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Alors que la polémique enfle sur la circulaire du ministre de l’Intérieur, l’audience par le Conseil d’Etat des trois élus LR ayant déposé un recours contre le texte a été repoussée. Pendant ce temps, l’AMF d’un côté, et un collectif de politologues, de l’autre, ont chacun pris la plume pour demander a minima la réécriture de la circulaire par la Place Beauvau.
Quelle sera l’issue de la polémique croissante sur la circulaire adressée par le ministère de l’Intérieur aux préfets sur le nuançage des candidats aux élections municipales ? Bien malin qui pourrait prédire le sort du texte de Christophe Castaner. Toujours est-il que la prochaine étape a été retardée de cinq jours : initialement prévue le 24 janvier, l’audience que devait accorder le Conseil d’Etat au député Damien Abad et à deux autres élus LR sur leurs recours a été reportée au 29 janvier. « Nous apprenons que le Conseil d’Etat, devant le sérieux du recours que j'ai initié contre la circulaire Castaner avec deux élus locaux de l'Ain, a décidé de passer en formation collégiale, composée de plusieurs magistrats », a même précisé le député de l’Ain sur son fil twitter.
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L'AMF veut une nuance "non-inscrit"
En attendant cette audience, deux acteurs ont apporté leur point de vue, chacun critiquant plus ou moins vertement l’instruction du ministre de l’Intérieur, à un mois de la date limité de dépôt des listes par les candidats, le 27 février.
D’abord l’Association des maires de France (AMF) qui juge que la nouvelle classification prônée par Christophe Castaner suscite à tout le moins « des interrogations légitimes sur la sincérité de l’analyse des résultats ». La puissante association d’élus demande ainsi au gouvernement de réviser sa circulaire en créant une catégorie de nuance « non-inscrit ou sans étiquette », afin de mettre fin, notamment, à cette nouvelle nuance de candidats « Divers Centre » soutenus par La République en marche, l'UDI ou le Modem... sans avoir été investis par ces derniers. « Aucun autre parti politique ne bénéficie de cette possibilité, ce qui pose un problème d’égalité de traitement entre les listes de candidats », justifie l’AMF.
L'association demande également de renoncer au seuil de 9 000 habitants en-dessous duquel les candidats ne sont pas nuancés, et de revenir au seuil de 2014, soit 1 000 habitants.
44 politologues en faveur du seuil à 3 500 habitants
Autre acteur s’étant invité dans le débat : le monde universitaire. Dans une tribune publiée par le Monde, un collectif de 44 chercheurs où l’on retrouve notamment Loïc Blondiaux, Olivier Costa, Martial Foucault, Luc Rouban et Sébastien Vignon, juge que le texte ministériel « porte gravement atteinte à un principe fondamental de notre démocratie municipale, à savoir la connaissance pleine et entière des affiliations politiques des candidats en lice ».
« 97 % des communes seraient officiellement gouvernées, à partir de mars 2020, par des maires sans affiliation partisane ou dont on ne veut rien savoir. Rapporté à la population, c’est 53 % du corps électoral qui serait privé d’une information cruciale sur l’identité politique de leurs candidats », détaillent les chercheurs. Qui battent en brèche l’argument de l’exécutif selon lequel les communes de moins de 9 000 habitants seraient apolitiques : « seules 13 % des listes présentées en 2014 portaient l’étiquette « Divers » pour les communes de 3 500 à 9 000 habitants contre 27 % pour celles de 1 000 à 3 500 habitants. Les autres disposaient bien d’une nuance politique », rappellent-ils. Quant à ceux qui ne se reconnaîtraient pas dans la nuance attribuée arbitrairement par le préfet, la transparence sur l’étiquette politique choisie, elle, par les candidats eux-mêmes, serait à même de répondre au problème, jugent-ils.
Le monde universitaire craint la casse du "thermomètre" politique
Leur argument porte également sur la capacité des universitaires à décrypter le jour venu les résultats et à les analyser dans le temps : un seuil de nuançage à 9 000 âmes « serait de nature à décrédibiliser les statistiques électorales, à priver la communauté académique, et au-delà l’ensemble des citoyens, d’un outil précieux d’analyse sur un temps long des évolutions politiques locales ». Les 44 chercheurs appellent le ministre à retirer sa circulaire ou, à tout le moins, de la modifier pour étendre la codification politique des listes et des candidats aux communes de plus de 3 500 habitants, un seuil qui avait encore cours aux élections municipales de 2008. Et « de respecter la règle de codifier chaque liste en fonction de la couleur politique de sa tête de liste » alors que la circulaire Castaner permet un double nuançage par candidat et par liste.
Tabary - 27/01/2020 19h:24
Cette circulaire est une aberration. Même les communes de moins de 1000 habitants sont gérées par des conseils municipaux dont la couleur politique majoritaire est connue de tous les habitants. Si l’on parle de listes « sans étiquette », c’est parce qu’il y a une certaine mixité politique que chacun respecte. Ce n’est en tout cas pas au gouvernement ni même aux préfets d’attribuer ces couleurs. Il suffit de demander à chaque conseil municipal d’indiquer la sienne ou celle de la tête de liste en respectant l’identité des groupements (plusieurs partis regroupés pour l’occasion). Toute autre attitude spolie une grande partie de la population de ses votes. Inadmissible !
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