"Certaines réformes constitutionnelles pourraient être remises en cause »

Aurélien Hélias

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Bastien François, professeur de Sciences Politiques à Paris 1

© eelv.fr

Dimanche 24 septembre, c’est la droite qui est sortie victorieuse du renouvellement partiel du Sénat en renforçant sa majorité (159 sénateurs). Bonne opération également pour le PS qui, après le désastre des élections législatives, a plutôt bien résisté dans la chambre haute et pourra compter sur un groupe de 80 sénateurs. Déception en revanche, pour le parti présidentiel, LREM, qui n’accroche qu’une trentaine de sièges. Bastien François, professeur de Sciences Politiques à Paris 1, analyse les conséquences de ce scrutin pour l’exécutif.

Courrierdesmaires.fr : Avez-vous été surpris par la contre-performance de LREM au Sénat ?

Bastien François : Non. Les sénatoriales sont presque indexées sur les résultats des élections précédentes (régionales, départementales, municipales), or en 2014, 2015, et 2016 le parti LREM n’existait pas. De plus, les sénatoriales sont intervenues dans un contexte où l’exécutif tenait des propos « anxiogènes » pour les élus locaux… Donc il était à peu près assuré que LREM ne ferait pas un très bon score, alors que la droite était, elle, presque mécaniquement assurée de garder une majorité. Ce que l’on peut dire en revanche, c’est la que LREM n’a pas réussi le « hold-up » politique qu’elle escomptait, ou en tout cas, que certains membres de l’entourage d’Emmanuel Macron espérait.

Peut-on d’ores et déjà tirer des leçons politiques de ce scrutin ?

Il est sans doute trop tôt pour le dire. Il faut attendre de voir comment le Sénat va se recomposer dans les semaines à venir. Comment certains sénateurs socialistes « tendance macroniste » et d’autres LR « tendance constructifs » vont finalement se positionner. Les choses peuvent évoluer, car les sénateurs ne sont pas dupes ; ils savent que si Macron n’a pas gagné, il est au pouvoir pour les 5 ans à venir !

Aussi, vont-ils se placer dans une opposition systématique, comme le Sénat le fit en 1981 sous la première mandature de François Mitterrand, ou au contraire, va-t-on aller vers un modèle d’opposition plus « soft » avec des accords possibles sur certains textes ? Le moment-test, selon moi, devrait assez vite arriver avec le vote du budget. Là, nous devrions voir le paysage bouger.

Quelles seront les conséquences de ce scrutin dans le travail législatif ?

Dans le cadre de la procédure législative ordinaire, le Sénat peut effectivement « freiner » la fabrique de la loi. Mais, soyons clairs, malgré un sénat très hostile en 1981, la Gauche a pu gouverner.

En revanche, en ce qui concerne les réformes constitutionnelles, les choses me paraissent d’ores et déjà beaucoup plus compliquées pour l’exécutif. En effet, pour modifier la Constitution, le gouvernement doit - avant même d’obtenir la majorité des 3/5 au Congrès - obtenir un vote identique des deux chambres sur le projet de modification. Sans une majorité au Sénat, ce premier obstacle semble déjà difficile à franchir, notamment sur toutes les reformes portant sur le statut de l’élu ou les collectivités territoriales… Dans ces cas-là, le Sénat pourrait tout à fait s’arc-bouter dans une opposition systématique et bloquer ces révisions de la Constitution. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à François Hollande sur la déchéance de la nationalité, c’est le Sénat qui a empêché le Président de réunir le Congrès.

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