfermer dans des solutions techniques qui ne seraient pas ouvertes, car les données publiques doivent pouvoir être réexploitées par des tiers une fois numérisées. Il faut donc être vigilant sur l'interopérabilité des formats. J'invite en ce sens les collectivités locales à se rapprocher de l'Agence du patrimoine immatériel de l'Etat (Apie) afin de connaître les formats recommandés.
Quelle est votre politique en matière d'équipement numérique, en tant que maire de Longjumeau ?
— N. K-M. A mon arrivée, j'ai nommé un délégué chargé des nouvelles technologies qui coordonne les actions. En matière d'infrastructures, nous avons la chance que Free équipe la commune en fibre. A cette occasion, nous nous sommes rapprochés des bailleurs sociaux pour favoriser l'accès aux immeubles. Pour le développement des usages, nous nous engageons sur des opérations pilotes. Par exemple, 15 seniors longjumellois recevront des tablettes numériques interactives dans le cadre d'une expérimentation sur l'autonomie des personnes âgées. Le site web de la mairie testera l'inscription en ligne sur les listes électorales. Et nous serons la troisième ville à rejoindre le réseau social ma.résidence.fr.
Propos recueillis par Claire Chevrier
Le Courrier des maires et des élus locaux de juin 2010