Ces contrats définissent les engagements de tous les partenaires en faveur des quartiers prioritaires et les conditions à réunir pour mener à bien le projet de réduction des inégalités sociales et territoriales.
Une fiche conseils établie par Sylvie Rebière-Pouyade, directrice du GIP-DSU de l’agglomération bayonnaise, présidente de l’Inter-réseaux des professionnels du développement social urbain (IRDSU), et Etienne Varaut, chef de projet politique de la ville en Seine-Saint-Denis, vice-président de l’IRDSU
La loi « Ville et cohésion urbaine » a posé le cadre de la réforme de la politique de la ville. Maintenant que la nouvelle géographie prioritaire est quasiment connue, avec 1 300 quartiers dans 700 communes, les agglomérations et les villes doivent finaliser les nouveaux « contrats de ville » pour la période 2015-2020.
1. Articuler la politique de la ville avec l’ensemble des politiques publiques
La politique de la ville est une politique publique partenariale mise en œuvre localement pour agir contre les inégalités sociales et territoriales. Elle vise les personnes qui résident dans les quartiers prioritaires, c’est-à-dire dans les quartiers où les habitants connaissent des difficultés accrues en termes d’emploi, d’éducation, de santé, de discriminations, de mobilité…
Pour agir avec efficacité dans ces quartiers, elle s’appuie sur l’ensemble des politiques publiques conduites localement par les collectivités territoriales et l’Etat ainsi que sur les acteurs locaux, associatifs ou économiques. C’est donc une « politique d’agglomération et de quartier » : son ambition est d’agir en faveur des quartiers en difficultés dans une vision large de la ville, de l’agglomération et du bassin de vie.
Le contrat de ville constitue le cadre de référence pour les parties prenantes du projet de territoire dédié à la réduction des inégalités sociales et territoriales. Il est impératif que celui-ci s’articule avec les autres politiques structurantes qui sont engagées, comme le programme local de l’habitat, les projets de développement économiques, l’agenda 21 ou les politiques de cohésion européennes. Cela permet de coordonner les différentes actions, d’optimiser les moyens mobilisés et de s’assurer que les quartiers prioritaires et leurs habitants, avec leurs spécificités, sont bien pris en compte dans l’ensemble des politiques publiques.
A noter. Le contrat de ville dépasse la logique de quartier pour s’articuler avec les autres politiques territoriales, notamment européennes, et s’assurer que les habitants des périmètres prioritaires sont pris en compte.
2. S’appuyer sur l’intercommunalité et les communes pour un projet de territoire partagé
Avec une vision large du territoire, une coordination globale et une articulation des politiques publiques, le binôme intercommunalité/ville joue un rôle central dans la politique de la ville. L’agglomération est « chef de file » ; elle est un ensemblier avec, à ses côtés, les villes.
Le modèle qui se développe est donc celui d’un pilotage partagé où l’intercommunalité joue un rôle d’animation du réseau d’élus, de professionnels et de partenaires impliqués au niveau communal, de coordination des instances de pilotage, d’interlocuteur privilégié dans les relations avec l’Etat et d’autres pouvoirs publics.
Cette intégration intercommunale invite les acteurs du territoire à mettre en place un débat de fond sur les principes et les mécanismes de solidarité entre les communes, notamment d’un point de vue financier ou fiscal.
A noter. Le rôle de l’intercommunalité, clairement identifié par la loi, est stratégique pour une politique de développement territorial comme la politique de la ville. Mais son évolution passe aussi par un débat sur la solidarité entre communes et sur la gouvernance.
3. Avoir une vision fine des quartiers prioritaires et une vision globale du bassin de vie
La « nouvelle » politique de la ville s’appuie sur une refonte de la géographie prioritaire avec un « recentrage » vers les territoires concentrant les habitants les plus en difficultés socio-économiques.
Si la géographie prioritaire a permis de repérer des concentrations de pauvreté, elle ne dit rien de leurs autres caractéristiques (par exemple urbaines), de leur histoire ou des interactions avec le bassin de vie. Elle exclut également, du fait du seuil des 1 000 habitants, certains territoires fragiles.
Les acteurs locaux doivent donc être en mesure d’observer, de décrire, de comprendre et de suivre ces territoires ciblés dans la durée et en s’appuyant aussi sur des éléments qualitatifs. Ils doivent également rester attentifs aux autres quartiers qui n’ont pas été retenus et qui peuvent voir leur situation se dégrader, les « quartiers de veille active ».
L’ensemble des quartiers, prioritaires ou repérés comme fragiles, doivent être mis en perspective avec leur environnement pour pouvoir intervenir sur les causes profondes des déséquilibres urbains : tout en visant in fine les publics ciblés par la nouvelle géographie, les actions à développer dans le contrat de ville doivent être conduites en interaction avec l’environnement du quartier.
Les objectifs de mixité de publics dans les actions ou la volonté d’amener des habitants des quartiers vers des structures où justement ils ne vont pas nécessitent d’intervenir aux bonnes échelles suivant que l’on parle d’emploi, de développement économique, d’éducation, de culture, de sécurité, de transports ou de logement. Cet objectif nécessite une observation sociale et territoriale fine, partagée et continue.
A noter. Pour agir au mieux sur les territoires qui concentrent les difficultés et qui justifient le contrat de ville, les acteurs locaux doivent mettre en place un dispositif pérenne d’observation de tous les quartiers et du bassin de vie.
4. Mettre en place ou conforter une démarche de participation citoyenne
La réforme de la politique de la ville a remis au premier plan une de ses dimensions « historiques » en demandant aux pouvoirs publics d’impliquer les habitants dans la prise de décision.
Cet objectif passe notamment par la création de « conseils citoyens » en considérant « les habitants et les acteurs du quartier comme des partenaires à part entière, étroitement associés à l’élaboration, au suivi et à l’évaluation des contrats de ville à travers, notamment, leur participation systématique à l’ensemble des instances de pilotage de ces contrats ». Cette ambition touche aux fondements même de l’action publique locale et les difficultés à la mettre en place sont donc nombreuses.
Cependant, des leviers existent et de nombreuses expériences montrent qu’il est tout à fait possible, d’autant plus dans une politique qui touche essentiellement aux conditions de vie, de permettre une meilleure implication des habitants et de développer leur capacité à contribuer au débat public.
Cela nécessite d’inscrire ce travail dans la durée. Il est impératif d’y consacrer des moyens et de faire évoluer les pratiques de l’ensemble des parties prenantes : élus, professionnels, acteurs associatifs, institutions et habitants. Un chantier d’envergure, donc, à ouvrir maintenant, en profitant de l’impératif des conseils citoyens pour expérimenter et innover.
A noter. Les conseils citoyens sont une obligation des nouveaux contrats de ville. Ils sont l’occasion d’innover pour donner une place plus importante aux habitants dans une politique qui les concerne directement.
5. Mobiliser un partenariat large
De la même manière que la politique de la ville ne peut se cantonner aux périmètres prioritaires, elle ne peut se contenter de ses moyens spécifiques pour transformer ces quartiers.
La loi « Ville et cohésion urbaine » a été préparée au niveau national en interpellant l’ensemble des ministères sur leurs moyens dits de droit commun, c’est-à-dire sur la manière dont ils se mobilisent au profit des habitants des quartiers prioritaires et, le cas échéant, sur de nouveaux engagements qu’ils pouvaient prendre.
Ce travail a débouché sur des conventions interministérielles. Dans le même esprit des conventions ont été passées avec l’Association des régions de France, notamment sur la mobilisation des fonds européens. L’enjeu est le même au niveau local : au-delà de l’organisation dédiée et des moyens ciblés, une gouvernance politique et technique est nécessaire au sein des collectivités pour mobiliser au mieux leurs politiques publiques. Et cela passe par un pilotage fort des maires et des présidents d’EPCI.
Au niveau partenarial, ils doivent également favoriser, avec l’Etat, la mobilisation de l’ensemble des parties prenantes : conseil général, conseil régional, bailleurs, etc. En résumé, la politique de la ville ne peut pas rester le problème d’une seule collectivité, d’un seul élu, d’un seul service ou d’une seule ligne budgétaire.
A noter. La politique de la ville est un enjeu transversal qui doit mobiliser l’ensemble des élus, des services et des lignes budgétaires. Voire transformer les politiques de droit commun pour les adapter aux besoins des habitants des quartiers prioritaires.
6. S’inscrire dans un calendrier cohérent
Longtemps prévu à fin 2014, le délai de signature des nouveaux contrats de ville a été repoussé à juin 2015. Un délai rendu nécessaire par le retard pris dans la finalisation de la nouvelle géographie prioritaire et surtout par la complexité de mise en œuvre d’une réforme qui se veut ambitieuse.
Au-delà du travail de diagnostic ou de définition d’objectifs, cette période doit être mise à profit pour engager les changements sur des questions de fond comme le rôle de l’intercommunalité, l’élargissement du partenariat, la mobilisation des moyens de droit commun, la participation citoyenne, la lutte contre les discriminations ou encore la solidarité intercommunale.
Cela doit permettre d’élaborer avec l’ensemble des partenaires la « convention-cadre du contrat de ville » consacrée aux objectifs stratégiques et aux engagements partenariaux.
Des conventions thématiques et/ou territoriales peuvent dans un deuxième temps préciser les objectifs opérationnels et les actions. Mais compte tenu de l’ambition et des changements à engager il ne faut pas envisager ces conventions comme des programmes figés ; elles fixent plutôt un cap général et gardent des marges de manœuvre pour pouvoir expérimenter ou réorienter le plan d’actions au fil du temps.
A noter. Les partenaires du contrat de ville ont jusqu’à juin 2015 pour élaborer ensemble le cadre de travail qu’ils se donnent et préciser les engagements qu’ils prennent pour les six années qui viennent. Mais ils se donnent aussi le temps d’évoluer dans la durée sur des questions de fond comme le droit commun ou la participation citoyenne.
A savoirL’Inter-réseaux des professionnels du développement social urbain (IRDSU) réunit depuis 1997 des professionnels engagés pour le développement des quartiers et des villes de la politique de la ville.
A travers des réseaux régionaux et des groupes de travail nationaux qui réunissent environ 600 professionnels il propose des échanges entre acteurs de terrain, défend les métiers du développement territorial et contribue au débat public.
Ses derniers travaux portent sur la mise en œuvre des nouveaux contrats de ville et sont disponibles sur le site de l’IRDSU.