Le Conseil d’Etat annule un décret pour incompétence en se fondant sur l’article 7 de la Charte de l’environnement.
Cet arrêt d’Assemblée du Conseil d’Etat du 3 octobre 2008, « Commune d’Annecy » (req. n° 297931) est très important puisqu’il constitue la première décision du Conseil d’Etat annulant un décret pour méconnaissance de la Charte de l’environnement de 2005.
La valeur juridique de la Charte
La Charte de l’environnement est issue de la révision constitutionnelle du 1er mars 2005. Le Conseil d’Etat a reconnu la valeur constitutionnelle de l’ensemble de ses dispositions dont il juge que la méconnaissance peut être invoquée pour contester la légalité des décisions administratives.
Par la présente décision, le Conseil d’Etat se fonde ainsi sur l’article 7 de la Charte, qui prévoit que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». Il affirme que ces dispositions, comme l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement, et à l’instar de toutes celles qui procèdent du Préambule de la Constitution, ont valeur constitutionnelle ; qu’elles s’imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs. Cette décision du Conseil d’Etat est en harmonie avec la décision du Conseil constitutionnel du 19 juin 2008 sur la loi relative aux organismes génétiquement modifiés.
La solution du litige
En l’espèce, le Conseil d’Etat annule pour incompétence un décret relatif aux lacs de montagne. Les grands lacs de montagne (lacs d’une superficie supérieure à 1 000 hectares) sont en principe soumis à une double législation : la loi montagne, mais aussi la loi littoral. Les communes riveraines bénéficient ainsi d’un niveau élevé de protection. Le recours portait sur un décret d’application d’une loi qui visait à réduire cette protection (art. L.145-1 du Code de l’urbanisme) : il prévoit que la loi littoral est applicable uniquement au sein d’un périmètre restreint autour du lac (périmètre qui reste à délimiter par des décisions particulières), et non plus sur l’ensemble du territoire des communes riveraines. La commune d’Annecy, qui souhaitait maintenir un haut niveau de protection, avait formé un recours contre ce décret.
Le Conseil d’Etat annule le décret pour incompétence. Il résulte en effet de l’article 7 de la Charte de l’environnement que seul le législateur est compétent pour préciser les « conditions et limites » du droit de participation du public. Le décret, en intervenant dans ce domaine, a donc empiété sur le domaine de la loi.
L’apport de la décision
Elle consacre la valeur juridique de la Charte. Déjà dans sa décision du 7 mai 2008, « Association ornithologique et mammalogique de Saône-et-Loire » (req. n° 309285), le Conseil d’Etat avait rappelé que lorsque des dispositions législatives ont été prises pour assurer la mise en œuvre des principes énoncés à l’article 6 de la Charte de l’environnement, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence en vertu de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, la légalité des décisions administratives s’apprécie par rapport à ces dispositions, sous réserve, s’agissant de dispositions législatives antérieures à l’entrée en vigueur de la Charte de l’environnement, qu’elles ne soient pas incompatibles avec les exigences qui découlent de cette charte.
Commentaire
On a souligné à juste titre que la constitutionnalisation du droit de l’environnement n’est pas une chose nouvelle. Elle répond effectivement à l’affirmation progressive des droits dits de la troisième génération, dont les droits à l’environnement. On se demandait ce que le juge ferait de l’ensemble du texte de la Charte de l’environnement qui a vocation à faire partie du bloc de constitutionnalité sur lequel le Conseil constitutionnel fonde son contrôle, car toutes les dispositions ne sauraient avoir les mêmes effets. Après une application remarquée par un tribunal (TA Châlons-sur-Marne 29 avril 2005, AJDA 2005, p. 978), le Conseil d’Etat annule donc pour la première fois un décret sur son fondement.